Bonjour Karine
Je suis à même de te comprendre car j'ai aussi suivi ce véritable parcours du combattant. Terrible situation que de sentir s'envoler à jamais chaque seconde qui te rapproche de l'instant fatidique. Immense peur de la seconde ultime.
J'avais l'impression littérale d'être en permanence sur des sables mouvants, d'être au centre d'un tremblement de terre et de n'être capable que d'essayer de me tenir debout. En même temps, cette sensation totalement horrible de ne plus avoir de temps, d'avoir du sable entre mes doigts et de le sentir s'écouler un peu plus à chaque fois. Incapable de le retenir, de le faire s'arrêter. C'est un sentiment qui m'a possédée à l'exacte seconde où il me l'a appris. Cette exacte sensation de sable qui coule et ce sentiment de n'avoir rien à quoi me raccrocher quand tout se fissure et menace de m'avaler.
Ce sentiment d'inéluctable. D'incontournable. De totale impuissance; moi qui aime tout contrôler, tout diriger, tout planifier et tout préparer. Je me souviens de cette colère et de cette haine qui m'emplissaient, d'une manière totale et complète et sauvage. Envers tout. Envers dieu, envers les autres, envers le monde entier. Quand je voulais prendre sa maladie sur moi pour le sauver mais que je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas le sauver. Je ne pouvais rien faire. Juste rester là à le regarder s'amenuiser peu à peu. Je ne pouvais pas arrêter le temps. Une si grande frustration. Un si immense désespoir. Il était tout pour moi. Mon univers et ma maison. Ma force de vie et mon courage. Ma raison d'avancer. Il était mon âme soeur et maintenant ange au ciel qui m'attend.
Finalement, peut-être est-il moins cruel de mourir d'un coup, rapidement; sans avoir le temps de réfléchir ou de regretter. Parce que là, c'est une torture lente pour qui n'en finit pas de mourir. Et pour qui n'en finit pas d'être là, à côté. A s'en vouloir d'exister. A ne rien faire d'autre que de rester là, les bras ballants, à regarder le vide dans ses mains.
Et je ne parle pas du comportement des hospitaliers parce qu'ils seraient tous bons à mettre dans l'ordure et à la poubelle. Vu qu'ils l'ont collé dehors du jour au lendemain. Sans même me laisser le temps de me retourner. Sans soins palliatifs. Sans suivi médical. Pour toute explication, une interne, qui pourrait crever sans que je m'en soucie autrement, qui m'a dit qu'elle n'allait pas gaspiller des médicaments qui coûtaient cher pour lui alors qu'elle avait une patiente qu'ils pouvaient sauver. Là, je me retourne et je vois une femme sur un brancard à la porte de sa chambre ! Et mon mari que l'on sortait dans son lit tellement il était mal.... Hôpital larrey de toulouse. Jamais je n'aurais cru que l'on y jetait les gens dehors comme des chiens.
Je reste polie parce que je suis sur un site. Alors le soi-disant courage et le dévouement supposé de ces gens-là, je m'en tape. Parce qu'il n'y en a pas eu. Ils se sont fait de l'argent sur lui et sont passés à un autre.
Comme toi, il refusait d'aborder le sujet de sa mort prochaine et de tout ce .qu'il y aurait autour. Ce que je peux comprendre.
Comme toi, j'ai ce vaste regret de n'avoir pas pu parler de son état avec lui. Cet immense et éternel regret qu'il ne m'ait pas écoutée pour aller se faire soigner dans une vraie bonne clinique. Tu vas rire, il a voulu se faire " soigner " à l'hôpital sous le prétexte que la soeur de sa belle-soeur y était infirmière. Persuadé qu'il a été par son " cher frère " d'y être bien suivi. Tout ce qu'il y aura gagné, c'est se faire " soigner " par des internes, autrement dit apprentis médecins.
Et je ne raconte pas ici, car ce n'est pas le lieu, de la captation d'une partie de mon héritage perpétrée à cause et par son entremise. Comme quoi, le corporatisme médical aura pris le pas sur la simple honnêteté.
Curieusement, françoise et estimable famille, je ne t'ai pas vue payer aussi une partie des funérailles et du monument. Comme quoi, les infirmières ne sont plus ce qu'elles étaient et il sent mauvais dans ce monde pourri des petites connivences médicales.