Cher Romain,
La mort nous confronte à une solitude sans fond. Chacun pris dans sa propre douleur et dans sa relation toute personnelle au disparu.
On ne peut pas prendre la douleur des autres, chacun va la vivre à son rythme et à sa propre intensité.
Mon père est mort quand j'avais 21ans après 2ans de maladie et 6 mois d'agonie.
J'avais une relation très complice, j'adorais mon père et il me le rendait bien. Nous formions une famille très harmonieuse, mes parents un couple très aimant et très présent pour leurs enfants.
Dans ma mythologie personnelle, mon père, même malade, ne pouvait pas mourir. Et quand il est mort, mon monde s'est écroulé, plus rien n'avait de sens et j'avais une colère sans fond contre cette injustice qui avait fait mourir cet être exceptionnel, qui revenait de si loin.
Je pensais aussi que ma mère ne s'en remettrait jamais, qu'elle mourrait de cette mort-là.
Chacun a fait son chemin dans le deuil, moi la battante, j'ai fui à l'autre bout du monde, sur la me,r ma consolatrice, j'ai navigué pendant des années. La douleur, la souffrance de sa perte était toujours aussi vive parce que je ne l'avais pas accueillie ! C'est à la naissance de ma fille que j'ai pu me mettre en paix avec sa mort et me donner le droit de vivre pleinement, malgré son absence.
Ma mère a fait un tout autre chemin, elle a accueilli l'absence, affronté ses démons et maintenant elle vit avec un nouveau compagnon qui l'aime et qu'elle aime d'un autre amour. Et je vois dans cette vie qu'elle mène, aujourd'hui, un bel hommage à mon père défunt.
Donne-toi le temps, écoute-toi, donne-toi le droit de vivre ta propre douleur, ne culpabilise pas, la mort a besoin de temps pour être intégrée, ta mère a perdu son compagnon et la douleur est immense, toi tu as perdu ton père et tu dois faire ton chemin avec cette perte-là. La meilleure aide pour les autres est d'accepter et d'accueillir qui nous sommes pour pouvoir mieux accueillir et entourer nos proches.
Je t'embrasse tendrement.