Auteur Sujet: Travail de deuil et deuil au travail.  (Lu 40138 fois)

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Travail de deuil et deuil au travail.
« le: 17 novembre 2014 à 04:16:05 »
Bonjour,

L'association Vivre son deuil m'a invité au colloque "deuil et monde du travail" qui aura lieu le 19, 20 et 21 novembre à Nîmes.
Depuis quelques années la question du deuil au travail semble être de plus en plus abordée, les pouvoirs publiques s'approprient le sujet et se mobilisent afin d'améliorer les droits des travailleurs qui traversent un deuil.
Néanmoins j'ai l'impression qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine tant il parait difficile de concilier le temps "rapide et intransigeant" du monde du travail et celui du deuil qu'il ne faut pas brusquer, mais sont-ils vraiment incompatibles ?

Car l'activité professionnelle peut aussi apparaitre pour beaucoup comme une "échappatoire au quotidien" qui permet de garder un équilibre. Une activité qui peut momentanément faire du bien quand elle "permet de penser à autre chose". Mais encore une fois, les efforts et la débauche d'énergie nécessaire à toute activité professionnelle peuvent paraitre incompatibles avec la fatigue physique et morale dans laquel on est plongé suite à la perte d'un proche, surtout quand cette fatigue s'accumule à celle qui suit une longue période d'accompagnement de fin de vie.

La reprise du travail ajoute t-elle "une la peine à la peine" ? Comment vivre son deuil quand les impératifs de la vie nous enjoignent d'avancer ? J'aimerai vraiment avoir vos avis et vos expériences sur cet aspect, comprendre comment se sont passés les premiers jours de la reprise du travail, l’accueil des collègues a t-il été des plus bienveillants et tolérant ? Est-ce que votre deuil continue d'être pris en compte sur la durée par l’environnement professionnel ? Avez-vous réussi a en parler ? Avez-vous eu des soucis de concentration ? En un mot, quelles sont les difficultés et qu'est qui pourrait être améliorer dans le monde du travail afin de rendre le deuil moins difficile à vivre ?  Beaucoup de questions m'interpellent mais n'hésitez pas à me partager les vôtres.

 Voilà un grand merci par avance à tous ceux qui accepterons de partager de leur vécu sur un sujet qui revient souvent et qui je pense mérite d'être abordé. J'essayerai de vous faire un compte rendu de ce que j'aurai pu apprendre à ce colloque pour ceux que ça intéresse. :)

Chaleureusement,

Yacine
« Modifié: 17 novembre 2014 à 04:19:52 par Webmaster »

Hors ligne zabou

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #1 le: 17 novembre 2014 à 11:36:24 »
Yacine,


Pour moi cette reprise , a été impossible , bien que désirée et préparée.

J'ai pris un rendez vous préalable avec la DRH, afin d'expliquer l'état dans lequel , je me trouvais,et tenter d'avoir pendant un certain temps un aménagement de poste.

je ne pouvais pas reprendre mon ancien poste, trop contraignant, trop d'humain a gérer, je ne me sentais pas la force, et mon ancienne psychologie, envolée......

Je manageais une équipe de 20 personnes, une course incessantes, des réunions, tout a faire très vite, et les demandes , les bobos du quotidien, que je savais ne pouvoir assumer, vu mon nouvel état d'esprit.....

RDV en décembre, on me conseille de rester encore chez moi, tout en me disant que l'on va me trouver un poste transitoire sans management, le temps que je reprenne pied dans l'entreprise.pour début janvier, j'accepte.

J'attends, je relance, rien, puis début février, un poste ( de manager ) qu"on me présente comme étant sans management, cela me déplait mais je prends, j'ai tenu un jour et demi, et suis partie dans un état d' hystérie, de panique, que je n'avais jamais connu., prendre les jambes à mon cou et fuir....

Le monde du travail, de l'entreprise, dans une grosse structure n'est pas adapté " aux cas particuliers", le deuil et tout le chamboulement psychologique qu'il entraine sont trop méconnus, et n ''intéresse  pas, il faut vite devenir, être comme avant, hors c'est impossible....

C'est la société toute entière qu'il faudrait changer, informer, mobiliser, pour plus de compréhension, tout un chacun pour qui ce drame reste méconnu, pense que cela va passer très vite, et qu'après les obsèques, hop les vaillants petits soldats, sont prêt, que tout s’arrête là.....

Malheureusement s'est surement à ce point que tout commence, et perdure , sans que l'on puisse se maitriser, dans le temps, puisque je m'y trouve, la douleur se fait plus douce, mais toujours présente, nous changeons, nos valeurs sur la vie et le quotidien changent, cela devient alors incompatibles, avec  les gestes ,les réactions les façons de faire antérieurs, 

L'entreprise se trouve alors doté d'un nouveau salarié, plus fragile et plus dure à la fois, quelqu'un qui même prit par le tourbillon, ne fera plus jamais sont travail comme avant, parce qu'il sait , qu'il a compris que les vrais valeurs de la vie sont ailleurs.....

Cela ne veut pas dire que l'on devient "mauvais" et que l'on ne travaillera plus correctement, non, cela veut dire que l'on va faire de son mieux avec cette nouvelle donnée qu'est le deuil.....

Puis comme tu le dis si bien , la fatigue intense autant physique que psychologique du tout début, la colère parfois difficile à maitriser,"l'envie de na pas avoir envie", les longues périodes de mutisme, cette anesthésie globale de tout notre être, les larmes qui arrivent, sans prévenir, n'importe où , n'importe quand, une maitrise de soi quasi impossible, tout cela reste relativement incompatible avec les autres.

Dans le monde du travail d’aujourd’hui, où l'on se doit d’être de plus en plus compétitif, mordant, exemplaire, rentable, si l'on se trouve dans une petite structure " dite familiale" qui prend le temps , en donne ?cela peut la faire, mais dans une grosse machine, aux engrenages rapides, soumis à la pression intérieur et extérieur, avec des clients de visu à satisfaire, une équipe en attente, une hiérarchie toujours plus exigeante, impossible de tenir....

Pour ma part, j'ai été en arrêt de travail , plus d'un an pour accompagner mon mari, j'ai gardé des relations avec des collègues, jusqu’à son décès, puis le téléphone à cessé de sonner, définitivement de ce coté là....

Ton retour d’expérience, m 'intéresse.

Affectueusement.

zabou

Le souvenir, c'est la présence invisible.
Si j'avais su que je t'aimais tant, je t'aurais aimé davantage.
Mon amour, plus qu' hier et moins que demain.

Hors ligne Stefy

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #2 le: 17 novembre 2014 à 13:32:38 »
Moi , j ai repris le travail une dizaine de jours après . Nous sommes une petite équipe, la direction étant basée ailleurs . Tous mes collègues étaient au courant que j avais perdu quelqu un de très proche.

J ai un poste avec des responsabilités. Au début j étais dans un autre espace temps, plus aucun repère de temps, ce qui était très compliqué sur mon poste. Du travail en retard a n'en plus finir

Mon supérieur était au courant et malgré mes bourdes, et il y en a eu , et mon travail en retard, m a toujours couverte auprès des autres , ne m a jamais mis la pression. C était tacite entre lui et moi.

Les collègues ont été présents un temps, puis j ai bien compris qu il fallait que ça aille, les autres ne comprennent pas sur la durée .
Ça ma obligée a faire semblant mais aussi a me tenir.
J ai repris le rythme, mais j ai toujours des soucis pour me repérer dans le temps, compliqué dans mon travail...

Je travaille moins vite , des gros coup de cafard, mais je le cache
Ds collègues m ont dit avoir eu peur pour moi, car j étais éteinte, fermée moi qui suis d ordinaire bout en train
Ce qui m a vraiment permis de tenir c est mon supérieur, sans rien me dire, il a été présent pour moi, m a sauvé la mise plus d une fois.
Je ne suis plus comme avant au boulot , mais ça va mieux. Mes valeurs ont changé, ça se ressent dans le travail . Je suis aussi moins patiente....

Mais il est vrai que le deuil n est pas pris en compte dans le monde professionnel même si moi j ai eu de la chance de ce cote la. Mon supérieur a t il vécu une situation similaire ? Je le pense

Hors ligne Mamoure

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #3 le: 17 novembre 2014 à 19:01:45 »
Sujet qui m'intéresse vraiment beaucoup.

Pour ma part , je suis encore en arrêt et ne peux donc pas te dire comment s'est passée la reprise.
Néanmoins , voici mon ressenti pour le moment: il me semble utile de préciser que j'ai 23 ans d'ancienneté dans mon entreprise , que je n'ai jamais été absente , même lors d'un divorce compliqué , il y a environ 10 ans : un ex-mari qui me harcelait jour et nuit , maison à vendre , soucis financiers , jeunes enfants....je travaillais à l'époque en horaires décalés , me levais donc à 4 h du matin pour commencer à 5h et bien j'étais toujours là , en forme et assurais mon travail .

Cette précision , juste pour dire à quel point un deuil est un véritable tsunami et que , même lorsque l'on se croit forte , face à ça , on est complétement anéantie et faible.

Mon amour est décédé le 05 septembre , mon 1er arrêt de travail allait jusqu'au 30 septembre: les 1ers jours , je me suis dit : JAMAIS  je ne retournerais là-bas (au travail) , cela me paraissait absolument impossible , comme si il s'agissait d'un monde irréel , il m'a fallu plusieurs jours pour comprendre que mon entreprise existait encore , qu'elle continuait de tourner...

Puis , je me suis dit , un jour , je vais être obligée , il faudra que j'y retourne
J'essayais de me préparer psychologiquement mais , à chaque arrêt , lorsque la date approchait , la peur , l'angoisse , je précise que mon conjoint travaillait dans la même entreprise que moi , un service juste à côté du mien et , donc , dans mon cas , la reprise ne peut pas faire office "d'échapattoire" , tant de souvenirs là-bas aussi...

Le temps passe , prolongée de 15 jours en 15 jours
Je devais reprendre aujourd'hui , finalement prolongée jusqu'au 30 novembre avec reprise en mi-temps thérapeutique le 1er décembre

Mais il est important que je précise:

je travaille dans une grosse entreprise mais dans un petit service
mon service ainsi que celui d'Alain ( + important que le mien environ 30 personnes)ont fermé le jour des funérailles car tous et toutes souhaitaient être présent(e)s
nous sommes 6 dans mon service : tout(e)s m'ont appelé , envoyé des messages , rendu visite , invité....et pas seulement les 1ers jours , encore maintenant
les collègues d'Alain , qui sont aussi les miens , prennent de mes nouvelles très régulièrement
ma responsable , que j'ai eu au téléphone très souvent , m'a dit , à maintes reprises , surtout prends ton temps , fais comme tu le sens , ne t'inquiète pas pour le travail...idem pour le mi-temps , elle m'a dit pas de problème , choisis ton rythme (1/2 journée , 1jour/2....)
on sera là pour t'aider , à ton retour
certaines m'ont proposé de m'attendre sur le parking le 1er jour , une autre m'a même proposé de faire le trajet en voiture avec moi...

je savais avoir de bon(ne)s collègues ,  voir ami(e) au travail mais j'avoue que j'ai été agréablement surprise , je ne m'attendais pas à de tels témoignages de sympathie et à autant de soutien

cela me parait important , j'avoue que je me sens privilégiée par rapport à ça car je sais bien que cela ne se passe pas ainsi dans toutes les entreprise ( ni même dans tous les services concernant mon entreprise )

cela me rassure mais j'appréhende beaucoup encore car ....tous m'attendent et quelle va être ma réaction quand je vais arriver et que je vais revoir tout le monde ? quand je vais revoir l'endroit où nous prenions la pause ensemble?  la fenêtre devant mon bureau où je l'apercevais quand il arrivait ?

vais -je tenir le coup physiquement?
et surtout tenir mon poste avec l'attention que cela demande : je fais du contrôle , libération de lots dans le domaine laboratoires d'analyses médicales , quand je vois à quel point j'ai du mal à me concentrer sur un film , un livre ou une conversation....

j'ai conscience que j'ai changé , définitivement , et je ne sais pas si je retrouverais un jour mes capacités et mon énergie

voilà , pour le moment , je ne peux donc pas vraiment témoigner du "deuil" en entreprise puisque je n'ai pas repris mais je trouvais quand même important de te témoigner du soutien que je reçois de la part de mes collègues
j'avoue que sans leur soutien à tous et toutes , je n'envisagerais pas de reprendre le 1er décembre !!

bien sûr , l'avenir me dira si ce soutien perdure , je sais bien que cela dépendra aussi de moi mais comme je ne connais plus du tout ce "moi" ,  impossible de savoir aujourd'hui comment cela va se passer

je suivrais ce sujet avec intérêt et peut-être reviendrait témoigner après la reprise

affectueusement

Hors ligne delphinita

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #4 le: 19 novembre 2014 à 19:06:03 »
Je confirme, c'est très difficile de reprendre le travail.
Pour ma part, j'était quelqu'un de très impliquée, qui travaillait beaucoup, sans doute trop.
Maintenant j'éprouve un certain dégoût par rapport à mon travail, et parfois même des regrets, en me disant que j'aurais pu passer plus de temps avec ma sœur plutôt que de travailler autant. Cela dit, elle était tellement occupée elle-même avec de multiples activités que cela n'aurait sans doute rien changé.
Et j'ai du mal aussi à me concentrer et à me motiver, l'énergie manque un peu...

Hors ligne Soliflore

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #5 le: 19 novembre 2014 à 22:18:13 »

Bonsoir Yacine
A mon tour de vous faire part de mon expérience. Malgré la brutalité des circonstances du deces subit de mon mari il y'a presque 1 an aujourd'hui , j'ai repris mon travail au bout de 15j pour 1 petite semaine de remise en route avant la fermeture de l'entreprise pour congés entre Noël et nouvel an. J'ai la chance de travailler dans une entreprise familiale avec de très bons rapports avec mes collègues. J'ai demandé à la DRH avant ma reprise de faire passer le message au personnel de faire  avec moi "  comme si de rien n'était". J'ai en effet pensé que ça mettrait tout le monde à l'aise car les mots sont difficiles à trouver dans de telles circonstances. Et pour ma part,  je n'avais pas envie de craquer en public, or je savais que malgré ma carapace, le fait d'avoir à en parler serait très douloureux. Chacun s'y est tenu et encore aujourd'hui personne ne m'en parle spontanement sauf si c'est moi qui engage le sujet, ce qui est assez rare. Ça me permet de continuer à travailler dans des conditions assez sereines et d'oublier un peu ma  situation tant que je suis dans l'entreprise.
Cependant, dans ma voiture à l'aller comme au retour,  Je quitte le masque, redevient la pauvre veuve qui n'accepte pas sa situation et qui pleure ....c'est un peu moins fréquent aujourd'hui mais ça m'est encore arrivée ce matin, sans doute parce que je commence à appréhender l'arrivée de ce premier anniversaire, lorsque mon téléphone a sonné pour m'apprendre la terrible nouvelle, un matin , alors que je me rendais à mon travail....
Sur le plan de la concentration, bien que toujours impliquée dans mon job, je constate que ce drame m'a fragilisée : de fréquents problèmes de mémoire et de concentration, au début et encore aujourd'hui...je compense en redoublant mes efforts , ce qui me convient car j'ai besoin d'être perpétuellement en activité ...Même 1 an plus tard, je ne parviens pas encore à me détendre ou à me concentrer sur un film ou sur un livre...
En résumé, je pense que dans mon cas, le travail est salvateur, car il m' oblige à penser "à autre chose" pendant la journée, me donne une bonne raison de me lever le matin, et me permet de continuer à avoir un lien social car le repli sur soi peut être tentant..
Marie

Hors ligne JO80

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #6 le: 19 novembre 2014 à 23:04:47 »
Bonsoir,
sujet intéressant et à creuser. Chaque cas est forcément différent mais chaque témoignage est enrichissant.
Pour ma part, mon épouse est décédée le 15 juillet dernier. Architecte expert en profession libérale, toujours en activité à 69 ans, je n'ai pas arrêté mon travail bien que la fin du mois de juillet et le mois d'août et même le mois de septembre ont été des périodes très ralenties. Mes clients ont été très compréhensifs et très patients en comprenant que je devais passer une période difficile  et ont attendu patiemment. Avec ma femme nous avons aménagé des chambres d'hôtes dans notre propriété et elle s'occupait des repas pour les personnes qui souhaitaient la table d'hôtes. Je n'ai pas arrêté l'activité de chambres d'hôtes par contre pour l'instant je n'assure pas la table d'hôtes. Ces activités c'est certain, même si elles n'empêchent pas de penser, permettent de se maintenir intellectuellement et de garder un relationnel nécessaire au maintien psychologique. Je n'ai pas décelé un manque de concentration dans mon travail. Ce qui pourrait être amélioré c'est la communication avec les gens non endeuillés qui ont, et je le comprends maintenant, des diificultés à comprendre ce qui nous arrive, cette explosion de nous-même qui a perdu subitement une partie importante de notre être.
Bonne nuit à vous avec tout mon soutien et mon amitié
JOEL

Sophie Lbtl

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #7 le: 19 novembre 2014 à 23:11:27 »
Bonsoir à toutes,

Sujet en effet très intéressant. Pour ma part, j'ai perdu mon fils de 3 mois 1/2 le 2 mai, et malheureusement j'ai aussi perdu mon papa il y a 2 ans, il s'est suicidé...
Après le décès de mon papa, j'ai repris très rapidement le travail et en effet cela m'a fait du bien même si c'était difficile parfois, mais cela me permettait de ne penser à rien... et puis j'ai été enceinte, donc j'ai retrouvé des moments de joie durant toute cette grossesse, j'ai alors continué de travailler jusqu'à mes 6 mois 1/2 de grossesse... Mon fils est né avec 2 malformations graves et est décédé le 2 mai dernier. Après son décès, j'ai très vite repris, en prenant par ci par là, des jours de congés quand je me sentais vraiment mal. Cela m'était nécessaire de reprendre, ça me permettait de penser à autre chose. Donc j'ai tenu jusqu'au début du mois d'octobre, où ça a fait 2 ans que mon papa était décédé. Cette date associée maintenant au décès de mon  mon fils m'a plongé dans un profond désarroi. Le travail a été de plus en plus difficile à exercer. J'occupe un poste à responsabilité, avec 70 personnes à manager, et les "petits soucis" de tout le monde à gérer, je n'en pouvais plus... Je suis donc en arrêt depuis le début du mois d'octobre, la reprise est prévue pour début décembre mais cela m'angoisse. En effet, les gens de notre entourage passent à autre chose, alors que moi je suis dans l'incapacité de passer à autre chose. J'ai beaucoup de mal avec la pression exercée par ma hiérarchie (pas tous heureusement, mais certains). Et puis, je suis moi-même aussi assez douée pour me mettre la pression. En même temps, le fait d'être en arrêt me permet de décompresser mais la solitude n'est pas évidente non plus, mes amis et ma famille n'habitant pas dans la même région que moi. Je me sens perdue, je vous remercie par avance de vos avis et conseils.

Enfin, je rejoins tout à fait l'avis de Joël disant qu'il serait judicieux d'informer, de sensibiliser les gens à ce que vivent les personnes endeuillés.

Bien amicalement.

Hors ligne Méduse

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #8 le: 21 novembre 2014 à 00:59:16 »
Je suis indépendante. Je ne pouvais pas me permettre d’attendre trop longtemps pour reprendre mon travail. Deux semaines après le suicide de ma fille il y a 45 mois, j’ai repris le travail. En voiture, je pleurais et hurlais à l’aller comme au retour pendant des mois. Heureusement que j’avais de l’expérience parce que je ne travaillais qu’en automate. Je n’étais plus stressé du tout, car le travail m’était devenu indifférent. Je manquais de concentration mais de plus en plus le travail représentait une « pause » dans mon deuil. Les contacts en dehors de ma famille me faisaient du bien et les gens étaient compréhensifs.

7 mois plus tard, mon mari nous quittait, ma fille et moi, suite à un AVC. J’ai repris le travail de nouveau au bout de deux semaines. Cette fois, il fallait en plus nous réorganiser. En effet, mon mari s’était chargé des achats, de la cuisine et des achats etc. Je m’épuisais de plus en plus physiquement, des vertiges et une fatigue musculaire intense suite à un manque de vitamine D au point de tomber dans la rue d’épuisement. Le travail me prend plus de temps puisque je manque de concentration et dois vérifier des choses dont je me serais souvenue auparavant. En dehors du travail et du forum, je ne fais pratiquement plus rien, je néglige le ménage et le jardin. Je suis sans arrêt à la limite du burn out. Dès que je travaille, j’ai des crampes presque toutes les nuits suite à ma fatigue.

En général, je me repose en été pour pouvoir tenir jusqu’à l’été suivant. Cet été, j’étais auprès de mon père mourant. J’ai repris le travail plus épuisée qu’avant. J’ai 61 ans maintenant. Je ne vois pas d’autre solution que de demander ma retraite pour avoir le temps pour m’occuper de moi. Je me pose sérieusement la question si j’arriverai un jour à remonter physiquement la pente et peut-être même à retrouver un peu de mon dynamisme. Parfois, je retrouve mes forces, mais cela ne dure jamais très longtemps. J’ai peur quand-même, de sombrer quand je ne serai plus obligée de tenir coûte que coûte.

Je crois qu’au début, on bénéficie encore de l’énergie physique d’avant la catastrophe. Mais au fil du temps les réserves s’épuisent.

Les gens qui nous côtoient ne peuvent pas comprendre. Ils croient que nous redevenons comme avant au bout d’un moment.
Une sensibilisation ne serait pas de trop.

Sophie Lbtl

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #9 le: 21 novembre 2014 à 13:29:22 »
Bonjour Méduse,

Bon courage à toi!

Bien amicalement.

marcnot

  • Invité
Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #10 le: 21 novembre 2014 à 21:20:42 »
Bonsoir YACINE
Je me sens très concerné par ce sujet.
Pour tout dire j'ai repris le travail le lendemain de l'enterrement
de mon fils, non pas que je sois un fou du boulot mais j'aime mon métier
(je m'occupe de personnes handicapées) .Alors peut-être que lorsqu'on a la chance
d'avoir une profession qui nous plaît ,c'est plus qu'une échappatoire au quotidien mais
plutôt une sorte de thérapie mais j'emploie ce mot avec précaution. C'est certain qu'il y a
beaucoup d'énergie dépensée donc de fatigue aussi mais je préfère cela.
Donc pour moi le travail ne rajoute pas une peine à la peine mais au contraire à tendance à l’atténuer.
C’est comme ça que je le ressens.
Mes collègues et ma hiérarchie se sont montrés pudiques . Je sentais que se n’était pas de l’indifférence
et beaucoup de choses passaient par leur regard. Pascal est parti depuis un an et aujourd’hui j’arrive un peu à leur en parler.
En ce qui concerne la concentration , j’ai l’impression d’en avoir plus qu’avant.
En dehors du travail c’est plus dur et des fois l’enfer est dans ma tête ,cet enfer que nous connaissons tous, nous qui avons perdus nos proches.
Qu’ est ce qui pourrait être amélioré dans le monde du travail par rapport au deuil ?
A mon humble avis : la même chose qu’il devrait y avoir dans notre société toute entière
Un peu plus de bon sens et surtout beaucoup plus d’humanité.
Merci d’avoir d’ aborder ce sujet.
Une pensée pour ton papa.
Amicalement
Marc



Hors ligne Webmaster

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #11 le: 24 novembre 2014 à 06:31:18 »
Un grand grand MERCI pour tous vos témoignages qui démontrent l'importance de ce sujet et qui confirment qu'il y a un vrai travail de sensibilisation à faire dans le monde du travail autour de la problématique du deuil.
Je n'ai malheureusement pas pu me rendre à ce colloque mais je sais qu'il a été très intéressant ! Je sais de plus qu'il a été entièrement filmé. Au vu de vos participations comptez sur moi pour demander a la responsable de l'organisation un accès aux vidéos lorsque celles-ci seront disponibles ! Dès lors j'essayerai de partager un lien pour les visionner sur ce fils.
Encore merci à tous pour vos retours d'expériences.

Chaleureusement,

Yacine

Ladyhawk

  • Invité
Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #12 le: 02 décembre 2014 à 15:26:47 »
Je n'ai pas répondu à ta demande d'expérience de deuil à la reprise (ou pas) du travail Yacine
puisque la date du colloque était déjà passée ...
désolée ...
Ce sujet, à mon avis, concerne(ra) TOUT LE MONDE tôt ou tard !
Comment faire l'"impasse" et reprendre comme si de rien n'était ?
Pas possible !!!
Nous ne sommes "que" des êtres humains avec nos forces ET nos limites si vite franchies !
Mais dans le milieu du travail seul compte le résultat !
Les problèmes personnels doivent rester à la porte de l'entreprise !!!
Facile à dire, moins facile à appliquer !
Alors, excuse-moi mais c'est trop souvent : "marche ou crève" =
l'entreprise d'abord !
Bien sûr, vu le nombre de chômeurs + ou moins qualifiés,
"on" nous dit qu'il y a la queue à la porte !
D'où : pression supplémentaire !
Je ne suis certainement pas la seule à en avoir fait les "frais" ...
15 décès en 1 année ?
Il y a de quoi péter les plombs non ?
Mon employeur m'a virée sans chercher à comprendre !
Depuis je ne peux plus travailler (problèmes physiques) et les experts me l' interdisent !!
Même pas en tant qu'handicapée !
Alors ... je rêve ... d'une société plus humaine,
qui tienne compte des sensibilités de chacun ...
utopie, oui, j'en ai pleinement conscience ... malheureusement  ...
Je n'attends plus grand chose de la Vie maintenant,
mais si seulement je pouvais, d'une façon ou d'une autre,
donner un coup de pouce à ceux (celles) qui pourraient éviter cette .... déchéance !!! 
je le ferais, ferai !!!   >:(



Hors ligne Eva Luna

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Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #13 le: 02 décembre 2014 à 17:53:14 »
15 morts autour de toi dans un si petit laps de temps...
de quoi s'effondrer...

Ladyhawk

  • Invité
Re : Travail de deuil et deuil au travail.
« Réponse #14 le: 03 décembre 2014 à 17:00:54 »
C'est ce que j'ai fait Eva Luna.
Petit à petit, je me suis effondrée ... sournoisement ...
je voulais résister à tout prix mais je ne me rendais pas compte à quel point je dégringolais ...
sauf quand ma tension débloquait et que je faisais des crises de tachycardie en plein travail (obligée de me cacher).
1 ou 2 perches lancées en vain, en retour une foule de phrases qui nous ramène plus bas que terre ...
("prends sur toi" etc ...)
alors, "on" se tait, "on" encaisse jusqu'à plus possible.

Changer les regards sur le deuil me semble un travail colossal mais je garde espoir malgré tout ...