Bonjour Laure,
C’est la première fois pour moi aussi sur un forum, mais ton témoignage a tellement raisonné en moi, je sens vraiment le besoin de participer à mon tour… même si je ne sais pas trop ce que je pourrais apporter. Comment trouver les mots, comment donner des conseils, face à une situation si traumatisante…
et parfois, comme tu le dis dans ton témoignage, savoir que d’autres passent par là aussi peut faire du bien.
J’ai 25 ans, mais lorsque ma mère à perdu la parole (aphasie), je n’en avais que 23. J’étais encore enfant. Je l’ai trouvé dans cet état, avec de grosses difficultés de parole, de compréhension, de comportement, du jour au lendemain. J’ai compris ce jour, ce que c’était que la peur, la vrai. Il faut savoir qu’il n’y avait qu’elle est moi, je suis fille unique, et ne connais pas mon père biologique. On était incroyablement fusionnel, on partageait tout. Et puis du jour au lendemain, les rôles ce sont inversés, et j’ai pris en main la situation. Plus de travail, plus de rentré d’argent (trop jeune pour les aides sociales), peu de soutien (sauf de la part de mon copain) et la nécessité de parvenir à tout gérer (argent, logement, parcours médial, traitement, administratif etc).
Le verdict tombe. Glioblastome de grade 4, incurable, inopérable, tumeur de 8 cm de diamètre.
Je n’y croyais pas, alors j’ai trouver d’autres médecins, pour avoir un autre avis. Opération possible, à réaliser en urgence. 70% de la tumeur enlevé, mais évidemment le diagnostique reste le même. C’est une sensation tellement particulière de devoir se battre et avancer, sachant que rien n’empêchera l’inévitable. Les médecins avant l’opération lui donnaient 3 semaines, mais on a pu rester ensemble 14 mois après le diagnostique. Elle avait une combativité si forte face à ce parcours du combattant que sont les chimiothérapies et radiothérapies, les rendez-vous et examens à répétition.
Malheureusement, aucun de nos logements n’étaient adaptés à sa situation, et elle nécessitait une aide et une surveillance de chaque instant (elle n’a jamais retrouvé la parole, même si on parvenait à se comprendre par le regard). Les médecins ont donc pris la décision de la placer en SSR, à plus d’une heure de chez moi. C’était inconcevable pour moi de la laisser seule, j’ai donc mis ma vie entre parenthèse et j’ai trouvé une solution pour loger là-bas. J’ai eu la « chance » de pouvoir rester à ces cotés presque tous les jours durant plus d’un an, même si je m’accordais des petits break pour ne pas craquer trop vite. Malgré la très grande misère et les difficultés qu’on affrontait, on a pu partager beaucoup de belles choses, des fous rires, des souvenirs doux.
Pendant le confinement, je n’ai plus pu aller la voir pendant quelques semaines, c’était tellement dur de la savoir seule, elle qui ne devait pas comprendre ce que se passé, qui ne devait pas comprendre mon absence. Et puis il y a eu ce fameux coup de téléphone, celui que l’on redoute, celui qui par la suite nous fait sursauter à chaque notification. Vu que ma mère était dans un tout petit hôpital, ils m’ont autorisé à venir la voir. Au départ, ils m’ont dit de rester seulement 10 min. C’était affreux, j’étais en panique, et tellement en colère face à cette injustice. Puis ils m’ont autorisé 30 min. Je garderai toujours en mémoire ce moment ou j’ai du partir, en arrachant en pleur ma main de la sienne parce que les infirmières devaient me faire sortir… Je pense que ça a été douloureux pour tous le monde, donc le lendemain, ils m’ont dit de faire un sac avec des affaires pour la nuit. J’y suis allée, comme en pilote automatique, sachant que la prochaine fois que je sortirai de l’enceinte de l’hôpital, je serai orpheline. ( ! description difficile à lire, je ne veux blesser personne…) Pendant 30 heure, je suis restée avec elle, sa main dans la mienne, à lui parler, à la rassurer, à la prendre dans mes bras en essayant de ne pas trop pleurer, la voyant petit à petit partir. Ses mains ne réagissaient plus, elles étaient froides et moites, sa respiration était lente et saccadée. Elle n’avait pas l’air de souffrir physiquement, mais elle a pleuré jusqu’à la dernière seconde. J’ai si mal en y repensant. Je crois qu’elle était consciente jusqu’au bout. Il y a 3 mois aujourd’hui, elle a donné son dernier souffle dans mes bras, sur mon épaule.
Je me répète, mais ton témoignage me touche tellement, il m‘a donné la force aujourd’hui d’écrire ça pour la première fois. Je comprend tellement ton sentiment de solitude, les « amis » qui disparaissent (le cancer fait peur, la mort fait fuir), cette angoisse face au retour à la vie normal, au retour dans le monde du travail. Devoir se confronter à des gens qu’y n’ont pas évolué comme nous, et surtout le sentiment d’avoir perdu la seule personne au monde qui était capable de déplacer les montagnes pour notre bonheur. C’est tellement traumatisant…
Tout dans ton témoignage résonne en moi… merci.
Je répond longtemps après la publication de ton poste, j’espère de tout coeur que tu reprends pied petit à petit, et je le souhaite également à chaque personne de ce forum, et plus largement à chaque personne confrontée au deuil.
PS : je suis désolée pour ce pavé, et pour les probables fautes d’orthographe…