Auteur Sujet: Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !  (Lu 995516 fois)

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #240 le: 30 mai 2016 à 13:56:10 »
 :( avec toi
Maman, tu es partie trop brutalement !
Maman, Requiescat In Pace.

Tu as pris de l'avance au pays de la Vie.

Hors ligne Eva Luna

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #241 le: 30 mai 2016 à 20:41:00 »
"Je suis un Papa endeuillé... un mari séparé... un père éloigné..."
ça fait beaucoup d’épreuves subies par un seul homme...
et le contre coup du déménagement... en rajoute une pierre...

Hors ligne Federico

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #242 le: 31 mai 2016 à 00:39:33 »

Raphi,

Tout comme Dalida, moi je veux bien aussi "mourir sur scène"...en défendant TES nobles idées, ton humanité, ton sens de l'équité, ta justesse et en attaquant les hypocrites, les ironiques, les égoïstes et les malhonnêtes  intéressés...

J'adorais quand tu prennais parfois ton air détâché, hautain, méprisant envers tous les faux culs et coincées du cul...tu avais cette intelligence de les remettre à leur place...et çà te faisait immensément plaisir...

Que tu étais intelligent mon "Raphi" et ta beauté extérieure n'avait d'égale que celle de ton coeur...

Je ne comprends pas que tu ne t'aies pas rendu compte de toute ta pureté ou plutôt... maintenant SI, je pense que OUI... et tu as préféré ... sans rien me dire... dans un effroyable silence... ce silence que je recherche tant aujourd'hui...

Quelle perte mon AMOUR...

Papa
- Espérer, c'est avoir la force de sourire avec un cœur qui ne cesse de pleurer
- Qui pourrait me dire maintenant ce que je dois dire, écrire, croire, penser ou faire ? Personne ! je suis LIBRE !

Hors ligne Federico

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #243 le: 31 mai 2016 à 01:05:24 »

Bonsoir mon "Raphi",

Tu te rends compte que je suis en train de t'écrire à travers la plaine... des lettres d'amour alors que tu n'es plus là et que je n'ai plus aucun espoir de te revoir !
C'est insupportable comme douleur et je ne vais jamais guérir !
C'est à vie que je vais souffrir, j'imagine que tu ne voulais pas ça... mais la réalité est là... et je n'ai plus qu'à "théoriser", philosopher, "poétiser" ta perte afin d'échapper, d'éloigner cette innommable réalité... et me rapprocher d'un certain apaisement... j'ai besoin d'amour, de tendresse et d'affection... c'est bien de "théoriser" un peu de douceur face à l'ignoble brutalité de la mort...

La pratique est simpliste : tu es mort... je suis vivant... donc je dois seul continuer à vivre sans toi !
Le problème c'est que c'est simplement impraticable, infaisable...
je suis humain, j'ai un coeur... tu es mort mais je veux continuer à vivre ma vie avec toi !
Je suis de plus en plus hors du temps et de cette société, je m'en aperçois jour après jour...et je ne sais quoi faire !
J'essaie de me rattacher à des choses très concrètes mais elles ne m'intéressent presque plus.
Il faut que je ressentes des choses "fortes", des émotions... une belle sensibilité à fleur de peau, d'une extrême fragilité qui peut se briser à tout moment...je suis constamment près des flammes et il ne faut pas que je me brûle... je suis au bord du précipice...
L'importance de la spiritualité... de la réflexion, de l'analyse... du sublime face à l'atrocité...

Je pense... et j'ai cette sublime liberté de pensée... pour mon cher fils, mon chéri, mon amour !

J'ai encore des ressources... Grand-père, Tonton, ton frère... des amis et puis... je compte comme toujours essentiellement sur MOI !

Papa, je t'aime
« Modifié: 31 mai 2016 à 01:29:16 par Federico »
- Espérer, c'est avoir la force de sourire avec un cœur qui ne cesse de pleurer
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #244 le: 03 juin 2016 à 08:35:02 »


Aujourd'hui, j'ai pris un jour de congé... il fait beau, je dois aller tondre et surtout passer la journée à nettoyer les terrasses, m'occuper de mes fleurs et jardiner pour la dernière fois dans mon jardin !
Mon "ex-compagne" déménage ce Week end puis nous devons rendre propre et libre ce qui a été notre maison pendant 16 ans avec tous les souvenirs familiaux avec les garçons !
Je passerai également au cimetière...

Je veux m'éloigner un peu géographiquement de "mon village" et de tout ça... y aller ? oui... y vivre ? plus maintenant !

Jeudi 9 juin... rdv chez le notaire pour l'acte de vente qui officialisera également la séparation de notre couple !

Deuil impossible que le suicide de notre fils... deuil absolument impartageable... nos chemins se séparent irrémédiablement... nous aurons quand même  tenu un peu plus de 3 ans ! maintenant c'est fini !

Tant pis, je regrette !... et/ou... tant mieux, j'espère !

Je suis confiant... notre séparation ne va pas me détruire... au contraire !

Je suis prêt pour avancer et continuer ma vie... avec mon chagrin, ma douleur et ma souffrance mais aussi avec mes espérances de la vie !

A bientôt.

Federico
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #245 le: 04 juin 2016 à 15:11:03 »


Vivre sans Raphaël n'est pas dans l'ordre des choses.
Les autres ne se rendent pas compte des efforts que je fais jour après jour.
Pour ne pas m'isoler totalement, pour ne pas me perdre définitivement.
Mon chagrin n'est pas un simple chagrin égoïste...il est silencieux, mystérieux et solitaire.

Federico
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #246 le: 04 juin 2016 à 15:19:21 »


Je t'aime Maman, je t'aime Papa.

Pardonnez-moi, je ne vous ai pas suffisamment dis : "je t'aime Maman, je t'aime Papa."
C'est terrible pour vous et je le regrette très profondément.
Vous avez toujours été de précieux guides, mes références et mes repères tout au long de ma vie.
Merci Maman. Merci Papa.
Votre générosité, votre bonté, votre sacrifice : je vous remercie du fond du cœur !!!
 je pense à vous très affectueusement.
Je m'incline devant vous car vous méritez tout le respect du monde, je vous souhaite le meilleur.
Je vous remercie pour toute votre attention, votre affection, votre tendresse et pour tout votre AMOUR.
Je vous embrasse très fort.
Je vous aime.

Grâce à vous, je suis devenue UNE PERSONNE LIBRE, indestructiblement LIBRE.

VIVE LA LIBERTE !!!

Le papa de Raphaël.
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #247 le: 04 juin 2016 à 22:38:20 »
Hier petite fête improvisée à la maison pour contrecarrer le dernier mauvais coup familial.

Et nous avons dansé avec ma petite famille  sur "le paradis blanc."

Parlé de toi et de ton fils à cette occasion....

Amitiés !

Bulle
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #248 le: 05 juin 2016 à 00:01:17 »


Bonsoir et merci Bulle,

OUI, quels efforts surhumains faut il pour arracher des moments de joie à la mort et qu'il est aisé à la tristesse, à la mélancolie et au désespoir de nous y maintenir plonger dans le malheur toute la journée, la nuit !
Aujourd'hui, j'ai été très occupé avec mon frère... course, rangement, cuisine, ménage ... puis petite sieste en fin d'après midi... mais,ce soir, je me sens très seul ! ce n'est pas de la solitude... c'est se sentir seul, abandonné, trahi !
Mon fils cadet Andreas me manque, ses mouvement, ses mots, son énergie et son envie de vivre !
L'ambiance de la maison, un gentil va&vient, ses copains et copines ... je pense à Juanita, mon chat !

Le "dernier mauvais coup familial"... c'est terriblement nul et tellement à ras les pâquerettes !

C'est un honneur pour moi que tu es parlé de mon fils R., ... sur "le paradis blanc"...

Amitiés... oui, Bulle... Amitiés !

Federico
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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #249 le: 05 juin 2016 à 01:06:11 »

Je ressens comme une immense lassitude... une certaine résignation !

Et pourtant...Je suis là pour agir et être là pour lui car il est parti en silence... en solitaire... dans la douleur de la nuit, dans le mystère de sa vie !

Attention, je n'ai pas dis "acceptation" : en matière de suicide il n'y a pas d'acceptation !
Le pardon n'est pas possible !
Pas de compromis, pas de négociation, pas de relation !
Je n'accepte pas que mon fils se soit suicidé à 18 ans !

Si je suis résigné... j'entends par là que je suis comme Don Quichotte... fatigué, épuisé dans sa lutte contre les moulins à vent ! je me rends bien compte que je vais toujours droit au mur et que je ne peux plus rien faire.

C'est irrécupérable... irréparable... je dois vivre avec ma croix... c'est mon destin...
J'abandonne cette lutte... et... je m'abandonne à mes émotions ...

Je lâche prise et je décide de vivre encore un peu... surtout pour moi ! je le mérite amplement !
Je ne supporte plus le stress, l'angoisse...je suffoque...je manque d'air !

Je ne veux plus d'adrénaline malsaine pour caresser mon égocentrisme !
Je ne veux plus nécessairement gagner pour flatter mon orgueil !

Je ne demande plus rien... à personne !
Ou plutôt si, une simple fleur... qui voudra bien me l'offrir ?

Federico
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Hors ligne Ludmilla 31

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #250 le: 05 juin 2016 à 11:43:48 »
Bonjour Féderico

Oui qui voudra nous offrir cette petite fleur qui nous ramène à la vie ?

Ce lien qui nous manque ,qui ne remplacera jamais ,mais qui peux nous sortir la tête de l'eau ou du sable suivant les jours .

A toutes et tous doux dimanche .

Hors ligne Cinderella

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #251 le: 05 juin 2016 à 18:10:10 »
Bonsoir Frederico,

Je te lis souvent et je suis toujours touchée par tes "lettres" remplies d'amour pour ton fils et tes cris de douleur si compréhensibles mais je n'ai jamais osé poster un petit mot car chaque deuil est différent et la perte d'un enfant est ce qui a de plus terrible car les enfants sont fait pour nous survivre. 
Certes moi je suis devenue veuve jeune mais la douleur que je peux ressentir n'a rien de comparable à la tienne, c'est une douleur différente donc j'ai dû mal à trouver des paroles qui pourraient t'apporter un peu de réconfort et de paix. :-[

Aujourd'hui, je voulais juste t'envoyer une petite fleur d'espoir.  J'aurai bien voulu y joindre un petite fleur en image mais j'arrive pas à joindre un fichier donc je te laisse choisir la fleur de l'espoir que tu préfères et je la dédie à ton fils.


Vous ne pouvez toucher une fleur sans déranger une étoile.

" Les étoiles ne sont peut-être pas des étoiles…mais plutôt des ouvertures dans le ciel…d’où l’amour de nos disparus se déverse et nous illumine, pour nous faire savoir qu’ils sont heureux. "

« Le rêve est l'aquarium de la nuit. » Victor Hugo

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #252 le: 06 juin 2016 à 02:40:40 »

Se sentir seule, abandonnée, trahie...
C'est ce que je vis avec ma grande famille d'origine, tu le sais et toi, c'est avec ta famille nucléaire.

Nos familles ont été ATOMISEES par la mort subite, voire le suicide.
Alors oui, on rame...angoisse intérieure, douleur qui se rajoute au deuil déjà si dur...
J'imagine bien que l'ambiance de ta maison te manque et et ce manque réactive la douleur du deuil impossible !
Trouver des choses à faire avec ton fils, seul à seul....

Je suis heureuse que tu partages avec ton frère des moments bons que je ne partage plus, moi avec ma fratrie. encore moins avec mon géniteur.  Heureuse aussi d'avoir à mes côtés mon fils et mon mari, ils ne sont pas trop de deux mecs pour m'aider à affronter ce que je vis. Il me faudrait une armée!!! Car vais je tenir? Mon corps va t-il tenir?

Oui, tu trouveras quelqu'un pour t'offrir une fleur. Un CHAMP de fleurs.
Quand tu ne t'y attendras pas.
 Activation de ta capacité de confiance.
ESPERANCE.

Pensées d'insomnies,
Bulle

PS promis, si tu me trouves le titre d'un fil, j'en ouvre un  ;) car là, j'ai vraiment trop squatté le tien :)
Maman, tu es partie trop brutalement !
Maman, Requiescat In Pace.

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #253 le: 06 juin 2016 à 03:41:04 »
POÉSIE / GALLIMARD : 50 ANS

 par : Lucien Wasselin

La collection de poche Poésie / Gallimard fut créée en 1966, plus de 500 titres furent publiés depuis le numéro 1 (Capitale de la douleur de Paul Éluard suivi de L'amour, la poésie). C'est l'occasion de fêter cet anniversaire et l'éditeur fait paraître quelques titres intéressants dont deux anthologies.

Anise KOLTZ : "Somnambule du jour".

            "Somnambule du jour" se présente  comme une anthologie. Dans sa préface, Anise Koltz présente clairement  sa démarche. "Dieu est mort !" proclame-t-elle. Si l'homme est seul face à lui-même, si son expérience est fondée sur la science et la technologie, il est comme analphabète. Et tout lui est alors permis pour exprimer le sens de la vie et elle cite Guillevic : "La poésie c'est une aventure colossale" et elle ajoute : "Dans notre monde intérieur, nous sommes libres. Il n'y a ni contraintes ni obstacles […] Notre langue est sacrée, protégeons-la…"

            Ce choix de poèmes permet un voyage à travers l'œuvre d'Anise Koltz. Si les premiers poèmes sont émaillés de mots allemands, ils témoignent d'une époque où Anise Koltz fut obligée de parler allemand puisque le Luxembourg dont elle est originaire fut occupé durant la seconde guerre mondiale. On peut trouver (?) un écho de ce bilinguisme jusque dans le prénom d'Anise Koltz qui semble être une contraction d'Anne-Lise… Mais dès les années 80, elle abandonne totalement l'allemand du fait de la mort de son mari suite aux tortures infligées par les nazis, après avoir publié quelques recueils chez des éditeurs de langue germanique. L'écho de l'aimé se retrouve dans le choix des poèmes extraits d'Un monde de pierres (Arfuyen, 2015), deux poèmes sont intitulés "À René", tout comme celui du bilinguisme dans ces vers : "Je rêve / dans une langue / qui n'est pas la mienne". Si cet abandon est fondateur, la présente anthologie montre la cohérence d'une œuvre qui a trouvé son ton et sa voie dès les débuts…

            Dès Le cirque du soleil (Seghers, 1966, édition bilingue), Anise Koltz s'est forgé l'outil avec lequel elle capte le mystère de la présence au monde, c'est-à-dire un poème relativement court composé de vers brefs ayant l'éclat du silex. Tout au plus, le lecteur peut-il constater une accentuation de la concision et le passage de la révolte contre Dieu (très nette dans Béni soit le serpent, Phi, 2004) à une sorte d'apaisement enfin trouvé dans Un monde de pierres. Mais il faut souligner l'approximation de cette affirmation car Anise Koltz a ignoré une partie de son œuvre poétique, celle d'avant 1966, celle publiée en allemand… Sans doute faut-il respecter les raisons de ce choix dicté par des raisons extra-littéraires mais il faut être conscient de ces limites. Si cette simple note de lecture d'une anthologie ne se veut pas étude détaillée de l'œuvre d'Anise Koltz, il faut bien mettre en évidence quelques caractéristiques de la démarche de celle-ci. Dieu tout d'abord. Qu'on y prenne garde : ce n'est pas parce qu'elle le dénonce à plusieurs reprises, qu'il existe et qu'elle croit en lui. C'est plus à une idée communément partagée qu'elle s'attaque ; si elle s'y réfère souvent, c'est pour mieux le condamner,  stigmatiser son absence et son inutilité, un bref poème dit tout et elle éclaire crûment la genèse de cette entité : "Dieu nous a créés / d'après Son image // Nous L'avons créé d'après la nôtre // Mutuellement / nous nous sommes massacrés". L'humour (l'emploi des majuscules !) n'est pas absent de ce pari car "Il n'y a pas de réponse". Mieux, elle replace le sacré dans l'homme, dans la vie ; Anise Koltz ne manque pas de spiritualité si elle se passe de Dieu : "Je n'élève plus mes enfants / comme des larves //  Dieu n'a pas besoin / de les délivrer du mal //  Chaque arbre / est celui de la connaissance". L'Histoire et le savoir sous toutes ses formes (y compris scientifique) sont convoqués : "Mon sang se jette / dans la mer // D'où je suis sortie / unicellulaire" ou "L'océan d'où j'étais sortie / il y a des millions d'années / se réveille en moi / quand je t'aime". Reste que l'interrogation sur la langue, les mots, l'écriture est omniprésente dans ce choix de poèmes : "Mon langage […] est marqué de commerce / il sent la contrebande". Il serait fastidieux de relever toutes les occurrences où les questions ou les points de vue sur le langage reviennent. C'est que la quête de soi passe justement par les mots et le poème, mais Anise Koltz ne dissimule pas la difficulté de mourir…

            Entre la figure de la mère qui reste une énigme (à l'image que la vie) et des interrogations sur son identité, Anise Koltz n'en finit pas de tracer son portrait. C'est là l'un des charmes de cette anthologie. Mais elle ne choisit pas la facilité, un recueil comme "Béni soit le serpent"  le prouve. Si elle est juive avec eux, c'est pour aussitôt préciser qu'elle est palestinienne avec eux.  (page 126). Anise Koltz refuse le manichéisme qui va avec le choix partisan… Sa poésie est profondément dialectique  : "Je me purifie / je ne prie plus" ; ce sera le mot de la fin.


°°°°°°°°°°°°°°°°

Jacques DARRAS : "L'indiscipline de l'eau".


            Préfacée par Georges Guillain, "L'indiscipline de l'eau" est l'anthologie personnelle de Jacques Darras, un choix qui court de 1988 à 2012. Curieusement les œuvres du début  ne sont pas représentées dans ce choix. Je reste intrigué parce que c'est justement par ces recueils que j'avais découvert Jacques Darras, plus particulièrement par La Maye en 1981 (n° 16 de la revue In'Hui). Si Georges Guillain signale à juste titre la quantité étonnante de travail mené à bien par Darras (les recueils de poésie, les traductions, les essais, l'animation d'In'Hui), s'il s'acquitte consciencieusement de sa préface, il ne met pas suffisamment en lumière, me semble-t-il, l'originalité de Jacques Darras, ce qui reviendrait  à l'opposer à d'autres courants de la poésie contemporaine… Certes, on peut lire dans cette préface que Darras "ne participe pas du grand Chœur affligé des impuissances dites et redites, des mots, de l'art et de la parole"… Certes, un peu plus loin le lecteur saisira que Darras déteste les "actuels enfermements dans les parcs humains"… Mais il ne saura rien de l'engagement européen de Jacques Darras ou si peu, sauf qu'il lui est conseillé de (re)lire Qui parle européen ? Il ne saura rien de la différence entre la mondialisation à laquelle adhère Jacques Darras et l'internationalisme qu'on ne peut ainsi écarter d'un revers de main négligent… Sans doute, est-ce le genre préface qui fonctionne par ellipses et raccourcis…  Reste à lire attentivement Darras.

            Fort heureusement, ce fragment qui témoignerait d'une mentalité de boutiquier, "Nous diluons/distillons tant de réserves bancaires de paix laiteuse Nestlé/Nescafé soluble à doses homéopathiques quotidiens dans nos tasses à cafés faïencerie matinale suisse", est absent de L'indiscipline de l'eau qui ne reprend qu'un poème (amputé d'une partie) de Je sors enfin du Bois de la Gruerie 1. Il faut noter également que Jacques Darras ne respecte pas l'ordre chronologique : la Volatisation d'Édouard Darras au Bois de la Gruerie le 24 septembre 1914 vient très tôt dans cette anthologie… qu'il faut donc considérer comme un recueil à part entière.

            Les voies de la poésie sont multiples. Dans Nommer Namur, Jacques Darras procède par approches successives. C'est un manifeste en faveur de l'oralité, du rythme créé par les quasi-répétitions. Dans Les Gilles de Binche, je lis ce vers qui explique presque tout : "Il y a la délivrance de la répétition". La poésie de Jacques Darras est fondée sur cette dernière (ou la redite) qui crée le rythme de cette poésie torrentielle qui emporte tout sur son passage. L'indiscipline de l'eau est aussi un art poétique par les explications que donne Darras : "Il faut sortir du romantisme, proclamais-tu naguère. / J'en sors, j'en sors avec les chaussures Méphisto, la bonne pointure". Poésie réaliste ? ou discursive ? Si Jacques Darras se proclame whimanien, il prend aussi ses distances avec les USA, il se considère comme "nouvel immigré d'Europe"… Mais pas un mot sur les victimes des diktats de la bureaucratie européenne ! On est loin du rêve ! Il ne suffit pas de proclamer vouloir "amollir ameublir les imaginations" pour que la réalité prenne corps… On peut ne pas être d'accord avec les lendemains qui (dé)chantent de Jacques Darras, mais on ne peut éliminer d'un tranchant de main négligent ce qu'il écrit qui mérite une discussion serrée, pour peut-être, faire avancer les choses.. Cette poésie n'est pas ce vers quoi je vais spontanément par inclination naturelle (artificielle car je sais qu'elle est le résultat de mes lectures dues au plus grand des hasards). Et qu'on ne me réplique pas que je ne comprends rien à rien ; ma définition de (ce que j'aime dans) la poésie est consubstantielle à ce que je suis (devenu). Reste à souhaiter que la discussion durera tant que nous vivrons. Jacques Darras réunit des éléments hétéroclites pour en faire une matière première dont surgit le poème sous diverses thématiques (la mort du grand-père et le pacifisme, la Belgique, les peintres, la bière, les moules, l'eau…). Cela se fait au prix de l'adhésion à la construction européenne telle qu'elle se fait : c'est oublier les antagonismes nationaux revêtus par les contradictions du capitalisme mondial responsable(s) de la boucherie de 14-18, c'est oublier qu'un autre communisme était possible, c'est oublier la lutte idéologique, c'est, c'est… Mais c'est une autre histoire !

            Le préfacier a raison d'affirmer que Darras "sait qu'il est de quelque part". C'est pourquoi plus que d'une anthologie personnelle, L'indiscipline de l'eau est le livre où se disent les racines du poète en gommant soigneusement les polémiques inutiles, en raisonnant "par marchandage honnête, par intérêt comparatif bien compris", ce qui mérite discussion. La poésie de Jacques Darras est généreuse comme l'eau, elle s'étale sur la page. Le poète s'oppose au symbolisme et au surréalisme réduit à un freudo-lacanisme ou à une maladie vénérienne (page 78). La première partie de Je sors enfin du Bois de la Gruerie intitulée Mes remontrances aux fantômes André Breton et Louis Aragon était claire, outrancière et en même temps contre-productive.  Reste à lire attentivement cette anthologie personnelle…

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Zéno  BIANU  "Infiniment proche" et "Le désespoir n'existe pas".

        "Infiniment proche" a été publié en 2000 dans la collection  L'Arbalète (Gallimard). "Le désespoir n'existe pas" l'a été en 2010 chez Gallimard. Ces deux premières publications ont été revues et augmentées à l'occasion de leur sortie dans la collection de poche Poésie / Gallimard ; c'est sans doute l'édition définitive (?) de ces deux livres.

            "… tout a entretenu en Zéno Bianu les feux d'un idéalisme radical  qui associe la poésie à une exigence de vérité en acte…" écrit Alain Borer dans sa préface. Remarque qui a au moins le mérite de poser la question Que peut la poésie de Zéno Bianu ? Peut-elle  "encore sauver le monde  en modifiant les consciences ?" comme le rappelle le préfacier citant Jean-Pierre Siméon… Et ce n'est pas en appelant poéZie de Z la poésie de Zéno Bianu (un jeu initial comme dirait Borer !) que ce dernier répond à cette question. Mais il n'y répond pas plus quant il note que "L'énigme chez Bianu n'est pas le sens ni son absence, mais la parole ouverte vers cela que nous ignorons". Alors à quoi bon des poètes ? C'est que le poétique s'oppose au politique : le poétique rêve, le politique légifère ! Du moins dans nos sociétés et pour l'instant. La préface d'Alain Borer, bien que fort documentée, ne donne pas envie de lire Zéno Bianu ; reste donc à le lire…

            Les deux recueils ici réunis semblent emblématiques de ce que fut la modernité à une certaine époque. Mais n'ayant pas leurs versions originales sous les yeux, il m'est impossible de repérer avec certitude les ajouts. À moins que ce ne soit les paragraphes de prose en italiques ? Celui, liminaire, de Le désespoir n'existe pas, a le mérite de la clarté : "La poésie n'aurait-elle plus rien à nous dire ?  Ne serait-elle plus le lieu des interrogations humaines ? D'Infiniment proche au Désespoir n'existe pas, dix ans ont passé…" Les attributs de la modernité ? l'exaltation de l'ailleurs, la lecture du Grand Jeu, l'éclatement du poème en ses mots isolés sur la page (Virgules du vide), la captation du rien ("jusqu'à ce tremblement de vide / qui étreint l'horizon"), l'impermanence des choses, le jazz, la fascination devant la folie, l'absence, le vide… Les Neuf éclats de geste sont placés sous le signe de René Daumal : "On ne s'assied pas deux fois sur le même nuage". Ça peut se lire comme un écho à Héraclite qui affirmait que jamais deux fois dans le même fleuve on ne se baigne. Matérialisme, ce qui n'irait pas sans obscurité ? Ou remise sur ses pieds (ou mise à l'envers) du fragment d'Héraclite ? Le lecteur attentif remarquera encore plusieurs tics de la modernité : ainsi, cette justification par le milieu qui semble être l'expression formelle d'une pensée convenue (si Yves Klein est le (ré)inventeur du bleu, Malaval est celui du blanc !), ainsi cette pléthore de majuscules mises aux mots, ainsi ce "oui" qui est un vers (mais j'ai sans doute mal compris la démarche de Bianu), ainsi cette "colonne sans fin" ( p 160) qui est l'image du poème… Oui, "le monde peut  tourner autrement" ; mais comment ? Que faire alors ? Qu'écrire alors ? Car le poète se heurte à cette question fondamentale (peut-être est-elle sans réponse ?) : qu'écrire si l'on veut transformer le monde ? Le changement de vie venant après, pour le meilleur ou pour le pire. Le problème, c'est que c'est toujours pour le pire, du moins pour le plus grand nombre. Et que dire de la relativité de la poésie ou du jugement poétique ? Quand je lis que tel poète s'est "révélé comme l'une des voix les plus importantes de sa génération", j'ai envie de demander "pour qui ?"

            Au terme de ma lecture, j'avoue mon ignorance : la poésie peut-elle changer la vie ou transformer le monde ? Je ne sais que répondre à cette question. À lire Bianu attentivement, je me dis peut-être qu'elle peut y contribuer : car comment concilier l'idéalisme de la poésie dominante et l'horreur économique du monde ? Peut-on y voir un rapport de cause à effet ? Ce qui est sûr, c'est que Zéno Bianu prouve l'extrême plasticité de la langue en même temps que l'incapacité des mots à cerner parfaitement le mystère du monde et de la vie. Je n'ai pas la nostalgie des soviets partout ! J'ai la nostalgie de ce qui n'est pas, encore… Mais lisez plutôt Zéno Bianu...

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            50 ans de poésie ! Trois poètes contemporains, trois voix différentes, pour ne pas dire opposées. Ce qui tendrait à prouver l'ouverture de la collection Poésie / Gallimard…
« Modifié: 06 juin 2016 à 11:30:17 par Federico »
- Espérer, c'est avoir la force de sourire avec un cœur qui ne cesse de pleurer
- Qui pourrait me dire maintenant ce que je dois dire, écrire, croire, penser ou faire ? Personne ! je suis LIBRE !

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Re : Mon Petit Monastère... mon paradis blanc !
« Réponse #254 le: 06 juin 2016 à 22:17:16 »

Chaque jour davantage, je me rends compte des malheurs des uns et des autres ! de toutes ces difficiles et terribles épreuves, de toutes les vicissitudes de la vie que nous devons affrontées quotidiennement ! un jour ça va un peu mieux que l'autre mais c'est une longue bataille, une lutte acharnée qu'il nous faut mener contre la douleur ...pour nous et pour nos proches ! il vaut mieux ne pas trop y penser et faire de notre mieux...pas après pas...doucement, lentement mais sûrement ! ne rien lâcher, ne pas abandonner...prendre soin de soi ...être attentif, être à l'écoute...Ce ne sont pas que des paroles en l'air...

Alors OUI, je suis d'accord : "Soyons là pour les vivants. Soyons là pour nous mêmes."
Mais moi, je suis aussi là pour mes morts et je suis en permanence avec mon Raphi...je suis là pour lui !
C'est la "chance" de vivre ou "le privilège" de vivre pour certains et paradoxalement la triste réalité pour d'autres que de vivre et d'être encore en vie, c'est LA VIE qui veut tout ça ! rire et souffrir ! la contradiction, le paradoxe...

Depuis Raphaël, je déteste me plaindre ...je constate...oui, je souffre...mais "être en vie" c'est souffrir ou souffrir c'est "être en vie"...
 
Après, quand on a compris, qu'au moins à 75 % c'est "chiant" de vivre...et bien, on va de plus en plus voir les 25 autres pourcentages et on essaye de vivre le plus longtemps possible dans ce qui est "sympa" dans la vie et même parfois nous ne recherchons que le meilleur...
Bien souvent, avec le temps, le pourcentage de la partie "sympa" diminue très sérieusement avec les années...malheureusement, il y a la maladie, les décès, les séparations, les ruptures !

Pourtant, nous ne sommes pas "cons" et nous savons tous ce que nous apprécions personnellement, ce que nous aimons vraiment ...donc à nous de voir, de faire les efforts et d' aller le plus souvent possible dans ce qui nous apporte justement de la joie de vivre...

Malgré l'amère constatation "d'être en vie" et surtout  "savoir que c'est comme ça"..."ça" vaut le coup les jeunes et les moins jeunes de tenter le coup de la vie !

La vie ...nous fait chier tous les jours ! d'accord, c'est quand même incroyable et injuste !
Eh bien, moi je suis partant pour "profiter de la vie"...

 Mais on aime "ça" ..."être en vie !"...n'est ce pas ?

 Je vous souhaite à tous une bonne semaine..."sympa".

 Amitiés.
 Federico
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