Auteur Sujet: Chemin de traverse  (Lu 3698 fois)

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Laure R

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Chemin de traverse
« le: 16 février 2017 à 22:37:36 »
Bonsoir,
Besoin de dire...
Il y a trois jours, je me suis mise à pleurer, de façon intense. C'était un soir. je le voulais, d'un côté, ça me faisait du bien, je voulais être seule avec cette déferlante. D'un autre côté, je cherchais un sens. Le 13 février? Je rattachais cette peine à mon père, décédé le 24 novembre, mais ça n'avait aucun sens. Et je voulais du sens. Les 98 ans de ma mère, le 17 février, aucun rapport.
Et le sens m'est apparu le lendemain : ma mère a rejoint, sur la demande de mon père qui se sentait partir, un EHPAD, proche de chez moi, que j'ai choisi pour ses qualités humaines et personnalisées, le 13 février. Ils ne se sont revus que deux fois. Ont été au téléphone, deux fois par jour jusqu'au 22 novembre.
Je pleurais leur amour, leur peine. Je pleurais mon stress de fille unique responsable. Je pleurais, il y a un an, cette épreuve, l'esquisse de ce qu'il allait advenir, après déjà, une année bien chargée d'hospitalisations pour les deux. Je pleurais ma peur de l'époque, révolue. Mon père est mort. Ma mère est sous déroxat. Demain elle  a 98 ans.  J'ai une convocation, avec elle, chez le juge des Tutelles, le 2 mars, la succession depuis novembre est suspendue a une décision justice. Comment on peut convoquer une femme de 98 ans à 30 bornes, à 9h15? J'ai fait changer l'heure. Les administration me font des sièges...
J'ai pleuré, tout compte fait, parce que je ne pouvais plus parler avec mon père de ça.
J'ai pleuré, parce que je me fais à l'idée de ne plus le faire.
Mon père me manquait, dans cet accompagnement, on se parlait. Maintenant, je suis seule.
Je le fais, parce que ces cendres attendent toujours d'être en mer, et je n'arrive pas à me résoudre de comment le faire.
Je pourrais le faire en nageant Je nage facile 1k500, mais j'ai peur. Si ses cendres me nimbaient, m'auréolaient.
Ce genre de pensées, c'est juste à cinq heures du mat, quand je me réveille, sans plus me rendormir.
L'impossibilité de dormir le soir, c'est ma mère.
Il y a le deuil réel.
Et la conscience du deuil à venir.
Et bon sang, cette affaire de cendres! Mon père, marin, veut être en mer. Je fais comment?
Je nage avec lui?
Mon père, qui m'a appris à nager, qui a fait de moi cette excellente nageuse, cette navigatrice? J'ai pas de voilier.
Je fais comment, le copain voileux ou ma nage?
qu'est-ce qui me stresse le 13 février, en fait?

Hors ligne Lena

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Re : Chemin de traverse
« Réponse #1 le: 20 février 2017 à 19:46:31 »
Bonsoir Laure
J'essaie de te répondre, maladroitement sans doute, chacun a une dimension complètement différente de survivre après la mort d'un parent. Je ne sais pas réellement comment tu"perçois" ton père après sa crémation. Le fait de savoir que mon père est enterré dans le cimetière de son village m'apaise (un endroit magnifique qui plus est, sur une colline, face à la forêt). Est-ce que ton père voulait que l'on disperse ses cendres à un endroit précis? Si ce n'est pas le cas, et c'est entièrement mon point de vue, tu peux par exemple emprunter un bateau, ou bien te faire emmener à un endroit que tu connais, sur des partages de voiliers par exemple (va sur le site vogueavecmoi si tu ne connais pas). Je ne pense pas que le faire à la nage soit une bonne idée, ce serait comme accompagner mon père dans un entre-deux, entre vie et mort. La mer me paraîtrait plus oppressante ensuite (elle l'est déjà assez).
Ça doit être très dur d'attendre ainsi, mais tu le feras forcément! Les marins attendent que la tempête passe pour sortir en mer, il n'y a définitivement pas de mal à patienter. Je t'envoie toutes mes pensées d'encouragement.
Amitiés.

Laure R

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Re : Chemin de traverse
« Réponse #2 le: 24 février 2017 à 21:18:57 »
Merci Lena,
Trois mois maintenant.
Personne ne se souvient, ni mes enfants, ni ma mère, ni mon mari, ni mes amis.
Je sais que mes fils veulent être là.
J'ai des amis voileux.
Je vis mon père à la fois vivant et mort,et le troisième homme, selon Aristote et Laviliers :  ceux qui sont en mer...
https://www.youtube.com/watch?v=lQR3j_MUZBY

Je laisse venir... Je suis très patiente, la mer apprend cela. Entre autre.
On est là, on nage ensemble : force, endurance, connivence et un brin de folie audacieuse...