Régine,
Tu ne vas pas faire un cancer. Tu as 59 ans. Tu n'as pas eu l'impression d'aimer ton père. A 8/9 ans, tu as eu cette phrase prophétique sur les yeux secs. Elle te revient. Il t'appartient de la dissoudre. Car, si je comprends bien, tu voudrais pleurer.
Si tu savais mon père combien j'ai pu à la fois le détester et l'aimer. Comment, avec les années, plusieurs années de thérapie, j'ai pardonné, gardé le beau, et même, même adulte, passé 50 berges, quand il me blessait, j'avais fait taire les vieux dossiers, j'avais capté d'où il venait, les martinets, cette violence ordinaire, patriarcale, familiale, de la guerre.
Régine, tu vas juste retrousser tes manches, chercher, au milieu de toute cette humiliation, cette déception, ce manque de reconnaissance, le tragédie de ton père, ta propre tragédie, et pardonner, à lui, à toi. N'aie pas peur, tu n'auras pas de cancer. Faut juste que tu ne laisses pas en friche toutes ces années où tu pensais que la mort de ton père ne t'affecterait pas. Elle t'affecte, puisque tu pose la question de ta santé, de ton stress. Elle touche à ta survie. Non, tu ne le pleures pas, mais tu es inquiète pour toi.
Pleures, pleures pas, c'est pas la question. Examine toutes les valises que te lègues ton père, minutieusement.
Avec toute ma considération pour ce rude travail qui t'attend.