Bonjour à tous,
Je ne suis pas habituée des forums, en général je ne suis pas quelqu'un qui "raconte ma vie", et donc encore moins mes souffrances.
En fait j'ai même le coeur qui cogne à l'idée d'écrire mon histoire....
J'ai parcouru quelques messages écrits par d'autres dans la peine comme moi, et j'ai eu un mal fou à les lire jusqu'au bout, parce les larmes débordent et que cette douleur me serre trop fort le coeur.
Quand on souffre, quand on se sent seul(e), qu'on n'a pas le soutien nécessaire de la part de ceux qui nous entourent, on a besoin d'êtres qui traversent eux aussi des épreuves similaires, parce que alors on se comprend.... et on se sent un peu moins seul(e).
Voici donc mon histoire.
J'avais un papa avec ce côté un peu aventurier, globe-trotteur, qui a beaucoup voyagé. En fait, il semblait avoir vécu plusieurs vies en une seule.
Il avait choisi de retourner vivre depuis plusieurs années sur une île qu'il adorait, la Réunion, mais aussi bien éloignée de la France... Il revenait quand même assez régulièrement me rendre visite, surtout depuis qu'il était devenu grand-père.
Notre relation n'était pas parfaite, loin de là, on avait même beaucoup de mal à communiquer, à se dire les choses, à s'écouter, mais on s'aimait.
C'était mon papa et il avait plein de petites choses qui m'agaçaient.... Ce sont ces mêmes choses qui aujourd'hui me manquent tant. Comme quoi !
Je savais que je l'aimais mais avant de le perdre je ne savais pas à quel point j'étais attachée à lui.
Et tout ce qu'il représentait à mes yeux.....
Au mois de mai 2015, il se plaignait de douleurs cervicales. Il a commencé à faire plusieurs examens.
On a entendu parler "d'arthrose cervicale".
Comme il était loin, je ne le voyais pas, mais à la fin du même mois j'ai appris qu'il avait perdu 10kg en très peu de temps et qu'il avait du mal à avaler les aliments.
Immédiatement une alarme s'est déclenchée dans ma tête : je savais que tout cela était très mauvais signe, mais on ne veut pas y croire. On ne veut jamais y croire.
Pendant qu'il passait tous ces examens et qu'on attendait avec appréhension les résultats, j'explosais assez fréquemment en sanglots. J'avais des crises de larmes terribles et incontrôlables. Pour avoir déjà vécu ça il y a quelques années peu avant le décès de mon grand-père, je savais que l'heure était grave.
Début juillet j'ai entendu au téléphone : métastases osseuses. Je me suis mise à hurler de douleur.
Et les recherches que j'ai faites sur internet par la suite ne m'ont pas rassurée...
A ce moment là, les médecins n'avaient pas encore trouvé le cancer primaire.
Mais il était déjà généralisé et inguérissable.....
Pour moi le monde s'écroulait, je n'arrivais pas à croire que mon père allait mourir.... bientôt.
Dans la semaine qui a suivi, j'ai pris l'avion, toute seule avec mon bébé de 2 ans et demi. J'ai pu passer un peu de temps là-bas, et surtout revoir mon père vivant.
A la mi-juillet on a détecté à mon papa un cancer à l'oesophage, avec une tumeur très rare.
Et des métastases aux os, foie, poumons...... il était déjà disséminé partout.
Je ne sais pas comment mon père vivait tout ça puisqu'il parlait très peu de sa maladie. On avait beaucoup de mal à aborder le sujet, et je n'ai jamais su s'il vivait une sorte de "déni" ou s'il cherchait à "nous protéger".
Après moi j'ai du repartir, et je ne l'ai pas vu décliner physiquement à une vitesse folle. Mais j'ai vu des photos et je l'entendais au téléphone.
Enfermé dans un hôpital, à ne plus pouvoir se lever, ni manger, en ayant tellement de difficulté à parler..... J'avais l'impression d'être prise dans un cauchemar. Mais je ne me réveillais pas.
Je ne reconnaissais plus mon papa, lui qui avait toujours été si dynamique, toujours par monts et par vaux, un bon vivant qui aimait la bonne chaire, être entouré, plaisanter....
Je trouvais cette fin de vie horrible, atroce, inhumaine, et je souffrais de le voir ainsi diminué, comme fracassé d'un seul coup par l'existence, et je souffrais aussi de mon impuissance "que faire de si loin"......
En juillet 2015 on diagnostiquait à mon papa un cancer de l'oesophage stade IV, le dernier en somme, cancer généralisé.
Je perdais pied comme si la terre se mettait à trembler.
Le 30 décembre 2015, il décédait.
Pour moi tout s'écroulait, un cataclysme venait de s'abattre dans ma vie.
Ce qui est terrible, c'est que face à cette souffrance intérieure intenable, on est tellement seul(e)!
Et on se demande si elle va s'apaiser un jour, si on va réussir à traverser l'épreuve, sans la fuir et sans l'enfouir.
Bien souvent les gens qui nous entourent, eux aussi touchés par la perte, ne mesurent pas l'ampleur des dégâts.
D'autres moins proches, ne trouvent pas les mots ou n'ont pas les bons.
Les gens semblent tellement gênés par notre peine, dérangés, mal à l'aise, combien ont pris leur distance en me balançant un "courage!", "ça passera avec le temps" ou "il y en qui ont des cancers encore plus fulgurants", combien de mots qui font tellement mal, tellement de mal à ce coeur en lambeaux, blessé.....
J'aurais aimé leur dire "mais taisez-vous!, soyez juste capables d'être là et laissez-moi pleurer"; juste être présent, ne rien dire, juste être là.
Ca fera bientôt 3 mois et demi que mon papa est parti.
Plus personne ne prend de mes nouvelles, ne m'appelle, ne m'écrit un petit mot réconfortant.
Ils ont tous l'air de faire "comme si" je n'étais pas en deuil, "comme si" mon deuil devait déjà être fini (ou en tous cas enfoui), "comme si" mon père n'avait jamais existé.
Mais mon père me manque terriblement, un peu plus chaque jour en fait, et l'idée de ne jamais le revoir physiquement est juste insupportable.
On a besoin de solitude par moments, mais à d'autres, on a tellement besoin d'une vraie chaleur humaine.
Merci de m'avoir lue.
A vous tous qui êtes dans la peine d'avoir perdu votre papa, je ne sais pas ce que vous ressentez exactement, mais je sais à quel point ça fait mal et la lutte quotidienne pour tenir debout, et continuer à fonctionner dans un monde où tout semble vain, futile, et où on se sent tellement étranger aux autres....
Chaleureusement,
Jadma.