Auteur Sujet: Comment aider mon compagnon endeuillé 3 fois ?  (Lu 3375 fois)

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Ladyhawk

  • Invité
Comment aider mon compagnon endeuillé 3 fois ?
« le: 06 juillet 2013 à 13:21:41 »
Courant février de cette année, mon compagnon
(depuis dix ans, mais nous avons chacun notre appartement) a perdu sa Maman.

Même pas deux mois après, sa sœur (âgée de 65 ans) partait brutalement !
Retrouvée chez elle en hypothermie, les médecins n'ont pas pu la "ramener".

Mon compagnon est complètement anéanti d'autant que sa sœur aînée est décédée il y a trois ans
et que son Papa a 95 ans ...

Je l'ai vu, entendu pleurer tant que tant, rire aussi (nerveusement je suppose).
Comme j'ai pu, je l'ai accompagné, beaucoup écouté.
Il semblait "apprécier".
Erreur de ma part :
il souhaitait me montrer des photos de sa sœur, mais s'est ravisé.
"Non, c'est trop triste" m'a-t-il dit.
Je n'ai pas insisté et m'en veux maintenant.

Depuis 3 semaines, il ne communique quasiment plus (sauf éventuellement par e-mail - j'en ai reçu 2),
ne répond plus au téléphone, ni quand on sonne chez lui.
Certes, je pourrais "forcer" sa porte (je suis en possession de ses clés, et lui des miennes),
mais cette façon de procéder ne me correspond pas et je doute qu'il apprécie l'intrusion.

Dans ses derniers courriels, il m'exprimait son incohérence, sa détresse,
se disait très, trop bouleversé, qu'il devait gérer sa déprime seul.
Il culpabilise, "dit" n'être plus à la hauteur, fuyant, la foule lui fait peur.
Il se cache, rase les murs quand il sort, n'aurait jamais imaginé être autant affecté, cassé,
il laisse ses repères s'évanouir,
et, pour finir, m'annonce qu'il se doit de rompre notre devenir,
et me demande si je veux bien que l'on soit ... amis !!!

Je suis effondrée évidemment, et ne sais vraiment pas comment lui répondre.

Juste un début d'idée, mais est-elle bonne ?
L'inviter à lire ou relire le paragraphe 2, page 111 ?
"éviter, dans la mesure du possible, de prendre toute décision majeure dans les premiers mois du deuil."
(sic Christophe Fauré).

Rien, absolument rien dans notre relation ne laissait présager une telle réaction.
Déstabilisée, démunie, je lui ai commandé le livre de Christophe Fauré,
"Vivre le deuil au jour le jour", en espérant qu'il l'aide dans son cheminement.
Il a été le chercher, mais l'a t-il lu ?
Que faire d'autre ?
Lui conseiller ce site ?
Il ne viendra pas, j'en suis convaincue.
Qui, ici, pourrait me dire comment continuer à l'accompagner, en douceur, en finesse ?
J'anticipe une éventuelle proposition :
il refuse de consulter un psy ...

(J'espère avoir posté au bon endroit cette fois-ci ...
J'ai cherché (mal peut-être) mais n'ai pas trouvé de cas similaire).

Merci d'avance à ceux qui voudront bien me répondre.

Que cette journée vous soit la plus douce possible.


petitefée

  • Invité
Re : Comment aider mon compagnon endeuillé 3 fois ?
« Réponse #1 le: 06 juillet 2013 à 14:43:10 »
Bonjour Ladyhawk,
le deuil est compliqué, le deuil multiple est encore plus complexe.
pour avoir eu aussi des deuils multiples quasi en même temps, j'étais foudroyée en état de choc et il est dur d'assimiler plusieurs deuils en même temps.
j'ai aussi eu une réaction de replis sur moi, seule dans ma douleur j'ai vécu ces deuils petit à petit, parfois c'était celui de ma fille, parfois celui de mon père, puis mon frère ; je laissais vraiment faire les choses, je ne pouvais faire autrement.
de plus, il m'a fallu faire le deuil aussi de la maison familiale qui a pris feu par accident. tout cela en 1 mois.
j'ai refusé de longs mois à aller sur un site comme celui ci, je n'étais pas prête, pas encore, trop peur que la douleur des autres m'atteigne encore plus.
comme tu le dis, lorsque nous perdons plusieurs membres de notre famille, nous perdons des repères qui souvent on été les nôtres depuis le début. Nous sommes paumés et déphasés alors, plus de repères, nous comprenons aussi que rien n'est durable et encore plus fort si plusieurs DC.
il faut du temps peut être plus pour démêler comment nous vivons chaque deuil.
ne casses pas le lien, acceptes si tu le peux cette forme d'aide qu'il te propose, c'est aussi bon signe, car il aurait pu réagir très négativement et casser votre lien.
pendant longtemps, je ne sortais quasiment plus, trop peur d'avoir mal à l'extérieur ; mes amis ont été très patients et savaient que même si je ne leur répondais pas (et cela m'arrivais souvent) ils m'envoyaient des petits sms, des émails, parfois je les voyais mais je ne pouvais pas le faire trop longtemps, j'avais besoin de rentrer chez moi et me recroqueviller.
j'avais très peur de sortir, de perdre de nouveau encore des gens que j'aime, donc je m'éloignais aussi d'eux, peut être était ce pour me protéger.
leurs petits gestes que je recevais lorsque je les acceptais sont un lien très fort du côté de la vie, et petit à petit j'ai réalisé que j'avais beaucoup de chance d'avoir des amis qui ne m'ont jamais quittés, jamais jugés et ils ont fait preuve de beaucoup d'écoute et de patience.
donc petit à petit, tous ces petits gestes m'ont attirés, aspirés vers la lumière et l'amour.
continues à garder un lien avec lui, fais toi confiance et agis avec ton coeur c'est très bien.
une psychothérapie m'aide aussi bcp, peut être un jour, il se sentira près.
regardes les vidéos sur ce site, elles sont très bien faites et très aidantes.
bien à toi

Ladyhawk

  • Invité
Re : Comment aider mon compagnon endeuillé 3 fois ?
« Réponse #2 le: 06 août 2013 à 19:05:57 »
Merci de ton retour petitefée,
et désolée de te répondre si tardivement.
Les deuils multiples je connais aussi, malheureusement ... 15 proches en 1 année !!!
Je ne veux pas donner dans la surenchère bien sûr.
Mon père disait : "la Vie ne nous amène que les épreuves que l'on est capable de surmonter".
Et bien, je n'ai pas pu et à la fin de cette année horrible j'étais à ramasser à la petite cuillère
d'autant que mon chef de service ne tenait pas compte des réserves du médecin du travail
(poste mieux adapté, limiter au maximum le stress etc).
Au fur et à mesure que je m'écroulais, incapable d'en prendre autant dans la figure,
"on" me disait : "prends sur toi !" "secoue-toi" et j'en passe ...
Le médecin du travail a fini par me déclarer inapte.
Mon médecin m'a collée en arrêt de travail 1 mois, encore 1 mois, et ainsi de suite.
1 an après, mon employeur me licenciait et 3 experts décidaient de mon incapacité à retravailler.
D'où ma mise en invalidité.
"Obligée" de faire semblant d'aller bien devant la plupart des amis
(ça dérange, à croire qu'ils n'ont jamais perdu quelqu'un(e) qu'ils aiment)
petit à petit, j'ai fermé la porte à quasiment tout le monde.

Tu me conseillais les vidéos du site ?
Je les ai visionnées, et si j'avais depuis longtemps de sérieux doutes
les voilà confirmés : trop de deuils restés en suspens m'empoisonnent la vie !
Il n'est jamais trop tard pour bien faire et peut-être, un jour, arriver à re-vivre au lieu de survivre,
machinalement, sans se poser de questions puisqu'il "faut" (pour les autres) avancer, sourire forcé aux lèvres.
Des torrents de larmes m'inondent maintenant,
moi qui n'arrivais plus à pleurer bien que j'en ressente pourtant le besoin,
tout ce que j'ai refoulé au plus profond de moi refait surface.
Comment ai-je fait pour tenir en extériorisant si peu mes souffrances ?
Je ressens à nouveau de la colère, beaucoup de colère, un sentiment d'injustice,
je crie mes douleurs intérieurement, je commence à les écrire ici,
j'accepte, par obligation, l'absence de tous ceux qui sont partis.
Forcément, ils ne sont plus là, ils ne reviendront jamais !
Je ne les reverrai plus de mon vivant !
Trop dur, vraiment trop dur, mais pas le choix.
Surtout : pourquoi mon petit bout de chou de 2 ans 1/2 est-il parti du jour au lendemain, sans raison ?
Enceinte de 2 mois, j'aurais accepté une fausse couche !
33 ans après son départ, je crois que je n'admettrai jamais ce que j'appelle "le plus grand malheur de ma vie".
Je n'insiste pas (pas en état pour l'instant)
mais j'en parlerai peut-être sur un autre fil adéquat.

Pas question de casser le lien avec mon compagnon-Ami (je ne sais plus).
Il ne communique pratiquement plus et reste enfermé chez lui à "ruminer".
Moi aussi d'ailleurs ... plus envie de rien en ce moment,
je me sors du lit (et zut ! t'es encore en vie) pour m'effondrer sur le canapé,
un petit passage devant mon P.C,
retour sur le canapé, je lis, c'est tout (Élisabeth Kübler-Ross par exemple).
Je ne sais pas combien de temps tout cela va durer pour lui comme pour moi.
Je me rappelle juste à "son bon souvenir" dès que j'en ai l'occasion
(un mail ce matin pour lui indiquer un superbe documentaire à voir).
Que puis-je faire d'autre ?
Il ne veut (ou ne peut) apparemment pas parler alors je respecte.
Mais je sais qu'il culpabilise d'être tombé si bas alors que moi c'est (entre autres) un fils que j'ai perdu.
Il ne me reste quasiment plus de famille :
Papa, Maman, 2 de mes frères partis, je peux le comprendre !
Et puis, si je lui évoquai son Papa (95 ans) 1 fois je préfère ne pas réitérer :
ça doit le travailler, il anticipe surement ce probable prochain décès.
De toute façon il est question de lui avant tout.

Avec toute mon empathie.