Auteur Sujet: Décédée d'un cancer, dans le mensonge et la tristesse.  (Lu 4962 fois)

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Khora

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Décédée d'un cancer, dans le mensonge et la tristesse.
« le: 22 janvier 2016 à 18:52:42 »
Bonjour,

    Ma démarche n'est ni évidente ni naturelle, je suppose qu'elle ne l'est pour personne à la suite de la perte d'un proche. Dans mon cas, c'était ma maman, atteinte d'un glioblastome, une tumeur cérébrale agressive, qui en est décédée il y a deux ans, quelques mois après que le diagnostic ait été prononcé. Re-situer le contexte est fastidieux, les circonstances familiales à l'époque étaient chaotiques : mon père et ma mère divorçaient de manière non amiable. Ma maman s'est battue pendant sept mois avant de succomber à sa fatigue, avec, à ses côtés, mes deux soeurs et frère aînés, et moi-même, agés à l'époque de trente-six, vingt-neuf, vingt-sept et vingt-et-un ans. Mon père, malgré trente-cinq ans de mariage et les larmes de ma mère, toujours très amoureuse, n'est jamais venu. Elle n'a jamais su, durant son combat, que la vie la condamnait. Du moins, elle ne l'a pas explicité une seule fois, peut-être pour nous préserver du souci de l'aveu. Nous l'avions nous-mêmes appris par le corps médical seulement deux mois avant qu'elle décède. Il ne me reste, pour être honnête, que peu de souvenirs de la bataille. Tout est allé très vite, les  diagnostics, la dégradation physique et mentale, le quotidien à l'hopital. Encore bien ancrés en mémoire ne me restent que cet amour profond, cette pensée obsessionnelle tournée vers elle qui ne me permet pas de fermer la parenthèse de cet épisode aujourd'hui. Nous avons vécus à rebours l'année 2013, sans pouvoir se préparer à l'idée de son absence, par l'investissement que cela nous demandait. Depuis l'échéance, il me semble qu'il a laissé place à un néant que je ne sais pas combler. Dans la période-même de la maladie, mon père a fait surgir sa maîtresse et a emmenagé avec elle. Ils se marient au printemps prochain. Notre famille recomposée est depuis sclérosée de sourires palliatifs sans jamais évoquer le sujet. Pourtant, nous l'avons vu beaucoup pleuré le jour des funérailles. Le 9 juillet 2013, alors qu'une journée similaire s'écoulait à mes yeux, ma maman s'est éteinte dans mes bras en fin d'après-midi. Avec le recul, je pense avoir inconsciemment refusé de comprendre le processus de sédation dans lequel les médecins l'avait plongée. A force d'entendre que ses jours étaient comptés depuis des mois, je finissais par croire que cela n'arriverait pas.
Suite à sa perte, j'ai arrêté mes études afin de m'éloigner, le vide étant trop présent. L'année 2014 a été étonnamment riche en énergie pour moi. Même si la pensée de son absence ne me quittait pas, je me sentais vivante, entourée, forte. Progressivement, ce souffle vital s'est amoindri. Une fatigue paralysante est survenue, la perte du gout et de l'envie, des douleurs physiques, des pertes de connaissance repétées dénuées de cause, et le sentiment d'être devenue émotionnellement stérile. Je suis pourtant partie vivre au Canada, et aujourd'hui j'ai repris mes études dans une voie que j'affectionne. Les médecins s'accordent unanimement à dire que le mal-être dont je souffre ne relève pas du pathologique.
   Je prends progressivement conscience de l'envergure d'un poids que je n'ai pas su apprivoiser à temps. Le problème a été fuit jusqu'à ce que je ne sois plus en mesure de le garder à distance.
   Ne sachant pas vers qui, quoi me tourner pour tenter de reconquérir l'envie d'avancer, et sans être capable de verbaliser oralement la douleur, je me permets de rejoindre votre communauté en lachant ces quelques lignes de lamentations, avec l'ambition qu'elles m'exorcisent un peu.
Je souhaite à quiconque a rencontré un jour le visage du deuil, et en particulier les membres de cette plateforme, qu'ils aient appris à vivre avec l'absence, et que leurs jours soient, sinon heureux, au moins apaisés.
En vous remerçiant  d'avoir pris le temps de me lire.
Coraline.

Hors ligne Eva Luna

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Re : Décédée d'un cancer, dans le mensonge et la tristesse.
« Réponse #1 le: 23 janvier 2016 à 00:15:19 »
Coraline,
"bienvenue" dans notre communauté des lamentateurs éperdus...
ici tu pourras essayer de moins la fuir, ta souffrance... de la mettre en mots..écrits c'est plus facile...de nous la partager..
Ta maman ... sa mort et les non dits te hantent...elle savait peut être ,et voulait vous protéger...?
elle savait ton amour et ça  c'est l'essentiel...
2014 pleine d'énergie
2015 la réalité en plein coeur...
"comme" un deuil différé.. ça arrive... quand c'est trop violent d'un coup...écoute toi...c'est le moment...

Au canada ils sont à la pointe pour l'aide aux endeuillés.. regarde dans ta ville il y a surement une association.. ça peut vraiment t'aider...
nous attendons de tes nouvelles...

Hors ligne Faïk

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Re : Décédée d'un cancer, dans le mensonge et la tristesse.
« Réponse #2 le: 23 janvier 2016 à 11:57:50 »
Glioblastome ou chronique d'une mort annoncée.
Nous avons vécu à 3 pendant quelques mois. Lui, moi et cette saleté.
Ne reste que moi. Et la douleur, et la souffrance, L'angoisse quotidienne : "il est en train de me quitter" est devenue l'angoisse quotidienne : il est parti...
J'ai reconnu mon ennemi, mais j'ai perdu la bataille.
J'espère que demain, pour d'autres, elle sera gagnée.