Auteur Sujet: Parent divorcé et désenfanté  (Lu 184983 fois)

0 Membres et 2 Invités sur ce sujet

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #510 le: 26 novembre 2019 à 06:35:30 »
Merci Mircéa de nous rappeler l'anniv de Fédo. Face à l'individualisme crasse qui tente  constamment de prendre le pas sur notre nature  solidaire, rien ne peut effacer pour nous les moments où nous nous sommes soutenu(e)s de la façon dont nous le pouvions. Nouvel hôte dans mon jardin, un jeune  hérisson, symbole de nos épines....Mille pensées à vous.
Pascal.
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #511 le: 07 décembre 2019 à 09:03:10 »
Bonjour!
une petite réflexion à partager, histoire de se rappeler en permanence que nous ne saurions être résumé(e)s à notre physiologie, mais bien sûr, des êtres à composante psychique...Hier soir, il m'a été proposé d'échanger quelques balles de tennis avec une personne en fauteuil (amputée, je crois), tout aussi véloce sur un court de tennis que je puis l'être sur mes jambes, à ce qui m'a été expliqué. Ceci explique cela, car la vie nous propose des partages étonnants, à nous parents endeuillé(e)s, comme un trait soulignant qu'une amputation  n'est pas forcément visible et nous condamne finalement aux mêmes règles d'adaptation : il nous faut réapprendre à évoluer dans le monde social avec un même handicap sans pour autant qu'il soit aussi visible qu'un fauteuil. Une certaine parité nous réunit, au final, avec nos forces de résilience réciproques.
Assez comiquement, je me suis interrogé sur mes 2 jambes : évidemment la mort de ma fille m'a amputé d'un membre, mais l'autre ? Ah, ah, ma chère Maman flashait toujours sur les cartes de Noël "peintes à la bouche" qui inondèrent les voeux familiaux du nouvel an de tous mes souvenirs d'enfance...Elle-même amputée de sa capacité maternelle lui interdisant de m'enlacer tendrement, de mon côté filial, je me béquillais sur une seule canne à l'identique des toiles de Dali, roi de l'étayage dans nombre de ses oeuvres! De base, enfant unijambiste, privé d'un soutien maternant sans que cela se voit, j'ai perdu la deuxième guibolle à la mort de ma fille, bien évidemment  et me voici, comme nombre d'entre nous, obligé de composer une autre vélocité. Autre vélocité qui me propulse à "gérer du disparaître dans un monde abreuvé de paraître"....vélocité qui, souvent, m'amène à prendre les jambes (que je n'ai plus)  à mon cou pour fuir les handicapé(e)s de la cervelle nous rappelant souvent que l'ouverture d'esprit n'est pas qu'une fracture du crâne! Ah, ah, j'espère faire marrer les morts là ou elles/ils sont!
Courage, mes ami(e)s, même si abimé(e)s, la vie nous réserve encore qques surprises! Je vais prendre plaisir à de bonnes parties de tennis, je crois! Allez des smileys balles jaunes! ;) ;) ;) ;) ;)
Bien à vous.
Pascal.
« Modifié: 07 décembre 2019 à 09:07:50 par résilience et silence »
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #512 le: 12 décembre 2019 à 07:15:12 »
Bonjour!
Finalement, le terme qui me convient n'est pas "amputé", mais démembré. Je rends à Martine Gercault la justesse de sa réflexion. Pour accéder à une conscience élargie, il faut avoir été démembré, en référence à la mythologie égyptienne d'Isis et Osiris, pour mémoire (citation approximative d'un de nos échanges). Je trouve que le terme de démembré évoque plus mon ressenti d'un ensemble disloqué plus exactement que celui d'amputation, acte partiellement orienté vers une résonance physiologique. Faut-il encore un temps de deuil suffisamment accompli pour le formuler ainsi et accepter le fil qui conduit de l'arrachement à une recherche de nouvelle cohésion qui intègre le membre disparu...un autre élément de soi qui agit de sa place au titre d'un guide vers un nouvel état d'être, une nouvelle structure de notre cohésion d'ensemble en quelque sorte. L'acte du deuil est peut être de nous proposer un processus d'amputation, justement, à même d'ouvrir ce possible passage ; une cicatrisation après arrachement à vif d'un membre qui ne sait être autrement que disparition, douleur, souffrance et mortification vers une conscience qui ne se résume pas au palpable.
Bon WE à vous, avec toute mon empathie.
Pascal.
« Modifié: 12 décembre 2019 à 07:24:51 par résilience et silence »
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne Eva Luna

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 3265
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #513 le: 12 décembre 2019 à 21:35:46 »
Démembrée, ça me plait bien comme image...
Amputée ça me plaisait par l'idée de la douleur pas fantôme du membre fantôme...absent mais si présent...
Pulvérisée éparpillée aux vents mauvais, ça me définissait bien également...


Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #514 le: 13 décembre 2019 à 08:08:31 »
Bonjour,
je vous invite à vous intéresser aux termes de "solastalgie", ou éco-anxiété. A mon avis, aucune mort prématurée ne saurait faire l'économie d'une réflexion avancée sur ce sujet. Sous un certain angle de perception, au-delà du chemin de deuil solitaire qu'il implique, l'impact du destin ouvre de nombreuses questions. Le paradoxal de cette frappe du destin est qu'il nous amène à "être plus sains dans un monde qui s'ignore fou". A ce titre, les morts prématurées sont comme  des métastases qui viennent interroger la santé collective comme autant de lanceurs d'alerte...Bien évidemment, le vivant est espace de tension et l'angoisse de finitude fait partie de notre lot de mortel(le)s. Mais, mais, as-t-on besoin d'être démembré(e)s pour être moins aveugles à notre cécité? Il n'existe pas une seule mort prématurée qui n'ait pas une racine dans le collectif, et, pour moi,  c'est une de nos fonctions d'endeuillé(e)s que de le rappeler autant que faire se peut sans occulter tout le douloureux de notre cheminement personnel.
Courage à Vous.
Pascal.
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne Faïk

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 1211
  • Terra Incognita
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #515 le: 13 décembre 2019 à 15:11:46 »
Les variations environnementales semblent arrivées à des limites où nos propres capacités d’adaptation mentale, émotionnelle ou spirituelle sont complètement bousculées, voire bientôt anéanties pour certains. La solastalgie n’est pas un vain mot.

Mais il y a une autre question qui m’interpelle également et ta formulation « Mais, mais, a t’on besoin d’être démembré  pour être moins aveuglé à notre cécité ? » fait écho. A t'on besoin d'être au bord de la mort pour appréhender son existence ?
Si nos gènes ne codent jamais à eux seuls un destin précis, la mort est bien inscrite dans chacun d’entre nous et ce depuis les débuts de l’humanité et de tout ce qui est vivant.
Or, depuis ces mêmes débuts de l’humanité, l’homme se retrouve dans « un espace de tension et d’angoisse de finitude » alors même que la mort, autant que la vie, est notre patrimoine génétique.

Nous nous sommes jusqu’à un certain point adaptés à notre environnement extérieur, et nous sommes, nous, homo qu’on dit sapiens le fruit de cette évolution. Et pourtant et pour la plupart, alors que la mort n’est pas une condition extérieure, nous sommes face à elle comme une poule avec un couteau (et j’ai rien contre les poules!) Comme si nous n’avions pas intégré cette dimension qui est intrinsèquement la nôtre … N’avons-nous donc rien appris de la mort ?
Et nous continuons à sidérer, pleurer, marchander, colérer, dénier … accepter ? depuis la nuit des temps.  Inadaptés à la mort ?
La mort est mon étoile polaire, immuable, étrangement proche et inaccessible à la fois ...


Hors ligne Eva Luna

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 3265
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #516 le: 14 décembre 2019 à 01:10:30 »
Un psy en consultation numéro 2 m'avait dit en gros que :on se remet d'un deuil, on est cablé pour ça, surmonter ces épreuves... sinon l'humanité n’aurait pas survécu...
Paradoxalement , au fond du trou, larmante et morvante...ça ne m'avait pas du tout rassurée ou éclairée sur ce deuil à vivre...et je me disais mais de quoi il me cause cet abruti?

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #517 le: 14 décembre 2019 à 07:54:05 »
Bonjour Faïk et Eva ainsi qu'à Vous.
Bien sûr que je partage vos constats sans avoir non plus d'autres réponses que de nouvelles questions aussi éternelles que le deuil! Comme s'il y avait d'autres termes que notre propre fin de vie pour qu'il finisse ce deuil....Faut-il être un âne pour être vétérinaire? Non, vraiment, deuil accompli ne signifie absolument pas  qu'il soit clos, terminé, derrière et pas devant comme le p'tit cheval de Brassens. Tous derrière et moi devant! La souffrance s'amenuise, ça, d'accord, et l'état de dislocation s'épuise sous peine de se retrouver en psychiatrie...Mais condamné(e)s à porter en nous des mort(e)s qui ne devraient pas y être. ça marque tout de même une petite différence avec un avant et un après, et il est fort probable que nous nous soyons doté(e)s de cette capacité depuis l'aube de l'humanité sous peine de disparaître. La-dessus, d'accord. Ce qui singularise les humains est qu'ils peuvent faire parler les morts....Et justement, le cri solastalgique de ma fille, je me sens en devoir de le relayer car la prise de conscience de l'effondrement affectif que génère la mort prématurée d'un être chéri est devenu pour moi en écho à l'effondrement écologique qui nous pend au nez. Et s'il y a bien un groupe qui sait que ça "n'arrive pas qu'aux autres", c'est nous.
Je crache sur les SUV inutiles et les postillons, c'est exprès!
Allez, jobez bien! Bon Week.
Pascal.
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #518 le: 15 décembre 2019 à 08:29:37 »
eh bien, ça rate jamais!
Une grosse dinde râlant dans son SUV après  la circulation encombrée par des retraités aussi habiles avec leur bagnole qu'une poule avec un couteau  m'a presque roulé sur les pieds en m'enguirlandant comme un sapin  car modeste piéton, je n'étais pas tout à fait en bonne place sur le trottoir...Pfouh, aujourd'hui je m'abstiendrai de postillonner  après les publicités empilant Noëls magiques et fééries dans un monde enchanteur où Père Noël se demande comment nourrir ses rennes vu que même les Samis en Suède tirent la sonnette d'alarme sur le sujet! Bigre, je risquerais de finir en carpette sous un camion Amazon  livrant des points de retraite à celles et ceux qui croient aux bonnes intentions des fonds de pension en guise de boules de Noël! Allez, je retourne à mon sapin en plastique planté au milieu de mon jardin, qu'a même pas 11 mandats bénévoles pour le décorer!
Bizs à vous.
Pascal.
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #519 le: 20 décembre 2019 à 08:14:26 »
Bonjour à Vous.
Je continue à m'interroger sur le déroulé du deuil et de ce qu'il nous confronte à vivre. Dans cette communauté du forum du deuil, je partage mon cheminement ainsi : "à parler de nos enfants morts, nous gênons, à oublier nos enfants morts, nous mourrons, à nous enfermer avec nos enfants morts, nous disparaissons". "Nous disparaissons, sauf des cimetières, ça va de soi", dirait  Feu Brassens, pardonnez mon humour noir.
Le déroulé du deuil  conduit au handicap. C'est cette identité que je revendique dorénavant, car au final, la seule différence entre une personne physiquement handicapée et nous, c'est que cela ne se voit pas. L'omniprésence de l'invisible en nous est aussi encombrante et vitale qu'un fauteuil, soit-il simple objet qui n'interfère pas avec la dimension de sujet que nous sommes tout un chacun(e), toujours bien évidemment. C'est dans ce point de convergence avec la paraplégie que je me retrouve. Et il me semble que c'est un point d'ancrage intéressant pour définir ce qu'il nous advient de partager avec cette autre grande communauté  qualifiée d'humaine, même si parfois je doute quelque peu de ce qui s'appelle normalité....Question de focal et de curseur, rien de plus, l'amertume ne sert pas à grand chose d'autre que d'être fiel peu attractif même si des fois, cela sert un peu à saler nos recettes de pareil(le)s et différent(e)s condamné(e)s à aller explorer les marges. A perpétuité. Je maintiens que la diatribe du "on s'en remet ou pas", de "on accepte ou pas" n'ouvre en fait qu'une question de communauté d'appartenance et de sa charnière qu'il faut huiler en permanence pour qu'elle ne grince pas.
Allez, bizs à Vous.
Pascal.
« Modifié: 20 décembre 2019 à 08:38:56 par résilience et silence »
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne Anic

  • Membre Complet
  • ***
  • Messages: 211
  • Le forum d'entraide durant un deuil
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #520 le: 20 décembre 2019 à 11:07:18 »
Bonjour et merci de tes messages toujours eclairants. Je partage ton avis, completement.
Au milieu, ou plutot, a cote, de nos semblables " sapiens sapiens ", depuis la mort de ma fille, je me sens " neanderthal " : j ai ete propulsee dans un univers archaique, a deposer des coquillages, des fleurs, des rubans, en hommage permanent, a revenir sans cesse sur ce lieu d adieu comme le font aussi les elephants, a ne pas comprendre le langage qui oblige a " aller de l avant, refaire sa vie, assumer, positiver, relativiser " , a ne pas meme supporter la gaite ambiante qui va juste qu a nier toute douleur, et, ce faisant, l amplifie. Comme en ces temps anciens, ces temps d avant l histoire, j aurai besoin de me retrouver avec les neanderthal, serres les uns contre les autres autour d un feu, sous des peaux de betes, appeures par l orage, mais ensemble. Mais c est chacun pour soit. Une psy m a dit que le silence et le delaissement que j ai encaisse est une violence. Je sais que cela a detruit toute confiance en les autres. Depuis je suis devenue hypersensible. Je ne me sens plus adaptee au monde, je n y trouve plus de place, plus d envie ni de sens.  Cela complexifie terriblement la survie. Alors en effet, le deuil, aggrave par la non reconnaissance, le non accompagnement, l incomprehension ou la negation du deuil par l entourage, cree un veritable handicap. Patrick Sebastien, qui a perdu son fils, parle des " defenestres de la vie ".
Merci pour les echanges du forum, c est un peu de chaleur.
Bien a vous tous.
Anic




"Gardons vivant ce que nous avons frole ensemble de plus haut" Christiane Singer

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #521 le: 20 décembre 2019 à 18:55:20 »
Merci aussi Anic de ton gentil message. Je ne suis pas particulièrement connaisseur en pré-histoire mais cette analogie avec Néandertal me parle bien , d'autant plus que la cohabitation avec Sapiens sapiens n'a pas été si brutale et violente qu'on pourrait le supposer; il me semble que les traces de passage de l'une et l'autre espèce identifiées dans les grottes du Périgord n'a pas révélé d'autres brutalités qu'exceptionnelles, rares et ponctuelles...Pas de batailles rangées en tout cas. Comme quoi notre patrimoine génétique n'est pas si entaché de violences avec le différent que nous pourrions le supposer. Je crois que les premiers charniers découverts remontent à l'âge du bronze ou du fer, si je me rappelle une exposition qui a eu lieu à Beaubourg voici qques années sur le sujet de "la perte du sacré", je crois me rappeler. Une lueur d'espoir, peut être, puisque nous devons fourbir d'autres armes que l'éradication d'autrui pour accomplir une reconstruction identitaire intégrant notre "fil", aussi traumatique soit-il. C'est ce fil que je tente de partager au travers de mes écrits et je suis bien content s'il peut servir à d'autres personnes elles-mêmes dans le pas à pas du deuil, façon personnelle d'entretenir un petit feu pour ce retour aux sources qu'il nous impose et réel bienfait d'internet!
Bon WE.
Pascal.
« Modifié: 22 décembre 2019 à 18:54:44 par résilience et silence »
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne résilience et silence

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 753
  • One eye dog's man
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #522 le: 22 décembre 2019 à 08:02:58 »
Bonjour!
J'hésite à pousser sur ce forum mes réflexions sur le devenir de notre espèce mais, assez curieusement, un travail condensant nos échanges faisait apparaître d'autres trains que le seul sujet du deuil. Ce que relève Faïk sur cette question "faut-il avoir été démembré(e) pour être moins aveugle à notre cécité" continue de me tarauder.
Je n'ai absolument pas la prétention d'en détenir la clef...Si le destin tranche des vies, si une trame plus vaste que notre perception humaine se déroule en feed back, si des liens difficilement saisissables nous unissent aux mondes invisibles, il n'en reste pas moins  légitime  notre droit de nous questionner, ce que je fais.
De ma place, je trouve que la mort prématurée d'un être aimé fracture en nous des portes entre ce que j'appelle une conscience ordinaire et une conscience supérieure. La souffrance est si intense qu'elle nous force dans nos retranchements, brise nos défenses, balaye nos convictions, déstabilise nos certitudes, nos codes, nos fondements au point de nous contraindre à trouver en nous (avec le temps) d'autres territoires que le  précédent, dévasté par l'impact....Combien de fois n'ai-je regardé en boucle  la bataille de Stalingrad si proche de ce que je ressentais?
Et, à ce point, je rejoins cette préoccupation d'espèce humaine et de sa pré-histoire...découvrir et conquérir de gré ou de force d'autres territoires ne date pas d'hier. Cela fait partie de notre processus d'évolution et d'adaptation que de souffrir à un endroit pour aller explorer ailleurs...et je ne crois pas qu'il soit si simple de dissocier ce qui relève de la survie physiologique du reste. Loin de là, Le spirituel, les rites funéraires, l'art, la prière, en un mot, le symbolique y sont étroitement liés.
En terme d'exploration, la quête des astrophysiciens ne peut être laissée de côté...Si j'en crois les récents prix de Nobel de physique, la recherche d'une exoplanète similaire à la terre anime pas mal de télescopes. ça serait pas mal de trouver une bouée de sauvetage, vu l'état écologique de notre demeure, espérant que les grottes laissées par Sapiens à Néandertal étaient moins crades!
C'est ce point d"équilibre qui m'interroge en permanence. Peux-t-il être supportable qu'une espèce migre dans l'univers sans avoir élargi son champ de conscience à autre chose qu'elle-même?
Je crains que la solastalgie comme les morts prématurées ne soient que symptômes  d'une réponse à cette question. Nous ne pouvons exporter cette brutalité en l'état au risque de disparaître, et nous, Endeuillé(e)s, aussi "vagues" que soient les limites de cette communauté d'appartenance pourtant bien réelle,  nous devons, oui, devons trouver des forces pour faire pousser cette plante: nous ne pouvons trouver d'issue sans élargir notre conscience à plus vaste que nous-mêmes, comme dans le processus du deuil. Bon, allez, courage, j'en arrête là pour to-day au risque de vous polluer!
Bizs à Vous.
Pascal.
« Modifié: 22 décembre 2019 à 18:54:30 par résilience et silence »
C'est dans les situations les plus difficiles et les plus désespérées que les individus trouvent le courage de se battre pour leur conviction. Tecumseh.

Hors ligne souci

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 2728
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #523 le: 22 décembre 2019 à 19:33:10 »
 :) ...

La huitième des élégies de Duino, de Rilke, qui avançait dans la vie muni d'un brouilleur à stupidités ...
Pour toi Pascal, car tu as le pigeomètre toujours attenant à la boussole et que t'aimais bien Federico qui se fait sortir des arriérés d'impôt à lui pourrir son réveillon, je poste ici car je sais que ce sera bienvenu ...

“De tous ses yeux la créature
voit l’Ouvert.Seuls nos yeux
sont comme retournés et posés autour d’elle
tels des pièges pour encercler sa libre issue.
Ce qui est au-dehors nous ne le connaissons
que par les yeux de l’animal. Car dès l’enfance
on nous retourne et nous contraint à voir l’envers,
les apparences, non l’ouvert, qui dans la vue
de l’animal est si profond. Libre de mort.
Nous qui ne voyons qu’elle, alors que l’animal
libre est toujours au-delà de sa fin:
il va vers Dieu; et quand il marche,
c’est dans l’éternité, comme coule une source.
Mais nous autres, jamais nous n’avons un seul jour
le pur espace devant nous, où les fleurs s’ouvrent
à l’infini. Toujours le monde, jamais le
Nulle part sans le Non, la pureté
insurveillée que l’on respire,
que l’on sait infinie et jamais ne désire.
Il arrive qu’enfant l’on s’y perde en silence,
on vous secoue. Ou tel mourant devient cela.
Car tout près de la mort on ne voit plus la mort
mais au-delà, avec le grand regard de l’animal,
peut-être. Les amants, n’était l’autre qui masque
la vue, en sont tout proches et s’étonnent…
Il se fait comme par mégarde, pour chacun,
une ouverture derrière l’autre… Mais l’autre,
on ne peut le franchir, et il redevient monde.
Toujours tournés vers le créé nous ne voyons
en lui que le reflet de cette liberté
par nous-même assombri. A moins qu’un animal,
muet, levant les yeux, calmement nous transperce.
Ce qu’on nomme destin, c’est cela: être en face,
rien d’autre que cela, et à jamais en face.

R.M.Rilke, cité avec bonheur et infinie révérence par M.

Hors ligne Nora

  • Membre Héroïque
  • *****
  • Messages: 789
  • " Ne me secouez pas, je suis pleine de larmes "
Re : Parent divorcé et désenfanté
« Réponse #524 le: 22 décembre 2019 à 20:28:22 »
Et re  :-* :-* :-*