Auteur Sujet: Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde  (Lu 3088 fois)

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Hors ligne Cilou7413

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Bonsoir à tous ceux qui me liront, je m'excuse par avance pour la syntaxe, j'ai juste besoin de parler, de mettre à l'écrit ce qu'il se passe dans ma tête depuis le 3 avril 2019.

Voilà bientôt un an que j'ai perdu celle qui m'a donné la vie une deuxième fois,  qui m'a élevé,  m'a guidé sur ce chemin torturé qu'on appelle la vie......ma grand mère.
Elle est partie des suites d'un cancer de la bouche foudroyant, à l'âge de 96 ans. C'est elle qui a décidé, plus ou moins, du jour de son décès, elle a souhaité bénéficié d'une nouvelle loi lui, permettant d'être sous morphine, comme endormie, mais il n'y a plus aucun soin, aucune alimentation. C'était son choix, elle n'en pouvait plus de souffrir, je le comprends, elle voulait partir.
Pour comprendre mon état d'esprit aujourd'hui, il faut savoir que j'ai déménagé en 2017, soit un an avant le diagnostic, en Martinique, à 7237 km d'elle. J'ai toujours été très proche d'elle, à  partir du jour ou je suis arrivée ici, je l'ai appelé tous les jours sans faute. Il m'est arrivée de ne pouvoir, et de me faire "gronder" le lendemain. La dernière fois que je l'ai vue c'était 3 semaines avant son décès, m'a famille m'avait informé de la dégradation de son état, de son hospitalisation, et qu'il fallait que je vienne de toute urgence. J'ai sauté dans le premier avion et suis rentrée en Métropole  la voir à l'hôpital. Tous les jours, toute la journée. Le personnel de l'hôpital a été génial,  et aux petits soins de ma Mamy et de nous la famille. Nous avons pu la faire sortir de l'hôpital une apres midi complète,  elle voulait revoir sa maison une dernière fois. C'était un après midi de souvenirs, je me suis revue comme quand j'étais enfant, avec ma cousine, ma tante, ma meilleure amie lors du goûter d'après école. Elle était heureuse ce jour là. Elle n'a pas eu besoin de morphine pour calmer la douleur. Elle a mangé de bon appétit un éclair à la vanille, pour lequel nous avons du faire toutes les boulangeries de la ville pour en trouver un.
Le lendemain, la douleur l'a rattrapée,  traitesse.  J'ai du lui dire "adieu" le samedi, je devais rentrer m'occuper de mon fils, même s'il a 16 ans, il a besoin de moi. Et mon mari aussi.
Et à partir de ce jour ma descente aux enfers commence.
Le 1er mai de l'année dernière,  je lui ai  parlé pour la dernière fois au téléphone,  le lundi elle m'avait expliqué son choix, la procédure,  son soulagement. Je l'ai sentie en paix avec elle même ce jour là.  Elle a eut sa sédation profonde à 17h française,  il était 11h du matin pour moi. J'étais seule, toute la journée,  jusqu'au soir que ma famille rentre de leurs obligations respectives,  école et boulot.
Il a fallu attendre 7 jours. 7 longues et mentalement horribles journées. Malgré les paroles réconfortante de ma cousine qui a pris soin d'elle jusqu'au dernier moment, me certifiant que son souffle était paisible, comme son visage, quand on ne voit pas, on s'imagine pleins de choses, enfin moi.
Le mercredi 8 mai, jour fatidique. Mon fils me tanait depuis un moment pour aller voir un célèbre film, ironie ou non Endgame. J'ai cédé.  Ce même jour, mon oncle et ma cousine lui avaient dit qu'ils reviendraient plus tard,  qu'ils allaient un peu dans leurs familles. Cela faisait 7 jours qu'ils se relayaient pour ne pas la laisser seule à ce moment là. C'est celui ci qu'elle a choisit. Pour ne pas déranger,  comme tout le reste de sa vie. Le plus discrètement possible. 
Ce matin là,  je me suis levée en me sentant pressé au niveau thoracique,  je n'arrivais pas à prendre de grande inspiration,  l'impression que,l'air me manquait. Cette oppression à duré jusqu'à 14h24, heure où le film a commencé exactement, et où elle a rendu son dernier souffle. A la fin du film j'ai pleuré,  pour le,personnage, mais je sentais pour autre chose sans savoir le définir.
Je savais que c'était fini au moment même où j'ai rallumé mon portable à la sortie du cinéma. Je l'ai appris par sms et message vocal. Il était presque 18h ici, en Martinique, pour ma famille il était minuit, même si je savais que beaucoup ne dormait pas, je ne pouvais décemment pas appeler.
Mon mari était en déplacement jusqu'au samedi, j'étais seule avec  mon fils,  je lui ai fait  peur ce jour là.  Non pas que nous ayons, ou même risquer l'accident. Je pense plus que c'est la détresse qui a du s'afficher sur mon visage à  ce moment là.  Durant tout le trajet il s'est senti obligé de faire,le clown pour me faire rire. Et ça a marché,  c'est la première fois que j'ai refoulée ma détresse.
Son enterrement à eu lieu le 14 mai 2019. Je n'y suis pas allée. Afin d'être présente ce jour là,  j'ai écrit une lettre à ma grand mère,  demandant à ce qu'elle soit lue pendant la cérémonie,  lors des hommages. Ma tante m'a dit qu'elle ne serait pas lue mais imprimée et glissée dans son cercueil entre ses mains. J'ai eu la sensation d'un coup de poignard dans le dos. Je suis peut être égoïste,  mais ce jour là,  j'aurais crue qu'on aurait eu une petite pensée pour sa petite fille qui était si loin, si malheureuse, un petit mot. Rien, ma meilleure amie,  qui adorait ma grand mère,  a été la seule à me représenter. Ma famille ma lâchée.
Je n,ai pas enterré ma grand mère,  personne ne m'a donné l'impression de participer à ses funérailles,  donner 15 euros pour une plaque de la part de 10 petits enfants, 20 arrières et 7 arrières arrières,  oui mais pour moi c'est normal, ce n'est pas un acte d'amour, de partage, c'est rappeler juste que la famille est nombreuse.
Je n'ai pas la sensation d'avoir pu partager la peine de ma famille, je sais que le desarroi est grand pour tout le monde, mais peut-être sont ils tout aussi seul que moi, malgré leur proximité géographique.
Pendant les 15 premiers jours qui ont suivi son enterrement,  j'ai pleuré,  hurlé,  je lui ai demandé pourquoi, j'ai décroché le téléphone des nombres incalculable de fois pour l'appeler.
En juin, mon premier anniversaire sans elle, sans sa carte postale, et son appel le jour de la fête de la musqiue, toujours une journée d'avance, parce qu'elle adorait la musqiue. Et moi aussi.
Cet été,  mon fils  aîné m'a présenté sa fiancée,  bouffée d'air frais dans ma traversé du désert. Mais la douleur est revenue plus forte que jamais après son départ.  Le jour où ils sont partis,  son petit frère l'a accompagné en vacances en Métropole chez ses grands parents paternel pour 2 mois, et mon époux et reparti en mission pour 1 mois. Je n'avais plus de boulot, plus de raison de me lever le matin. Un deuxième vide s'est installé. J'ai perdu tous mes points de repères.  Aujourd'hui,  je dois avouer qu'il me faut faire un gros effort de concentration pour me rappeler ce qu'il s'est passé depuis le décès de ma mamy/maman, jusqu'à noël. 
Aujourd'hui,  je déménage,  je quitte la Martinique pour la Guyane,  j'aurais presque envie de chanter un titre bien connu, et barbant à souhait, mais qui exprime mon état d'esprit " Libérée, délivrée " j'ai trouvé un travail la bas, j'adorae la région,  et pourtant je n'arrive pas à sourire vraiment.
Je viens de passer une semaine la bas pour visiter, et j'ai l'impression d'avoir gâchée la fin du séjour avec mon époux.  Nous nous sommes un peu disputé,  parce que j'étais mélancolique,  alors qu'au début de la semaine j'étais plutôt euphorique. J'ai de nouveau ri de bon coeur cette semaine,  je me suis émerveillée  de petit rien. Un papillon, un oiseau, une fleur particulière, pour moi, mais sans plus pour les autres. Cela faisait longtemps, très longtemps que je n'avais pas pris plaisir à découvrir de nouvelles choses.
Pourtant, vendredi j'ai replongé.  Sensation désagréable d'un gouffre qui s'ouvre sous vos pieds alors que dans un moment d'oubli total je me suis dit que j'allais l'appeler pour lui raconter toutes ses découvertes,  lui faire partager ma joie d'avoir retrouvé du travail , lui décrire tout dans les moindres détails,  et là un éclair de lucidité m'a frappé en plein coeur, plus JAMAIS je ne partagerais ces moments avec elle. Moments où même à  40 ans je me sentais encore dépendante, malgre mes 2 fils, et,mes 20 ans de mariage. J'ai encore besoin  de
Son avis, elle qui nous a toujours guidée mes cousines et moi.
Je viens de relire mon texte,  et je m'aperçois que je suis très brouillonne, on ne sait pas trop où je vais, mais,moi non plus. Je suis perdue, je ne sais plus  trop où est ma place.
Mon mari à l'impression que je l'abandonne,  tellement je me suis renfermée sur moi.  Mais j'ai l'impression d'avoir tout oublier, de ne plus savoir m'occuper de ma famille, que j'ai commencé à construire il y a plus de 20 ans. Mon mari, je n'arrive plus à lui faire plaisir. Un jour il s'est plaint que je ne prenais plus  soin de moi, j'ai recommencé,  mais je me force encore. Je ne le fais pas spontanément. 
J'ai toujours dit que dans ma tête j'avais 17 ans, que je n'avais pas la sensation d'avoir 40 ans.
La réalité vient de rattraper ma fiction, et je dis bien ma fiction.  Je me suis pris 25 ans en pleine face. Choc douloureux. Mon foyer d'enfance est en vente, un nouveau vide, une nouvelle réalité dure à accepter. Pourquoi vendent ils la maison ? Je ne veux pas, mais il faut être  réaliste,  accepter cet état de fait. Le retour en arrière est impossible. C'est dur. 
Je veux allez de l'avant, que son doux souvenir m'accompagne, me guide,  mais quand je pense à elle, ce n'est encore que tristesse, je me repasse en boucle les derniers instants passés avec elle, ses paroles reconfortantes, le dernier câlin que nous avons partagé,  les je t'aime, et je pleure. Je ne pensais pas pouvoir pleurer autant, si longtemps.
Et mon homme, au milieu je le sens perdu, alors je n'en parle jamais, j'essaie de le préserver,  je me tais sur ma douleur, cette sensation d'être perdue, je sens qu'il ne comprend pas. Je ne sais pas comment lui expliquer.
Il comprend mon chagrin, mais n'admet pas mon inactivisme, il ne comprend pas que je puisse me sentir seule, alors qu'il est là,  ainsi que  nos enfants, sa famille, nos amis.
Pour lui, je ne respecte pas la mémoire de ma grand mère en "m'appittoyant" sur moi même depuis si longtemps. Qu'il faut que je redevienne actrice de ma vie, et non plus spectatrice.
un nouveau travail, une nouvelle maison, une nouvelle région m'attendent dans un mois. Je sais que je mise beaucoup dessus afin de reprendre le cours de ma vie, tant et si bien que je viens à avoir peur d'échouer,  et la je replonge en pensant qu'elle n'est plus là pour m'encourager, me féliciter,  me secouer quand j'en ai besoin.
Cela va t il encore durer, je suis fatiguée de ces montagnes russes émotionnelles. C'est pire que les changements hormonaux après un accouchement responsable du baby blues, parce que ca s'inscrit dans le temps, et sans hormones.

Je vous remercie d'avoir pris la peine de me lire.

Hors ligne Cilou7413

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #1 le: 03 février 2020 à 05:21:42 »
Je souhaite partager la lettre que je lui avais écrite

Mamy,

Je t'écris ces derniers mots depuis mon île aux fleurs, assise sur ma terrasse à regarder ce paysage que je t'ai tant décrit depuis deux ans. Mais même si le paysage est beau, ma peine n'en demeure pas moins grande.

Tu étais tellement plus qu'une grand-mère. Tu étais ma maman, mon modèle. Toujours souriante, d’humeur égale. Tu connaissais les mots qui font du bien au cœur, qui rassurent.

Comme j'aimais t'écouter me parler de ton enfance, de ton adolescence, rattrapée par la guerre. De ta rencontre avec Papy. Que c'était pendant ton voyage de noces, dans la région, que vous aviez décidé de fonder votre foyer à Lons.

Et quel foyer. Je te revoie encore dire à tes visiteurs, avec fierté, que tu avais 5 beaux enfants, 10 petits enfants adorables et 22 arrières petits enfants tout aussi magnifiques. Nous étions nombreux dans cette maison.

Maison du bonheur, que tu as rendu chaleureuse, pleine de joie. Je n'ai jamais entendu rien d'autres que nos cris d'enfants se disputant, ou jouant.

Tu te souviens du jour où je suis rentrée en larme à la maison parce que mes amies t'avaient surnommée MamyNova. Tu avais éclatée de rire, et tu m'avais dit que pour toi c’était un très joli compliment. Tu aimais tellement faire des gâteaux. Et il est vrai que le goûté était un rituel sacré. Réunion de famille informelle, petits et grands nous étions réunis autours d'un thé, d'une tisane, d'un chocolat, sans oublié les pâtisseries.

Tu vois, même quand je t’écris je suis une vraie pipelette.

Mais il m'a été tellement facile de vivre et grandir à tes côtés.

Ma Mamy, ma Maman

Il y a très peu de temps, je suis venue te dire au revoir.

J'ai eu la joie de pouvoir te dire une dernière fois combien je t'aime, combien tu étais importante pour moi. Présence discrète, mais toujours à l'écoute, tu m'as guidée, conseillée dans tous les moments de ma vie.

J'ai pu te dire merci également.

Merci pour cette enfance dorée que vous m’avez offert avec Papy. Pour tous ces moments partagés en famille, les réveillons de Noël, les Vacances d'été avec les cousines. Il y en a tellement de ces merveilleux souvenirs.

Merci d'avoir fait de moi la femme que suis.

Aujourd’hui tu rejoins Papy. Mais tu sais, il a toujours été là avec toi.

Tu t’en vas. Tu as dit que c’est dans l’ordre des choses quand on a 96 ans, que tu as bien vécue, même si on ne peut pas l’accepter.

Tu nous laisses des souvenirs merveilleux d’enfance, d’adolescence et d’adulte. Ce sont des souvenirs qui nous construisent, qui font ce que nous sommes et nous aident à notre tour à construire notre avenir, et celui de tes arrières petits enfants.

Aujourd’hui, il nous faut grandir encore un peu.

Au revoir Mamy,

Je t'aime

Hors ligne katrinap

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #2 le: 03 février 2020 à 10:09:16 »
c'est toujours très douloureux de perdre un pilier je vous adresse mes condoléances
que vous dire? essayez de trouver des espaces où pouvoir pleurer votre grand mère sans témoin, pour ne pas gacher votre vie avec votre mari et vos enfants, mais avoir un endroit où faire votre deuil et vous ressourcer
le manque demeurera mais avoir cet espace vous permettra d'avancer ensuite, la douleur sera plus diffuse, le temps aide à ça même si de le dire donne le sentiment de trahison de l'être perdu, la vie doit continuer et vous ne pourrez pas perpétuellement être en état de tension de douleur, ni le corps ni l'esprit ne le peuvent
venez parler de vos souvenirs d'elle ici si vous en éprouvez le besoin
ce sera peut être une partie de cet espace
ici aucun jugement,  on vous écoutera et aidera si on le peut
chaleureusement
katrin

Hors ligne Cilou7413

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #3 le: 03 février 2020 à 12:55:04 »
Merci Katrin pour votre réponse

Hors ligne Cilou7413

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #4 le: 03 février 2020 à 16:55:31 »
Mamy,

Ta fille m'a donnée naissance,  mais c'est toi  qui m'a donné la vie quand j'avais un an.

Le sujet n'a jamais été tabou dans notre famille,  mais la pudeur, la honte aussi, ta honte d'avoir raté un virage dans l'éducation de cette fille m'a toujours imposée le silence envers toi, je te portais trop d'admiration. Je ne t'ai jamais posé les questions qui me brûlaient les lèvres. Surtout des pourquoi.

Je sais que c'est Papy qui est allé me chercher à l'hôpital, qui a fait un scandal pour me ramener, et interdire pour un temps tous contacts avec sa fille, qui m'a laissée mourir de faim et d'amour.

Drôle de début dans la vie. Oh je ne me plains pas, bien au contraire, si je suis là,  c'est grâce à eux. A l'amour qu'ils m'ont donné tous les deux.
Leur mort était également un sujet présent,  mais je n'ai jamais voulu l'entendre, nos parents sont des êtres immortels non ?

Mon premier pilier, mon Grand Père,  ce père de substitution, s'en est allé le 13 février 2001.  Deux mois à peine après mon mariage en catastrophe, je voulais être à ton bras ce jour là,  partager ma joie. Mais tu étais déjà partis. Loin dans les méandres de tes souvenirs, qui t'abandonnaient aussi lentement.

Celui qui m'a appris la valeur du travail bien fait, la satisfaction personnelle, que si tu veux des compliments, il faut te les faire toi même, car autour de toi, on ne verra que tes faiblesses, on te pointera du doigt si tu as le malheur de chanceler. Mais il m'a enseigner aussi la confiance, même si aujourd'hui j'ai l'impression de tout avoir oublié.
Confiance en soi, en ses capacités, et confiance en l'autre. Parce que la vie est une succession de rencontre et d'au revoir.

Aujourd'hui, je me sens mal, j'ai l'impression d'être plus malheureuse pour ma Mamy, que pour lui.
Mon homme essaie de me déculpabiliser, en me rappelant, à juste titre, que j'ai fait un malaise le jour de son enterrement tellement je n'arrivais pas à maîtriser mes émotions, on hurle pas sa peine dans une église. Mon corps m'a lâché,  je n'ai pas assisté à la fin de la cérémonie. J'ai retrouvé tout le monde au cimetière, au moment où son cercueil était descendu dans le caveau. Et la réalité s'est rappelée à moi, encore plus violente, c'est fini.

Alzheimer,  Parkisson maladies vicieuses, tu les avais toutes les deux. Je t'ai vu partir, alors que tu étais encore là.  Est ce pour cette raison, que le jour où tu es vraiment parti,  le jour où ton corps à dit stop, c'était moins dur, toute proportion gardée, plus facile à assumer. Plus simple de te laisser partir.

Ma grand mère a fait une crise cardiaque dans l'année qui a suivi son décès.  Moment de panique intense, non pas elle aussi....
Et la vie à repris son cours, tant bien que mal.
Rire, sortir, échanger avec les autres...
Ma raison d'être à ce moment là était de soutenir ma grand mère, parler de cet homme avec lequel elle a construit sa vie pendant près de 60 ans. La forcer à se souvenir, des bons et moins bons moments qui ont fait d'elle ce qu'elle est.
Le vide laissé par ce départ,  à finalement été comblé par autre choses, que je ne pourrai décrire, au fil des années qui passent.
Mon deuxième fils est né,  2 ans après, bercé par les histoires de ce Grand Père qu'il ne connaîtrait jamais.
J'espère avoir réussit à lui transmettre la fierté d'être son arrière petit fils.

Et voilà que 18 ans plus tard,  celle qui a soutenu tout la famille à bout de bras après le décès de sa moitié, s'en va aussi.

Dans ma conscience, je sais qu'elle avait 96 ans, presque un siècle de vie riche d'amour, de peines, de joies, de tracas.... Que c'est dans l'ordre des choses de voir ses parents partir.

Quand je lis les témoignages de jeunes de 15, 20 ans qui ont perdu ces points de repère, à une période où l'on se cherche soi même, je me dis que j'ai de la chance. Que j'aimerais les aider à traverser cette épreuve. Trouver des mots pour les aider à avancer. A se trouver.

Mais je n'en suis pas encore capable, pourtant j'ai 43 ans, j'en ai fini avec les questions existentielles de l'adolescence, enfin c'est ce que je croyais.
J'ai une vie confortable, un mari aimant, des enfants adorables, et pourtant je me sens seule.

Je ne suis pas en train de me plaindre, c'est un constat. Je n'imaginais pas être aussi dévastée par cette perte à mon âge. Je me croyais plus forte. Même si je sais que je suis hypersensible. En plus, la mort n'a jamais été un sujet tabou, mes grands parents m'ont toujours dit qu'ils pourraient partir un jour sans crier gare.

Ils ne l'ont pas fait.

Cancer, je te déteste. Tu es venu, et m'a pris ce qui comptais le plus pour moi, après mes enfants.

Tu as frappé ma grand mère au visage littéralement, l'empêchant de manger, de parler, de rire. Elle qui était si gaie, qui chantait dès le réveil jusqu'au soir. Tu l'as défiguré, lui laissant des trous beants autour des lèvres.
Qu'il a été dur de te voir souffrir quand tu mangeais, toi qui adorait bien manger et faire la cuisine pour la famille.
Qu'il a été dur ce samedi d'avril de te dire adieu, je savais que c'était la dernière fois que je sentais tes mains sur ma tête, tes caresses. ...

Un autre souvenir me revient. Quelques années après le décès de mon Grand Père, elle m'a avoué qu'on ne lui avait jamais dit je t'aime, pas même son mari.
J'ai du faire une tête bizarre à ce moment, parce qu'elle s'est empressée de me dire qu'il lui faisait sentir autrement, mais il n'a jamais pu prononcer ces 3 petits mots qui réchauffent le coeur quand ils sont sincères.
Et je me suis rendue compte, que moi non plus je ne l'avais jamais dit, tellement il était évident que je l'aimais. À partir de ce jour, j'ai continué à lui montrer mon amour,  mais surtout je lui ai dit.
Ce sont les derniers mots que je lui ai dit "je t'aime Mamy"

Aujourd'hui j'oscille entre deux  sentiments contraires.
Le premier est une forme de culpabilité.  Je me reproche mon absence .
Absence physique pendant l'année de maladie,  je ne pouvais que l'appeler tous les jours, ce que j'ai essayer de faire sans faillir.
Absence le jour de ses funérailles. J'étais seule, à 7000 km de ma famille. 
Dans mon entourage proche, on me répète sans cesse, qu'il valait mieux la voir vivante, diminuée,  mais en vie. Que j'ai pu lui parler à coeur ouvert de cette angoisse qu'allait impliquer son départ. Que j'ai pu lui faire mes adieux. Que de toute façon, elle se fichait de savoir qui était là où non. Que se sont les vivants qui nous font culpaliser par des mots parfois maladroits.
Mais j'ai l'impression qu'il me manque quelque chose de tangible a quoi me raccrocher. Afin d'essayer de combler ce manque, j'ai demandé à ma famille une photo de sa tombe, afin d'avoir une preuve que tout était arrivé.  On m'a dit que c'était glauque comme demande, que cela ne se faisait pas de prendre en photo une tombe. Ils m'en ont envoyés une finalement, mais je dois être exigeante, elle est floue et je ne lis pas son nom sur la stèle, je suis insatisfaite.

Est ce normal ? Suis je normale ?

Je n'ai qu'une envie c'est d'aller sur cette tombe que je connais parfaitement,  son fils de 18 mois et son mari
Y sont avec elle. Aussi loin que remonte mes souvenirs, elle m'a toujours emmené avec elle  voir cet oncle mort bébé.
Je n'ai jamais trouvé les cimetières glauques, mais comme un lieu de souvenirs,  un nouvel endroit où la personne est "physiquement" presente. Lieu où l'impresion de proximité est plus forte que n'importe quel autre endroit, neutre aussi, car il n'est pas rempli de cette présence qui nous manque tant, comme peut l'être la maison, où on s'imagine voir entrer la personne aimé d'une pièce....

Écrire me fait du bien. Je le découvre depuis hier soir, ou j'ai commencé à partager avec vous ma douleur, notre douleur.
Mes pensées sont encore confuses, je sens que je passe du coq à l'âne,  de mon enfance à ma vie d'adulte.
D'une envie de croquer la vie à pleine dent parce que je sens sa présence bienveillante , à celle de me terrer au fond de mon lit sans voir personne parce que le manque, l'absence sont trop  vifs.
Ce yoyo émotionnel est très difficile à gérer,  et je ne sais comment l'expliquer à mon entourage. Pour eux, ça va faire un an, c'était ma mère de coeur soit, mais elle avait 96 ans, un cancer en phase terminale,  ce n'etais pas un enfant, je devrais aller mieux maintenant. Pourquoi me mettre à repleurer comme une madeleine après 3 mois d'accalmie chaotique.

Mon époux à l'impression que je régresse,  il se sent abandonné.  Il m'a toujours vue mettre mes émotions au placard pour soutenir les autres. Quand on a perdue notre chienne, d'un cancer aussi, j'ai porté ma famille à bout de bras, je les ai obligé, tous, à parler de ce compagnon de jeu, de cette confidente qui aboyait, quand je sentais qu'il le fallait.
Quand il a perdu sa tante, j'étais présente quand il en avait besoin.
Mais aujourd'hui,  il a l'impression que j'ai baissé les bras, que je ne me bats plus,comme au début.
Nos moments complices ont disparus, je n'en ai pas envie. J'ai mis une définition sur ce qu'est le "devoir conjugal". Il le sent, et notre relation est pourrie.
Je sais que c'est un sujet intime, mais j'ai peur de le perdre, comment lui montrer que je l'aime encore, que je sens le désir encore en moi, mais je n'arrive pas franchir le cap, je ne le laisse pas s'exprimer.
Il ne comprend pas mes mots, je n'arrive pas à lui expliquer l'ouragan qui ravage ma tête, que parfois je suis dans l'oeil, tout est calme, et patatra ça recommence, comme si les moments de grâces n'avaient jamais existés.


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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #5 le: 04 février 2020 à 11:15:52 »
le deuil de nos parents fait ressortir le moi enfant enfoui en nous, comme une forme violente et rapide de résurgence
oui vous êtes normale
et que votre sentiment que les moments de grace n'aient jamais existé aussi
ce qui ressort est la douleur violente, la réalisation que la vie ne sera plus la même et que vous perdez ceux qui vous aiment inconditionnellement
c'est sans doute ça le plus douloureux
un mari nous aime mais peut partir, les enfants nous aiment mais prendront leur envol
un parent quand il a été présent est la personne qui vit pour vous qui vous aime quoique vous fassiez
il vous faudra du temps et n'en veuillez pas à votre mari, il est à mon sens impossible de se mettre même avec empathie à la place de celui qui souffre d'une part parce que les réactions face au deuil sont différentes d'une personne à l'autre, d'autre part parce qu'il n'est pas à votre place
vous cheminerez à votre rythme, l'essentiel est de ne pas les oublier pendant ce temps (mari et enfants) et d'avoir un espace pour pouvoir la pleurer, comme une forme de dissociation entre votre vie quotidienne avec votre famille et un espace temps à vous pour faire votre deuil
ne culpabilisez pas c'est un long processus et non liénraire
oarfois on va mieux puis c'est la rechute... on se relève...
je vous embrasse
katrin

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #6 le: 04 février 2020 à 13:59:25 »
Mamy,
Comme tous les jours, ma première pensée ce matin est pour toi.
Mais je souris.
Ce matin je me sens forte, capable de déplacer des montagnes.
J'ai  enfin trouvé un lieu où je peux parler de toi,  de notre vie à toutes les deux.
De cet ouragan émotionnel qui traverse ma tête et mon coeur.

J'ai lu la peine, la douleur,  le choc. Toutes ses émotions ont fait écho en moi.
Et je me suis sentie moins seule dans cette tempête.

Tu me connais, je suis comme toi, je commence à peine à l'accepter, mais j'aimerais tellement pouvoir serrer dans mes bras tous ces gens qui cherchent, comme moi, un morceau de leur coeur.
Parce que la peine est un peu moins lourde quand on la partage.
Parce que les mots sont parfois maladroits, parce que je ne sais pas comment exprimer mon empathie.
Parce que nous n'avons pas forcément besoin de paroles, une présence attentionnée nous suffit pour nous apaiser un peu.

J'ai parlé avec Sylvaine hier.
Et j'ai écrit une longue lettre à mon homme. J'ai suivi un de tes conseils, enfin.
Je lui ai expliquer noir sur blanc mon mal être, ce que je n'arrive pas à lui dire à l'oral.
Parce qu'a l'écrit on peut prendre son temps pour choisir les mots.
Il m'a rappelé en larme, en me demandant pourquoi j'avais tant tarder à m'ouvrir à lui.
Mais c était trop dur jusqu'à présent.
Et comment expliquer ce que nous ne comprenons pas nous même.

Oh Mamy, aujourd'hui,  je me demande comment tu as fait
La vie ne ta pas épargnée,  tu as perdu toi aussi ton papa, pendant la guerre, ton fils de 18 mois, puis plus tard ta maman, ton mari
Tu t'es toujours relevé
Je l'impression de t'entendre me répondre, alors que je relis ma phrase, "comme tout le monde, il faut du temps"
Mais aujourd'hui,  j'ai l'impression que ce temps ne nous ai plus accordé. Qu'on ne se l'accorde plus.

Tu m'as appris qu'il était mal de jugé sans connaissance, qu'on ne savait pas ce qu'il se cache derrière les coeurs
Alors pourquoi sommes nous jugés dans notre peine.
Qui a décidé du temps convenable pour pleurer,  se lamenter, crier sa détresse,  se reconstruire.

J'ai enfin compris qu'il y avait "des" douleurs, que chacun de nous a son propre rythme
Moi, j'ai besoin qu'on me tienne encore la main,  pas qu'on me tire, juste me tenir encore un peu la main
Pour me guider encore un peu
Toi tu devais partir, même si ça faisait longtemps que tu ne me tenais plus, je pouvais encore me raccrocher à toi.

Mamy, si tu savais comme il bon de parler de toi.

Hier, j'ai ressortie les photos de toi que j'avais soigneusement rangées.
Nous les avons regardés avec Matéo. 
Moments de rire partagés avec mon fils à ces souvenirs de toi.
Il est tombé sur celle ou tu repasses un torchon, en maillot de bain, alors qu'il faisait plus de 30 degrés.
C'était tout toi. Perso ça fait belle lurette que mon fer est au placard , et que je ne repasse pas, encore moins les torchons. Mais tu étais maniaque.

Je me suis rendu compte aussi, à quel point je te ressemblais. C'est Sylvaine qui m'a ouvert les yeux, douce amie.
Alors que nous discutions, elle m'a fait remarquer à quel point j'étais aussi pénible que toi. Oui pénible.
Parce que, comme toi, je ne veux pas embêter les autres avec mes problèmes,  et que je préfère parler des leurs.
Et qu'au final, on leur manque de respect. Je te parle des amis, famille.
Elle m'a rappelé combien je pouvais m'énerver après toi, quand je venais te chercher pour sortir.
Que je ne supportais pas quand tu me disais non, je suis vieille , je vais vous ralentir, vous empêcher de vous amuser. Tu trouvais toujours un pretexte, il fallait que je m'ennerve apres toi, que je te gronde.
"Si on te dis de venir, c'est qu'on le veut, tu nous "embête " plus à nous dire que tu vas gêner "
Oui, comme j'ai pu m'énerver. 
Pourtant,  quand nous revenions à la maison, tu étais heureuse.

Te rappeles tu, les 15 jours que je suis venue passer avec toi, avant mon départ si loin de toi.
J'ai appris beaucoup sur toi.
Je t'ai vu pleurer en silence, jamais je ne t'avais vue pleuré .
Tu n'y voyais presque plus. Tu te crevais le peu qu'il te restait de vue à regarder la photo de papy.
Je n'avais pas compris pourquoi à l'époque c'était si important. Aujourd'hui je sais.
Mais je t'avais emmené dans une boutique spécialisée,  tu avais pu parler avec un monsieur qui t'avais redis les même choses que moi. Oui peut être que ta vue baisse,  peut être sera tu aveugles bientôt,  mais aujourd'hui tu y vois encore un petit peu, la technologie pouvait t'aider.
Tu avais peur de faire des bêtises,  l'informatique c'était bon pour Papy, ou nous les jeunes comme tu disais.
Mais on t'a acheter une tablette loupe.
Quand on est rentré,  tu as voulu la tester avec cette fameuse photo, tu n'y croyais pas. Malgré les test au magasin ou tu avais pu lire le journal.
Ton visage est passé par toute les expressions possibles, j'en ai retenu 3.
Incrédulité,  de revoir le visage de ton grand amour
Joie, de le revoir
La colère aussi, mais je n'ai pas encore compris. Colère envers toi ? Je ne le saurai jamais, mais ça n'a plus d'importance.
Ce que je retiens c'était la joie de retrouver un peu d'autonomie dans cette grande maison vide.

Mamy,  je ne l'ai jamais dit à personne, et j'espère que tu ne m'en veux pas. Mais quand je suis venue te dire au revoir, je t'ai pris en photo, sur ce lit d'hôpital qui semblait trop grand pour toi.
Je t'ai filmé quand on parlait de ta vie. Je savais que c'etait la derniere fois que j'entendais ta voix, je voulais l'ancrer en moi.
Je sais que tu n'aurai pas aimer le savoir, pas dans ton état,  et puis ça ne se fait pas de filmer un malade.
Mais j'avais besoin de le dire, j'avais l'impression de t'avoir trahie.
Mais je comprends que ces photos, vidéos, sont aujourd'hui  comme des bouées de sauvetage.
Je ne les ai jamais regardés depuis ton départ, peut etre que je le ferai un jour, mais elles sont là,  tout près. C'est rassurant.

Si tu savais comme parler de toi me fait du bien. Écrire sur toi.

Je t'aime Mamy

Katrin,  je vous remercie pour votre soutien. Des mots que vous arrivez à mettre sur nos émotions si violente.
Vos paroles m'ont permis de déculpabiliser mon attitude avec mon mari. Et de lui écrire ce qui se passe dans ma tête c'est plus facile.

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #7 le: 04 février 2020 à 22:57:46 »
Mamy,
Je viens de lire pleins d'expériences de "signe"
M'en as tu fait un le jour de mon anniversaire ?  Cette grue blanche,  c'était toi ?
Comme j'aime à le penser
Je me souviens en avoir parler à Gaby, mais il avait mis ça sur le compte de mon imagination débordante et la douleur que ton départ a laisser dans mon coeur.
Pourtant on est en ville, et les seuls oiseaux qui se sont jamais posés sur la balustrade de la terrasse c'est Marty le rouge gorge, et ses copains. Je t'en avais parlé.

Savais tu que j'étais seule ce jour là ?
Es tu venue me dire, "je suis là", posée sur la terrasse. C'est l'impression que j'ai eu.
Parce qu'après son envol je me suis sentie apaisée pour le reste de la journée.

Pardonne moi si je t'ai déranger sur ta route.

Aujourd'hui était une bonne journée.

Je t'aime

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #8 le: 06 février 2020 à 05:19:27 »
Mamy,

Aujourd'hui était rempli de toi.
J'ai passé ma matinée à parler de toi. Avec Delfine, Élise.
Un peu plus douloureuse avec ma cousine, mais je pense que ça lui a fait du bien, puisqu'à moi, oui

Elle est encore  un peu en colère, je l'ai sentie. Mais je ne saurai dire si c'est après toi ou envers elle même.

Elle m'a raconté tes dernières journées. Puisqu'elle est là seule, avec  un des tes enfants à t'avoir veillé jour et nuit pendant 7 jours.
Elle m'a raconté comment elle t'avait fait entendre les voix des personnes qui n'avaient pas pu venir, en te collant le combiné sur l'oreille quand ils appelaient . Elle ne savait pas si tu entendais ce que l'on te disait, après tout tu étais sous sédation profonde, mais elle ne concevait pas de ne pas le faire, c'était une évidence,  et je la comprends.
Qu'elle t'avait bien dit tous les jours que j'avais appelée pour te dire je t'aime.

Tu as eu la dernière personne qui te tenait à cœur le mercredi matin.
En début d'après-midi,  tous tes enfants, petits enfants.... sont passés. Enfin, presque tous  :'(
En fin d'après midi, tes 2 veilleurs infatigables, ben, ils étaient fatigués,  ils t'ont dit qu'ils ne reviendraient que le lendemain. Apres tout, cela faisait 7 jours, et nuits qu'ils ne dormaient presque pas. Et Delfine continuait ses gardes, mais ça ils ne te l'ont pas dit.
A 20h, les infirmières sont venues te voir, elles t'ont parlées de ta journée riche en visite, tout en contrôlant la sédation.  Elles sont réparties ensuite finir leur ronde du soir.
À 20h24 tu étais partie, toute seule ,dans cette chambre d'hôpital. Toi qui voulait partir dans ta maison.
C'est le moment que tu as choisit pour t'en aller.
Delfine venait de s'endormir, elle me l'a dit ce matin. Elle sait que JL était au piano. Les autres on ne sait pas, et on a pas posé la question.
Et pour moi le film venait de commencer.
Tu as du sentir que nous étions tous bien à ce moment-là.

Peut être te demandes tu comment je connais l'heure. Je pouvais de nouveau respirer, je n'avais plus cette pression sur la poitrine, et Matéo regardait l'heure sur sa montre "les pubs y'en a trop, même au ciné".

Je ne sais pas quoi dire à ma cousine pour atténuer sa colère. J'ai essayé de lui rappeler que c'était un trait de caractère de ta part. Un GROS trait, je dirais.

Parfois pénible.
Tu ne supportais pas les effusions publiques, les tenues trop voyantes, les maquillages trop prononcés, en fait, tu ne supportais pas le trop, sauf en Amour, parce que pour toi il n'y en avait jamais trop.
Combien de fois me suis je fait "gronder" parce que je parlais trop fort. Mais si c'était quelqu'un d'autre qui faisait la remarque, non je ne parlais pas fort, j'avais juste la voix qui porte, lol.
Tu ne supportais pas les portes qui claquent.

Mais surtout, surtout, tu ne parlais jamais de TES problèmes,  de TES doutes, des TES tracas quotidiens.
Quand tu nous parlais de Patrick, ton bébé bleu comme tu l'appelais avec ton plus doux sourir, celui qui lui était réservé, tu ne nous as jamais fait sentir ta tristesse.
Peut être allais tu pleurer en silence aux toilettes, seul lieu de la maison où tu étais tranquille, sans une des tes petites filles dans les pattes   ;D

Tu t'es vraiment confiée à moi peu de temps avant de me laisser, comme si tu voulais encore me transmettre les leçons que la vie t'avaient apprises.

Et puis je pense que tu avais besoin d'être rassurée un peu aussi.

Je me souviens que tu avais toujours une oreille bienveillante. La phrase, le mot pour me guider.
Tu ne m'as jamais rien imposer, j'ai toujours été libre de mes choix. Choix éclairés par tes conseils.
Tu expliquais toujours les pour et les contres, les conséquences possibles. À moi de décider ma voie.

Toi, ton truc c'était d'écouter les autres, tu étais très pudique, moins avec tes "deux filles", comme tu nous appelais avec Delfine.
Je pense que c'est pour ça que tu es partie quand tu étais seule, tu ne voulais déranger personne,
Tu as refermée la porte tout doucement,  sans bruit.

Elle m'a parlé aussi de la cérémonie,  elle avait  besoin d'en parler, j'avais besoin de l'entendre.
Je lui ai fait part de mon ressentiment à  propos de la lettre qui n'a pas été lue, de la bougie qui n'a pas été posée avec toutes celles de la famille. Tant pis, fallait que ça sorte.
Par contre, je me suis excusée de ne pas lui avoir téléphoné pour parler avant.
Je dois t'avouer que je ne m'en sentais pas capable, et j'avais l'impression de l'avoir abandonnée,  j'avais honte.

Elle m'a expliquée que JL ne lui avait parlé que d'une seule lettre, de ma soeur. Qu'elle n'était pas au courant que j'avais écrit une lettre moi aussi.
Mais ne t'inquiète pas Mamy, je n'ai pas oublié une de tes grandes leçon,  savoir pardonner les petites erreurs.
Et tu m'as toujours dit que la colère était mauvaise conseillère, et que parfois il fallait se forcer à prendre le temps de réfléchir.

Je me dis  maintenant que le principal c'est que cette lettre soit avec toi, que si elle n'avait été que lue elle aurait fini à la poubelle....

Delfine m'a dit qu'elle avait "virer" toutes ses photos de mariage où tu étais avec elle. Elle n'en pouvait plus. Je comprends la raison, même si elle ne l'a pas dit.
Tu as demandé à porter ton ensemble préféré,  avec les roses, tes fleurs préférées.  Celui la même que tu portais pour son mariage. Quand elle regardait les photos, elle te voyait à la chambre funéraire.

Ma petite Mamy je t'aime

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Re : Avoir 40 ans et pourtant se sentir orpheline et seule au monde
« Réponse #9 le: 30 juillet 2020 à 04:43:31 »
Mamy,

Voilà déjà un peu plus d'un an que tu es partie.
Année bizarre..... j'ai l'impression que ce n'étais qu'un mauvais rêve. Oh, la peine est toujours là,  mais plus sourde, j'ai appris à la "contrôler " si on peu dire.
Je me suis enfin décidée à laver le tee shirt que j'avais pris dans ton armoire, lors de ma visite, ton parfum s'était dissipé depuis longtemps mais voilà, je m'accrochais.....
Je me reprends en main, lentement. Je refais des projets,  pas des gros, mais ils sont là. Un pas après l'autre.
Mais ce matin le réveil a été un brutal retour en arrière d'un an et 2 mois, à ce début de soirée du 8 mai et que mon téléphone s'est mis à chanter dans tous les sens.
Ce matin pareil, des appels manqués, des textos me demandant de rappeler en urgence.
Et c'est là que mon frère m'a appris le décès de notre mère.
Je suis désolée Mamy, mais je n'arrive pas à être triste, seulement de l'indifférence.
Même si je trouve dommage qu'elle est finie sa vie seule, parce qu'elle refusait tout contact humain depuis des années, malgré de nombreuses mains tendues, elle a rejeté tout le monde, comme elle l'a toujours fait. Que ce soit la gendarmerie qui ai découvert son corps, plusieurs quoi, jours, semaines, on ne sait pas.
J'ai de l'empathie pour eux trois, mais je ne partage pas leur peine, je ne sais comment leur faire comprendre que pour moi c'était ma mère, cette étrangère,  que je ne voyais qu'une fois par an, et pendant 1 seule journée, rituel instauré par toi Mamy, pour qu'elle ne coupe pas les liens, qui n'ont jamais existés entre nous, et auquel j'ai mis fin à l'âge de 13 ans.
Qu'il faut qu'ils arrêtent de m'en vouloir. Je veux bien les aider autant que je peux d'où j'habite, mais non, je ne ferai pas l'effort de franchir les obstacles administratifs et sanitaires pour rentrer en Métropole de Guyane, avec une éventuelle quatorzaine, être enfermé pendant 9 heures avec un masque dans un avion, non, je suis désolée.

Mais toi ma Mamy, tu es dans mon cœur à tout jamais, même s'il m'arrive encore parfois de l'oublier.

Je t'aime