Bonsoir Damdam,
Bonsoir à tous,
Ton témoignage, Damdam, m'interpelle beaucoup. Surtout à partir du moment où tu décris le rôle que tu as endossé pour faire avancer les choses importantes dès que l'accident est arrivé puis pour préserver le quotidien de ta maman.
Ton récit est, je crois, celui qui - sur le forum aujourd'hui - ressemble le plus à ce que je vis, à ce que je ressens, à toutes mes problématiques. Au déni duquel je m'efforce de sortir.
Dans l'histoire, c'est moi qui doit continuer à travailler pour ne pas perdre mes commandes. En parallèle, depuis le début, j'ai tout géré seule.
Un jour, régler les détails d'une cérémonie, ici, et enchaîner avec un rendez-vous professionnel sans rien laisser paraître, il en faut de la force. Et puis comme ça le lendemain, le surlendemain... avec à chaque fois des personnes à prévenir, d'autres choses à organiser. Surtout ne rien oublier.
Et puis, rappeler une maudite plateforme téléphonique d'une assurance et puis une autre, répéter encore et toujours la même chose, supplier pour que l'on réponde à mes mails pourtant bien rédigés, clairs, nets, polis parce que de cette réponse dépend d'autres choses. De cette réponse, un dossier peut être complété.
Je ne vais pas rentrer dans les détails mais rien, à aucun moment, m'a été épargné. Je suis du genre plutôt débrouillarde et persévérante mais tout était compliqué. Enfin tout a été rendu compliqué par la situation particulière. Egalement la distance.
Désolée pour tous ceux qui ne correspondent pas à ce profil (je sais bien que tout le monde n'est pas pareil) mais en ce qui me concerne, je n'ai quasiment eu affaire qu'à des administratifs et des fonctionnaires (assurances, pompes funèbres, trésor public, notaire...) incompétents. J'ose employer ce mot avec toute sa force. Que dire, juste pour deux exemples : lorsque l'urne de rapatriement n'arrive pas à l'endroit convenu et qu'ensuite, il faut toute une journée pour la localiser !!! Ou lorsque les pompes funèbres tentent de vous escroquer en vous facturant deux fois les mêmes prestations avec des intitulés incompréhensibles (peut-être sous prétexte que vous êtes si loin géographiquement qu'ils ne risquent pas de vous voir débouler dans l'agence...) Pour preuve, un retour mail indiquant simplement - sans aucune excuse - que c'est bon, j'ai déjà payé alors que je demandais pour la quatrième fois plus d'explications avant de faire un nouveau virement.
Ton dernier paragraphe : " 3 mois se sont écoulés..." j'aurai pu l'écrire aussi. Avec quelques mois en plus. Jusqu'au dernier mot de la dernière ligne.
Tellement, trop, d'énergie dépensée et quand est-ce que j'y pense vraiment à ce qui est arrivé ? Je sais bien que mon fils ne rentrera plus, je tente de m'en persuader, et pourtant, au fond de moi, je n'y crois pas vraiment encore.
La preuve ? Je suis généralement très émotive alors que là, les premières larmes ont mis du temps à couler.
Là encore, j'ai entendu des gens me juger et me dire tout haut des choses terribles car ils ne comprenaient pas cette apparente absence d'émotions. J'aime mon fils, je pleure parfois dans le silence de mes quatre murs, dans la voiture entre deux rendez-vous, et pourtant, je donne l'impression d'être un mur d'indifférence. Pourquoi suis-je comme ça ? Qu'est ce qui m'arrive ? Pourquoi je pleure tout de suite, pour tout et n'importe quoi, et pas pour la chose la plus difficile que je n'ai eu à subir de ma vie ?
Est-ce toutes ces tracasseries administratives ou bien mon boulot qui m'accapare sept jours sur sept qui m'en empêchent ? Est-ce le déni exacerbé par le fait qu'à aucun moment, aucun rituel m'a fait réaliser que c'est bien vrai. Je n'ai rien vu. Pas l'accident, pas de corps à la morgue, pas de tombe... (un autre sujet pour le forum...)
Est-ce certaines remarques déplacées que j'ai pu lire - en m'inscrivant aussi - sur les réseaux sociaux qui me donnent envie d'hurler ? (j'avais déjà envie d'en faire un nouveau sujet sur le forum... Les réseaux sociaux qui font plus de mal que de bien).
Tout est en ordre dans sa chambre. Comme quand mon fils revenait à la maison. Sauf que là, ses sacs ne sont pas encore défaits... Pourquoi ne défait-il pas ses sacs ? Ah oui, il ne peut plus. J'ai repassé son linge il n'y a pas longtemps.
Aujourd'hui, je suis épuisée tant physiquement que psychiquement. De tout temps, j'ai toujours tiré sur la corde malgré tout, j'ai toujours su retrouver l'énergie. Une énergie, une motivation que je n'arrive vraiment plus à avoir. On commence à me dire que j'ai une sale tête, que je maigris... Je cherche mes mots, les noms des gens que je connais pourtant bien... C'est vrai que je dors mal, je mange mal, je prends trop de médicaments, je travaille trop.
Je viens de prendre la résolution d'aller prendre l'air ailleurs. Pendant un temps indéfini. Ce n'est pas facile à gérer professionnellement et je vais devoir travailler quand même, à distance, mais de toute façon je ne peux plus continuer comme ça.
Serait-ce la situation pour toi ? Sortir de ton quotidien, aller voir d'autres paysages ? Prendre le temps ? Est-ce faisable ? Aujourd'hui ou à une autre échéance ? Poses toi ces questions. Les mêmes que je me suis posée il y a quelques jours.
En m'éloignant, je sais bien que rien ne redeviendra comme avant. Dommage.
Alors, peut-être, arriverais-je juste à retrouver la force de continuer le chemin de croix des dernières tracasseries administratives (bon, l'idée première était que cela soit réglé avant mon départ mais là, j'en peux plus d'attendre).
Et surtout, arriver enfin à ce que je m'impose la réalité. Que mon fils ne reviendra plus. Jusqu'à cette ligne cela allait mais là, je conclus avec les larmes qui coulent. Je suis peut-être sur le chemin...
Damdam, je ne sais pas si mon récit t'interpellera. Si quelqu'un d'autre se reconnaîtra d'une façon ou d'une autre, ce que je suis sûre c'est que je ne vais pas bien mais que je ne le dis pas. Que nous n'allons pas bien et que nous ne pouvons pas toujours le dire... Heureusement, au moins l'écrire sur ce forum. Merci à tous ceux qui prennent le temps de lire, de répondre parfois.
Une maman qui a mal.