Mon père s'est suicidé quelques jours après mon 21ème anniversaire.
On dit souvent que les choses vont mieux avec le temps. Qu'on parvient à accepter, qu'on a moins mal... Après la mort de mon père, je ne pensais pas que ce soit possible, ma douleur était trop intense et quelque part je me refusais aussi d'aller bien, en me disant que ce n'était pas possible d'être heureuse après un tel drame. Les années ont passé, ça fait 11 ans maintenant et je ne peux que constater qu'heureusement les choses ont changé, évolué... Je ne ressens pas les mêmes sentiments et certainement pas dans les mêmes proportions. Je pense toujours à lui, chaque jour, parfois dans de bons souvenirs, des moments drôles, parfois teintés davantage de nostalgie et de tristesse.
J'ai réussi à ne plus trop lui en vouloir d'être parti, j'ai réussi à ne plus trop m'en vouloir de ne pas avoir été suffisamment présente pour l'aider à se sortir de cette dépression dont je n'étais qu'à peine consciente à l'époque.
Mais oui la douleur s'estompe et il n'y a pas de temps concret pour le dire. Ce n'est pas au bout de tant de mois ou d'années qu'on se dit ça y est mon deuil est fait. Car quelque part il n'est jamais fait, car on n'accepte jamais d'avoir perdu son père, que ce soit d'un accident, d'un suicide ou d'une maladie. C'est toujours trop brutal, trop tôt... Mais malheureusement on doit apprendre à vivre avec, et c'est le temps qui passe et ce qu'on fait de ce temps (en négatif comme en positif) qui nous permet d'avancer. Avancer ne veut pas dire oublier la personne, c'est continuer à vivre avec lui en nous.
A la mort de mon père, je me suis retrouvée particulièrement seule, mon frère ne communiquait pas et ma soeur est tombée enceinte très rapidement après et était donc dans une pulsion de vie alors que j'étais dans quelque chose de très mortifère. Je parlais un peu avec ma mère mais je ne voulais pas la charger plus que ça avec ma douleur alors qu'elle avait tant à gérer en plus de sa douleur propre, avec tous les problèmes financiers que nous avions. J'en parlé un peu avec mes amis mais soit j'avais l'impression de les saouler en répétant inlassablement les mêmes choses, en me disant que de toute façon rien n'y changerait en en parlant et puis je n'avais pas forcément le retour escompté. Donc j'ai arrêté plus ou moins d'en parler. Et puis c'est revenu, et là j'en ai parlé à une professionnelle qui a pu mettre le doigt sur beaucoup de choses, sur mes actes, sur ma façon d'être et de faire et tout ce que ça pouvait impliquer. J'ai aussi écrit, ce qui m'a beaucoup soulagée et depuis je vais beaucoup mieux même si l'absence est toujours présente de façon plus ou moins douloureuse en fonction des moments.
Bon courage Julie, tu vas arriver à avancer et construire ta propre vie, mais ne te mets pas de pression, juste essaye de communiquer le plus possible, même ici pour ne pas garder en toi tout ce que tu ressens et qui pourrais te bouffer de l'intérieur.