¨Pour avoir été optimiste 60 ans, passant pour une personne stable, sereine, stimulante et à l' écoute des autres, diplomate, bref, parfaite, ou presque parfaite comme toutes les femmes, j' ai tout de suite après le décès de mon mari décidé de faire comme pour sa maladie, puisque j' étais (nous étions) connus sur la place publique, j' ai déballé ma nouvelle vérité, je suis en deuil de mon mari, je découvre le deuil pour la première fois de ma vie (mes parents étant morts de vieillesse et de mort naturelle ça passe tout seul comme une lettre à la poste), j' ai donc prévenu que j' allais mal et chez le psychiatre pour qu' il m' apprenne à baliser mes réactions, mes émotions, mes crises et que je me droguais histoire d' oublier la mort et la cruelle, l' horrrrrrible souffrance qu' a enduré mon mari. Je ne me suis jamais gênée pour dire que j' allais mal. J' ai dit à mon psychiatre, à la famille que je participais naturellement à un forum d' endeuillés histoire de partager ma peine, enfin, partager non, on partage un bout de gâteau mais sa peine on se la garde, disons, que j' ai voulu dialoguer avec des personnes à ma hauteur du sinistre moral subi, des gens sur ma longueur d' onde et tout le monde est au courant autour de moi. Par contre personne, ni même mes enfants ne m' ont demandé le nom du site, ça veut dire que personne de ma connaissance vient lire mes écrits, personne ne veut savoir ce qui se passe et se dit sur un forum d' endeuillés tant qu' il n' est pas personnellement touché, personne ne veut pénétrer mon intimité concernant mon deuil, ce que je comprends aisément, j' en déduis que cette partie de ma vie m' est strictement personnelle et doit le rester, en fait c' est comme d' aller aux chiottes, on n' y va que pour soi. Désolée pour la comparaison, ça a le mérite d' être clair.
Tout le monde autour de moi admet ma souffrance, compatit, admet que j' aille chez le psychiatre, que je m' exprime sur un forum de deuil, ça passe moins bien quand je dis que je me drogue. D' entrée j' ai dit: j' accepte la mort de mon mari, il vaut mieux qu' il soit parti, il souffrait trop, le point d' irréversibilité étant atteint, je ne connais personne qui se prépare à affronter un deuil, alors envoyez la potion magique qui me fera voir voler des éléphants roses fluo de préférence. Ben, tu fais du sport, tu lis, tu t' occupes, tu as des petites filles, tu es jeune, évite de te droguer etc J' en entends de toutes les couleurs, des vertes et des pas mûres sauf que ça ne fera pas revenir mon mari réponds-je à chaque fois, elle est bonne votre blague! Pourquoi ce blocage sur les soins médicaux? Pourquoi serais-je forte face au deuil alors que c' est impossible de l' être? Le deuil c' est pour la vie dis-je autour de moi, c' est le psychiatre qui me l' a dit, il m' a assommée ce jour là! Bon je m' égare, oui je viens sur ce forum pour être avec mes frères et soeurs de malheur, oui c' est normal, non je n' ai pas honte, la seule gêne que j' éprouve c' est que je suis la doyenne des intervenants réguliers, je me dis que j' ai peut-être dépassé la date limite de consommation, ou la DLUO, que les autres sont bien plus malheureux que moi. Bon, je m' arrête là, mon ordi vient de me gronder, bientôt plus de batterie, même lui a besoin de recharger ses accus, allé, bisous et à pluches.