Auteur Sujet: "orpheline" à 33 ans  (Lu 8805 fois)

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bystander

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"orpheline" à 33 ans
« le: 20 juillet 2014 à 23:33:39 »
et un besoin de m'exprimer et surtout d'être comprise...
dans mon entourage j'ai l'impression de passer pour une zombie, j'essaie d'anesthésier au plus mes sentiments et ma peine afin de ne pas passer pour la dépressive de service mais le masque est lourd à porter.

A l'âge de 20 ans, j'ai perdu mon père d'un infarctus, criblé de dettes et parti sur de nombreux non dits, la colère m'a aidé à faire mon deuil... 8 mois après ma mère a fait une surinfection pulmonaire suite a une banale grippe, son hygiène de vie déplorable (tabac, stress etc...) l'a conduit vers un diagnostic de BPCO (broncho Pneumopathie Obstructive Chronique) qui lui a pourri son existence jusqu'à la fin, le 25 juin dernier, la privant petit à petit d'oxygène, de vie sociale et d'autonomie. Elle a pourtant survécu 12 ans alors qu'on ne lui en donnait que 6 mois à vivre.

J'ai essayé d'être présente le plus possible pour elle, la vie active m'ayant rendu nomade, malgré les kilomètres nous séparant, on s'appelait au quotidien, je m'arrangeai pour être auprès d'elle une dizaine de jours par mois, quitte à laisser ma vie personnelle en plan. Assez solitaire de toute manière, les choses n'ayant pas été arrangées par la perte d'une amie chère, j'appréhendais l'issue fatale de la maladie de ma mère et ma vie après cette étape.

Le 1er janvier dernier j'ai rencontré un homme formidable avec qui, forcément je passais du temps, mes visites se sont alors raccourcies et le seul et unique mois où je n'ai pas pu rentrer elle est partie... Je me sens coupable de n'avoir pu être présente et de mon impuissance générale face à son état qui se détériorait, je sentais bien par sa respiration et les commentaires des voisins que ça n'allait pas, mais je n'ai rien su faire, même pas rentrer.
Mon compagnon me soutient du mieux qu'il peut, mais je ne pense pas qu'il soit en mesure de comprendre ce qu'il m'arrive et mes réactions au quotidien. Son passé sentimental l'ayant déjà confronté à des personnes dépressives, je doute qu'il ait la patience d'entretenir une relation avec moi dans mon état actuel.

Mon entourage, collègues principalement, se sont manifesté lors de l'annonce du décès en me témoignant leur soutien, mais au fur et à mesure que les jours passent, j'ai l'impression qu'ils me fuient, comme si le deuil était contagieux. Je me sens si seule dans cette épreuve, et en parcourant le forum je me rends compte du long parcours de deuil qui m'attend et je ne sais pas si je serai capable d'y faire face.

Merci de m'avoir lu, bon courage à toutes les personnes présentes ici.

EDMA

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Re : "orpheline" à 33 ans
« Réponse #1 le: 21 juillet 2014 à 17:56:03 »
Je ne sais que te répondre pour l'instant mais je suis de tout coeur avec toi . La culpabilité ne sert à rien qu'à te pourir l'existence et compliquer encore un peu plus ton deuil . Tu n'as rien à te reprocher , tu l'as accompagné 12 ans en passant 10 jours par mois avec elle , c'est énorme ! Sois sereine , peu de gens auraient fait ce que tu as fait .
Je connais bien moi aussi la culpabilité : ma maman s'est suicidée par pendaison le 18 novembre dernier . Contrairement à toi la fin n'etait pas "inéluctable" et j'aurais certainement pu faire en sorte d'éviter ca  d'une maniere ou d'une autre . Je sais aujourd'hui que je m'en voudrais toujours mais j'essaie d'apprivoiser ce sentiment de culpabilité pour essayer de vivre avec , car j'ai une petite fille de 3 ans et si je me bat aujourd'hui c'est pour tenter de la rendre heureuse , pour faire en sorte qu'elle n'ait pas un jour envie de mettre fin à ses jours.... C'est dur . On se sent trés seule . Je n'ai pas de compagnon , le papa de ma fille etant parti et aux abonnés absents , et mon pere n'est plus que l'ombre de lui meme depuis qu'il a perdu sa femme....J'ai trés peur de le perdre lui aussi prochainement , je n'avais jamais imaginé pouvoir etre "orpheline" a 33 ans , surtout que nous étions une famille trés soudée , que j'etais encore extremement proche de ma mere qui etait ma reference , à qui je demandais conseil pour tout et dont je savais le soutient infailible . Oui , mais....la vie en a décidé autrement et nous voila à échanger ici . Pouvoir se soutenir , savoir que l'on est pas tout a fait seules ,  est deja enorme . Je t'embrasse et ne te conseillerai qu'une chose : "prends bien soin de toi" . A bientot ,
Marie

Hors ligne JeanLuc

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Re : "orpheline" à 33 ans
« Réponse #2 le: 21 juillet 2014 à 19:38:48 »
@ bystander & EDMA

Je sais aussi ce que représente le "sentiment de culpabilité" ... Mon épouse Chantal, souffrant d'une dépression grave et de troubles du comportement a mis fin à ses jours le 18 avril dernier - elle avait 59 ans.

Mes enfants et moi l'entourions pratiquement 24H sur 24 et avions pris depuis des années des dispositions pour la soigner au mieux ... Psychiatres, neurologues, médecins spécialistes, les diagnostics tombaient les uns après les autres  et les traitements suivaient la cadence.

Tous les moyens étaient bons pour tenter de lui redonner courage et espoir ... Rien n'y a fait, malheureusement.

Alors, j'ai eu aussi une période de culpabilité ... Et si j'avais fait ça ? Et si je n'avais pas fait ça ? Et si j'avais été consulter un autre spécialiste ? ... Autant de questions qui, bien entendu, n'avaient et n'auront jamais de réponses.

Ensuite, j'ai fait mon examen de conscience en me demandant si, humainement, j'avais fait tout ce qu'il fallait ... La réponse était évidente : on peut toujours faire plus et mieux en réfléchissant à posteriori ... Avec le recul, c'est plus facile de disséquer les choses ...

Mais j'en suis arrivé à la conclusion que, compte tenu des contraintes que j'avais vécu à ce moment-là : contraintes de mon épouse qui refusaient parfois de se soigner, contraintes médicales qui m'obligeaient à faire confiance aux spécialistes, le chagrin qui nous ravageait, l'espoir qui, parfois nous submergeait, j'avais fait vraiment ce qu'il fallait au moment où il fallait.

J'ai donc réussi à écarter ce fichu sentiment de culpabilité qui me rongeait l'existence, ce qui m'a amené doucement vers la compréhension et l'acceptation ...

Bystander, tu as fait ce qu'il fallait et comme disait EDMA, 10 jours par mois à t'occuper de ta maman pendant une si longue période, peu de gens l'auraient fait ... Oublie ce sentiment de culpabilité et donne de l'amour à ta maman qui t'a quittée, pense à elle, parle lui et tu sentiras vite que tu as fait ce qu'il fallait et qu'elle t'en est reconnaissante.

@ EDMA ... Comme ton papa, je ne suis plus que l'ombre de moi-même également ... Perdre son conjoint est un drame douloureux qui nous laisse totalement démuni comme si nous avions perdu la moitié de nous même ... On est déstabilisé et torturé par le chagrin et on a tendance à se replier sur soi-même ... Heureusement, mes 3 enfants sont là pour m'aider et me soutenir sans me juger et ils comprennent que la période que je traverse est difficile comme je comprends que le fait d'avoir perdu leur maman est extrêmement dur à gérer également.

Alors, EDMA, fais comprendre à ton papa que tu as besoin de lui ... Si nécessaire, invente toi des besoins et tu verras qu'il fera l'impossible pour t'aider ... Tu sais, je ne suis pas dupe, c'est ce que mes enfants font à mon égard ...

Je vous envoie à toutes les deux les infimes parcelles de courage qui me restent ... C'est peu, mais c'est déjà ça !

Affectueusement,

Jean-Luc

La vie est le commencement de toutes choses ... La mort, c'est simplement le début d'une autre vie ...

EDMA

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Re : "orpheline" à 33 ans
« Réponse #3 le: 21 juillet 2014 à 19:51:28 »
Merci beaucoup Jean Luc, ton regard sur les choses m'apporte enormement et me permet de voir la situation differement , du point de vue de mon papa....Je vais essayer de lui redonner gout à l'existence meme s'il a l'impression de n'avoir plus rien à attendre de la vie , car nous avons besoin de lui c'est sur ! Moi , mon frere de 27 ans , et ses 2 petites filles de 3 et 1 an....Je lui laisse la garde de la mienne un week end sur 2 depuis 1 semaine pendant mes heures de travail , et je pense que ca leur fait du bien à tous les 2 meme si j'ai peur aussi que cela sois fatiguant pour lui....Bref ! J'avance pas à pas , je tatonne , et vos reflexions , vos experiences , m'aident beaucoup . Merci à tous , je vous embrasse fort  :-*

Hors ligne JeanLuc

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Re : "orpheline" à 33 ans
« Réponse #4 le: 21 juillet 2014 à 20:04:00 »
Tu sais, EDMA, ton papa ressent probablement les mêmes sentiments contradictoires que les miens ...

Il y a des moments où j'attends avec impatience la visite de mes enfants et lorsqu'ils sont là, j'ai des passages où je suis absent et où je voudrais être seul ... contradictoire non ?

Un peu comme si j'étais là physiquement, mais ailleurs dans mon esprit.

Heureusement, ça ne dure pas trop longtemps et quand ça m'arrive, je sais qu'ils comprennent et en profitent pour faire un break.

Aujourd'hui, par exemple, il y avait une fête au parc communal et mon fils était venu me chercher avec mes 2 petits-enfants pour les accompagner ... Soudain, quand j'ai pris mes 2 petits enfants dans mes bras, j'ai eu un sacré coup de chagrin en pensant que jamais plus leur mamy ne pourrait les serrer dans les siens ... Et je me suis écroulé ... Impossible de les accompagner dans cet état ... J'en ai été désolé tout l'après-midi et maintenant je regrette...

Cruel tout ça ....

Courage EDMA, ici on n'est pas seuls !

Affectueusement,
La vie est le commencement de toutes choses ... La mort, c'est simplement le début d'une autre vie ...

alan92

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Re : "orpheline" à 33 ans
« Réponse #5 le: 30 janvier 2015 à 12:36:59 »
Comme je te comprends