Nora, Souci,
Merci pour vos réponses.
Elles me font du bien.
C'est dans une crise d'angoisse et avec une certaine hargne au ventre que j'ai écrit ce poème en fin de journé, hier, en pensant à mon père.
Pourtant, je crois que je suis globalement en paix avec lui. D'une certaine manière, je lui ai pardonné de s'être peu occupé de nous, j'ai compris que d'une certaine manière il a fait ce qu'il pouvait.
J'ai aussi compris que, au fond de lui, il m'aimait. Quand il nous l'écrivait, à l'époque, il terminait par "Don't forget I love you". Il l'écrivait en anglais, par pudeur des mots en français, par peur qu'ils aient trop de force, pour lui, pour nous.
Il s'est sucidé à 64 ans, industriel ruiné qui s'est pendu dans son grenier.
Quand je l'ai appris, je n'ai pas pleuré.
J'ai porté l'urne funéraire au cimetière.
C'est seulement plus tard que j'ai pleuré, quand des moments importants se sont présentés : mon diplôme universitaires, ma rencontre avec ma futur épouse. Là alors, j'ai senti le manque.
Et puis, avec les années, tout doucement, la paix est venue. Et le pardon. Quand bien même il y aurait quelque chose à pardonner.
Ma mère a eu un ami les 20 années qui ont suivi, qui est mort lui-même l'an passé. Je l'appelais "tonton". Nous avons eu une bonne relation.
Je me permets de vous livrer le poème ci-dessous, qui lui, est une pure fiction. Il est écrit en pensant à un père fictif, qui n'est pas mon père, ni mon "tonton", mais qui est une idée de père. Le ton est différent du poème ci-dessus.
Le voici :
Vieillard,
Vieillard vieillissant,
je pensais ne jamais te revoir.
Me voici devant toi,
Nos corps forment une croix.
Debout,
je scrute ton visage.
Tu avais planté un tuteur,
le long de mon échine,
et m’avais dit : « reste droit »
ou je te casse
comme une vulgaire noix.
Je n’ai nullement admis,
cette haine dans ta voix.
Me voilà parti.
Au loin de toi.
Un jour j’ai compris,
la peur qui t’animait.
La peur de la chute.
De ta propre chute.
Te voilà alité,
muet et absent,
si ce n’est par ta beauté.
La beauté de tes cheveux,
de ton visage, et de tes yeux,
que tu ouvres à l’instant,
m’illuminant de la clarté de tes pupilles.
Je t’aime, père,
jamais je n’aurais dû te quitter,
te haïr,
et te maudire.
Mais je n’avais pas cette maturité,
qui permet de pardonner.
Tu n’avais pas cette douceur,
que je découvre à l’instant.
Nous n’avions pas cette beauté,
que notre amour partagé,
enfin révélé,
fait naître en nos cœurs,
en ce moment.
Nous voilà partis,
en d’autres contrées,
univers sereins,
à la douceur androgyne.
Une porte se dresse,
je n’irai pas plus loin.
Point de larmes.
Juste le bonheur,
de t’avoir retrouvé,
dans une union céleste.
Reviens me visiter,
quand tu le désires.
La porte de mon cœur s’ouvrira,
au bruit de ton pas.
Nous cheminerons ensemble,
en des lieux habités de lumière, d’obscurité et de pénombre,
de couleurs azurées et rougeoyantes.
Nous découvrirons ensemble,
ces contrées étranges,
peuplées de créatures douces, terrifiantes, ou lumineuses,
toujours bienfaisantes,
dans l’absence de peur.
Enfin ! nous ne nous craignons plus,
cher père,
et pouvons nous unir,
le temps d’un soupir.
Plus de jugement entre nous.
Juste deux traces de pas,
dans le sable fin,
qui parfois se rejoignent,
se mêlent,
s’enlacent,
pour le plaisir de voir éclore,
une bulle de lumière,
de voir se dissoudre,
un résidu obscur,
et de ressentir,
en nous,
des couleurs nouvelles.
Voilà. bonne nuit
Bien à vous,
Woestijn/Frédéric