Auteur Sujet: 8ème année de deuil  (Lu 3161 fois)

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Hors ligne easymo19

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8ème année de deuil
« le: 07 juillet 2020 à 00:56:29 »
Pourquoi maintenant ? La  fête des pères est passée et le confinement a eu le temps de m'amener à y penser...

Mon papa est décédé quand j’avais 12ans.

12 ans c’est jeune. Ça l’était pour moi.

C’est juste assez pour connaitre un peu son parent et pour se rendre compte de tout ce qui manquera à l’avenir.
Mon papa n’aura pas vu mes diplômes, mes réussites et mes échecs. Il n’aura pas connu mes peurs et mes peines. Et cette idée m’est insupportable. Il aurait tout donné pour me voir, je le sais.
À l’heure d’aujourd’hui sa présence me manque toujours. Il ne se passe pas un jour sans que je pense à lui. Depuis huit ans.

Malgré tout aujourd’hui j’ai peur de l’oublier. D’oublier sa voix. D’oublier nos souvenirs. Car plus le temps passe et plus ça s’efface. L’idée qui suit est tirée d’un dialogue de film mais elle résume ma pensée : parfois pendant une fraction de seconde ma normalité devient celle d’une famille monoparentale, celle de ma mère et moi. Et tout de suite après je culpabilise car ce n’est pas le cas : un jour nous étions trois.

Pourtant ma relation avec mon paternel n’avait rien de la plus idéale. Je ne l’idéalisais pas. Homme parfois colérique, incompris, dans son monde, il m’y a fait entrer. Et aujourd’hui ses connaissances et sa curiosité me manquent.

Le décès de mon père fut violent. Violence de la maladie du cancer.
Il y a eu des moments pesants et douloureux. Des moments où il avait mal.
Je déjeunais à l’hôpital avec lui, je faisais mes devoirs à l’hôpital.
Et puis il y eu ce jour. Ce jour où ma mère est rentrée de l’hôpital et lorsque j’ai ouvert la porte, elle a secoué la tête. : « Les médecins ont dit que c’était terminé »
Et puis il y a eu son décès. Attendu mais pas moins douloureux.

Pendant mes années collège et lycée j’étais comme anesthésiée à la douleur. Je n’y pensais pas, accumulant les activités péri scolaires pour oublier. Je devais être forte pour ma mère. À 12ans le deuil m’était impossible, j’avais cette impression bizarre qu’il reviendrait un jour, que ce n’était qu’un mauvais cauchemar.

J’ai toujours refusé que cette perte affecte mon chemin. Qu’elle me change. Mais au fond c’était peut-être inévitable.
Plusieurs fois j’ai dû essuyer cette remarque venant de connaissances ou ami.e.s : « Ça se voit qu’il te manque quelque chose, même si tu es heureuse. » Et c’est vrai, il me manque quelque chose, une partie de mon coeur. J’ai un trou dans le coeur que rien ne saura combler. Je vivrai éternellement avec. Pour toujours. Une partie de mon coeur est partie avec mon père. L’autre appartient à ma mère. Et maintenant ma plus grande peur c’est qu’elle me laisse aussi. Le matin quand je ne l’entends pas se lever j’ai peur qu’il lui soit arrivé quelque chose. Qu’elle soit partie dans son sommeil. J’ai peur qu’elle se fasse renversée dans la rue. J’ai peur.
Quand j’étais petite, j’ai toujours regardé les fictions mettant en scène des orphelins en me disant qu’un jour ce serait moi : je le savais au fond de moi.

Après quoi, je suis devenue un peu plus pieuse. Quand pour certains le décès d’un proche aurait eu l’effet contraire peut-être avec l’idée d’un abandon, pour moi j’y ai trouvé un certain réconfort.
D’aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été confrontée à la mort. Baladée de cimetières en cimetières pour visiter ceux déjà partis. Mais un jour une amie m’a avoué qu’elle n’y a jamais mis les pieds et j’ai réalisé la violence de cette image.

« Les Hommes sont brisés, c’est comme ça que la lumière peut rentrer à l’intérieur d’eux. »

Aujourd’hui j’écris pour mieux me comprendre, pour comprendre ce qui s’est passé. Et peut-être pour aider aussi. Je n’en ai jamais eu la force avant. Je ne pense pas que mes écrits soient tristes, ni même défaitistes parce que je peux vous le dire : je vais bien. Je vis avec le décès de mon père et je vis bien. Je veux vivre pour lui.  À tous ceux qui traversent cette épreuve, il y a une lumière au bout du tunnel. Accrochez-vous.

Hors ligne Mandy

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Re : 8ème année de deuil
« Réponse #1 le: 10 juillet 2020 à 23:46:11 »
Merci pour ce témoignage et cette si jolie plume.
J'espère un jour apercevoir la lumière