Auteur Sujet: huit mois aujourd'hui  (Lu 6861 fois)

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Mély

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huit mois aujourd'hui
« le: 29 septembre 2014 à 23:14:30 »
Bonsoir à tous,

Je vous lis quotidiennement . Souvent l'envie d'écrire mais ce n'est pas si simple de se lancer. Parfois l'impression que tout à déjà été si bien décrit par vous tous, qu'on n'ose pas se lancer pour écrire ce qui semble tellement semblable et en même temps tellement unique et incroyable pour nous même.
Mon mari est décédé le 29 janvier après plus d'un an de combat contre le cancer. Nous venions d'emménager (il y a deux ans à quelques jours près) quand trois semaines après suite à un scanner il rentre le midi à la maison en m'annonçant qu'il doit préparer sa valise . Il  rentre  à l'hôpital en début d'après-midi le jour même. Trois semaines après le diagnostic du cancer du pancréas s'abat sur nous. Mon mari me rassure en m'assurant qu'on va se battre et réussir à vaincre la maladie.
Les médecins étaient toujours positifs. Beaucoup d'interrogations de ma part depuis : ne voulaient-ils pas le/nous démotiver ? Est-ce que les médecins ont senti sa volonté et sa détermination de se battre jusqu'au bout ? ( en soins palliatifs, il s'est battu pour de lever, s'habiller, marcher dans les couloirs jusqu'à l'avant dernier jour) Est ce que parce que nous avions de jeunes enfants (6 ans et 9 ans en début de maladie) que les médecins nous ont laissés croire que l'on allait y arriver ? Ils m'ont dit seulement quinze jours avant qu'ile ne pouvaient rien faire. Ceci-dit pour moi les doutes m'ont submergée bien avant: au mois d'octobre, il y a un an . Après deux protocoles de chimio (la tumeur avait diminué à chaque fois), la décision est prise de passer aux séances de rayons, plus petites chimios.Sa santé se dégrade, les rayons sont arrêtés; Il ne peut plus s'alimenter, de nouveau hospitalisation . Moi je m'inquiète, les médecins positivent à chaque fois. Il ne s'en remettra jamais.
Pendant cette année là, difficile pour moi d'assumer le travail, les enfants, la maladie, mais nous ne plaignons pas et assumons la situation ensemble. Nous avons toujours avancé main dans la main, en vivant le plus "normalement" possible avec les enfants: les accompagner aux activités, sortir, se projeter en vacances ....
Depuis, le 29 janvier ma vie a basculé. Au début, j'ai été porté par la force et la détermination que mon mari avait face à la maladie. Morte intérieurement, complètement hors du temps et de la réalité depuis mais sa force me faisait tenir.Trois mois après, j'étais complètement écroulée. La souffrance se faisait vive et lancinante. C'est à cette période que j'ai commencé à chercher à comprendre où j'en étais et que j'ai découvert le forum qui m'a bien aidé à traverser des moments difficiles et de solitude.
Aujourd'hui, oui j'ai avancé. Mais le chemin est parsemé d'embûches et de méandres. J'ai parfois l'impression de franchir une étape  quand le lendemain (où le jour même) je m'écroule et me retrouve plonger en arrière.
Je ne suis pas dans la "vie". J'ai l'impression d'être derrière un mur ou un épais brouillard que je n'arrive pas à franchir pour rejoindre le "monde". Parfois, des sensations de la "vie" m'atteignent et en même temps ces sensations font écho à ma "vie d'avant" et là instinctivement je me dis c'est terminé pour toi. Parfois j'aimerai franchir ce "mur" mais cela m'est impossible. Certes avec mes enfants je fais "illusion" parce que je veux qu'ils vivent et avancent mais je suis hors du temps. C'est pourquoi quand mon entourage me dit "il faut du temps", j'ai envie de leur dire mais non ce n'est pas du temps qu'il faut puisque cette notion a explosé et n'existe plus pour moi depuis le 29 janvier .
L'entourage aussi est difficile à gérer. J'ai de la chance d'être entouré (mes parents sont venus m'aider à gérer la rentrée car j'en appréhendais la gestion : enfants et travail (je suis instit) .
Certains veulent vous aider en gérant votre vie (ça m'est arrivé pendant les vacances où pendant quinze jours je ne pouvais plus décider ni de mes occupations quotidiennes, ni des repas.... difficile de s'opposer quand  on vous a préparé les vacances alors que vous en étiez incapable), quand d'autres ne semblent pas réaliser les difficultés dans lesquelles vous êtes en train de vous débattre (émotionnellement et apprendre à gérer le quotidien pour deux avec des enfants.) J'ai l'impression de ne pas avoir un moment pour moi : je n'ai pas le temps de me poser pour regarder un film ou un documentaire. Nous n'étions pas très télé, mais je commence à avoir envie de me poser.
Huit mois se sont écoulés et mon amour me manque toujours autant. J'ai l'impression que le 29 janvier c'était hier. Il est avec moi dans mes pensées 24h/24. Très peu de moments où je ne vole pas vers lui. J'ai aussi cette sensation qu'il est avec moi. C'est frustrant, vertigineux et rassurant à la fois. Je l'aime mon amour et je l'aimerai toujours j'en suis certaine. Long cheminement  vers cette compréhension de ce qu'est  "aimer" et être aimé (je ressens toujours son amour pour moi, pour notre famille).
Merci à ceux et celles qui m'ont lu. Je ne pense pas vous apporter grand  chose mais j'avais envie d'écrire à d'autre qu'à moi-même.
Bon courage à tous.
Valérie


Hors ligne Eva Luna

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #1 le: 29 septembre 2014 à 23:28:51 »
merci Valérie de nous partager un bout de ton histoire... de votre histoire...
la même souffrance du manque mais différente et personnelle...
8 mois c'est hier , en vrai,si récent que la sidération est encore présente, normalement présente...as tu pu rependre ton travail?
écrire pour partager, écrire pour être lue par d'autres... c'est une des béquilles qui aident ... moi, cela m'aide énormément...cela t'aidera aussi..;je le pense sincèrement.
raconter.. quand on le peut... est le signe que sortir un peu de la grande souffrance paralysante est possible quelques instants...
je t'ai lu avec attention et affection...et je pense à toi, à lui et à vos enfants ...emportés dans la tourmente de la mort ... à accepter ...alors qu'elle est inacceptable...

Hors ligne qiguan

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #2 le: 30 septembre 2014 à 09:54:52 »
Valérie
ton message est touchant et rejoint bien des messages sur al partie conjoint où certain(e)s font le point par rapport à X mois passés ... http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/?PHPSESSID=sv1fragdui47ha0corh0s70tm6
j'ai mis un lien vers ce fil http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil-de-son-conjoint/10-mois-plus-tard/msg48829/#msg48829
j'imagine ton trop plein, ton besoin de te poser même si par ailleurs vos enfants sont un moteur (et eux comment vont ils ?) le forum est là c'est vrai tu peut venir écrire ... lire mais tu dois prendre aussi soin de toi avec du repos simplement
je te rejoins/notion d'amour ... oui cet amour est indestructible !
je t'embrasse
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char

Hors ligne zabou

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #3 le: 30 septembre 2014 à 11:13:03 »
Valérie,

Pourquoi ne pas poster un fil dans la rubrique deuil du conjoint  ?

Tu viens nous lire, alors de temps à autres comme cette fois , tu peux aussi écrire, nous répondrons.

Ce que tu écris, fat écho en moi, je me souviens, l'année dernière, aux 1an, cela me semblait si court, il me semblait que c'était hier....

Je n'ai pas vu cette année, là, s’écouler, comme toi , hors du temps, de la vie, spectatrice d'un monde auquel je n'appartenais plus.

Au début si seule, dans cette maison qui était notre cocon, je lui parlais sans cesse,je criais ma douleur, je pleurais, et j'ai ri aussi, j'avais alors tant besoin " d’oxygène".

Puis , j'ai aimé cette solitude, lente introspection en moi, avec lui,  toujours à mes cotés, plus jamais depuis ,je ne me suis sentie seule...

Dans 27 jours cela fera 2 ans, une année supplémentaire, qui à filé à la vitesse de l’éclair, je mesure aussi le chemin parcouru, si je sais maintenant qu'il ne reviendra plus, j'ai aussi compris qu'il fait parti  intégrante ,de moi, qu'il sera toujours là, a mes cotés, et que, où que j'aille, il s'y trouve avec moi.

Réconfortant, et déchirant , tout à la fois, malgré le fait , que je vis maintenant ,plus que je ne survie, la tendance avec le temps s'est inversée, j'ai évolué, par lui, je me sens encore, hors du temps, dans une dimension intermédiaire, mon temps à moi, n'est pus identique à celui des " autres", surement parce que cette réalité, " de départ" qui reste si abstraite tant que l'on ne la vie pas , est imprimée définitivement, au plus profond de ma chair, indélébile, source de souffrances, qui reviennent me hanter périodiquement, avec cette exact intensité du tout début....

Plus facile, pour moi, on fils est grand, et si près de moi, mes petits enfants m'aident beaucoup, j'ai envie de les voir grandir, un but, avec de l'amour....

Je disais toujours à ma psy, lors de cette première année que je me sentais toujours épuisée, j'avais honte , alors que je ne travaillais pas, elle me répondait invariablement " le deuil cela épuise"

Prend soin de toi, je sais dans tes conditions ,plus facile à dire qu'a faire, mais peut être peux tu lasser tes enfants , en garde parfois, chez tes parents, pour pouvoir te retrouver, ne penser , même qu'un court moment à toi seule , à lui aussi.

Je suis d'accord avec Eva Luna , impossible d'accepter , l’inacceptable, moi je fais avec, c'est tout...

Je t'embrasse.

zabou

Le souvenir, c'est la présence invisible.
Si j'avais su que je t'aimais tant, je t'aurais aimé davantage.
Mon amour, plus qu' hier et moins que demain.

Mély

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #4 le: 30 septembre 2014 à 22:18:55 »
Oups! Je n'ai pas fait attention que j'avais mis mon message en "discussions générales". Je voulais le replacer en deuil du conjoint mais je ne sais pas comment faire.
Merci à vous trois, Zabou , Qiguan et Eva Luna d'avoir pris le temps de me lire et de me répondre.  On se sent moins incomprise avec des personnes qui comprennent ce que l'on peut lire.
J'ai repris le travail depuis le mois de mars. Je ne me sentais pas capable de rester à la maison. Pour mes enfants, un parent à la maison signifiait être malade, je ne voulais pas leur rajouter d'inquiétude. De plus ça nous permettait à nous trois d'avoir un "rythme". Heureusement par ailleurs que j'ai de très bonnes collègues, car être face à un groupe de jeunes élèves est très très difficile dans ces circonstances, sans parler des préparations (difficultés de concentration ). par chance, je ne débute pas dans ma profession. Mes enfants "semblent bien allés". Pas toujours évident de savoir où ils en sont mais pas de problèmes majeurs. On arrive assez facilement à évoquer leur papa.
Je crois que je devrais ouvrir un autre fil dans la rubrique plus appropriée !
Bonne soirée et bises à tous.
Valérie

FeeViviane

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #5 le: 30 septembre 2014 à 23:36:31 »
Bonsoir Valérie,

Juste quelques pensées de soutien. 8 mois pour toi hier, 8 mois pour moi aujourd'hui (Philippe est décédé, en soins palliatifs,  le 30 janvier, d'un cancer du poumon métastasé aux os).

J'enchaine, comme nous tous et toutes, toutes les étapes avec les montagnes russes qui vont avec...

Quelques certitudes personnelles : Philippe est quotidiennement dans mes pensées et je pense qu'une part de lui a survécu à son décès (sous quelle forme ? mystère). Je sais qu'il aurait voulu que je prenne soin de moi, que j'arrive à me reconstruire, différente à jamais. Rien n'est facile. Il y a eu des moments de trous noirs et profonds où je me sentais happée et puis d'autres, comme en ce moment (sans que je sache pourquoi) où l'énergie domine et où j'avance. Le chagrin, l'absence et le manque sont toujours là, bien ancrés, mais la douleur s'est calmée (jusqu'à quand je l'ignore).

J'essaie d'être "sympa" avec moi, d'avancer à mon rythme, un pas après l'autre, un jour après l'autre. Lorsque je suis pleine d'énergie, j'essaie d'en faire profiter ceux qui en ont moins à ce moment là.

Tes enfants vont être ta force et tu feras vivre à ta façon leur papa en l'associant en pensées et en paroles à ce qu'il aurait aimé pour eux, à ce qu'il aurait aimé leur transmettre.

Mes chaleureuses pensées t'accompagnent.

Je t'embrasse


Hors ligne Yentel

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Re : huit mois aujourd'hui
« Réponse #6 le: 04 octobre 2014 à 07:52:27 »
Mély...

Je viens seulemnt de trouver ton fil...

Tu décris tellement bien cet état dans lequel la mort de notre conjoint nous a plongé et que ceux qui ne l'ont pas vécu ne peuvent comprendre... Merci de partager et de mettre des mots sur ces ressentis... Cela m'aide beaucoup de "lire" ce que je ressens tellement fort et que je ne sais pas toujours exprimer...

Pensées à vous tous...

Je nous souhaite un doux week-end...
Yentel
"Quand tu regarderas les étoiles dans le ciel, la nuit, puisque j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une d'elles, alors, ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles.  Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire" (A. de Saint-Exupéry)