Ladyhawk

Moi ce qui m'a fait le plus mal ce n'est pas une phrase assassine, ce n'est pas une phrase maladroite, ce n'est pas une phrase à la con. C'est un silence...
Quand Noémie est décédée, j'ai voulu écrire à nos anciens voisins. Ça faisait un an qu'on avait déménagé (pas très loin, à 20 minutes en voiture) et ces voisins là, c'étaient les seuls avec qui nous avions gardé le contact. On a vécu plusieurs années les uns à côté des autres, comme j'étais en congé parental à la naissance de Noémie, ma voisine (en congé parental elle aussi) me la gardait quand j'avais des RV, pareil pour moi je gardais aussi ses enfants ou les amenais à l'école quand elle en avait besoin. On allait chez les uns, chez les autres, on parlait beaucoup, ils étaient très "psychologues" (on avait quelques difficultés avec notre aîné qui était un petit garçon assez difficile à gérer), ils étaient tous les deux infirmiers, lui carrément musicologue, il s'occupait à soigner les enfants avec de la musique à l'hôpital... D'ailleurs quand j'ai accouché de Noémie, c'est eux qui se sont occupés de Yoan. Bref, c'est un couple avec qui nous partagions beaucoup de moments.
Quand Noémie est morte, je ne pouvais pas ne pas le leur dire. Comme pour tous nos amis ou les membres de nos familles, il m'était inconcevable de leur cacher la vérité. Alors je leur ai écrit une lettre, avec une photo de ma fille. Je leur ai expliqué ce qu'il venait d'arriver. Et je leur ai dit que je savais qu'ils l'aimaient et que c'était la raison première pour laquelle je leur envoyais cette lettre.
Ils ne m'ont jamais répondu...
Comme si Noémie n'avait jamais existé.
Et c'est ce qui m'a fait le plus de mal, bien pire qu'une phrase maladroite ou mal intentionnée. La gommer ainsi m'a été insupportable.
Un an après je suis tombée par hasard sur elle, lors d'une compétition de judo de Yoan, son fils en faisait lui aussi. Elle m'a prise dans ses bras, a pleuré, m'a dit qu'elle s'excusait mais qu'elle avait des problèmes quand elle avait reçu ma lettre et qu'elle n'était pas en mesure de me répondre. Sur le coup ça m'a fait du bien, je lui ai pardonné. Mais finalement le mal était fait.
Je ne lui demandais pas de me faire une lettre de trois pages, même juste une carte "bateau" de deuil avec juste leur prénoms m'aurait fait du bien. J'ai des gens de mon village qui m'étaient inconnus qui m'ont écrit, même le conseil municipal m'a envoyé un petit mot alors que ma fille n'était pas encore scolarisée! Mais eux, eux qui l'avaient vécue, eux qui l'avaient aimée, ils ont préféré la rayer complètement de leur vie. Je ne comprendrais jamais pourquoi ils ont agi ainsi. Eux qui soit disant étaient si versés sur la "psychologie"...
