Karine,
Tu as raison, souvent nous sommes blessés par ce que peuvent dire les autres, même s'ils ne pensent pas à mal. Il est extrêmement difficile de trouver les mots justes - et bien souvent, justement, il n'y a pas de mots, et en entendre suffit à nous blesser. Ceux qui n'ont pas perdu leur conjoint ou un parent ne peuvent en aucun cas comprendre cette immense douleur qui est la tienne. Ils ne peuvent que tenter de l'imaginer, et ça leur restera très théorique. Ce qui explique qu'ils soient souvent maladroits dans leurs paroles. Et dans les premiers mois, nous sommes tellement à fleur de peau que la moindre réflexion - "tiens, qu'est ce que tu as prévu pour Noel?" nous parait déplacée et nous heurte de plein fouet.
Ils ne savent pas, c'est leur seule excuse, mais elle est de taille, et elle me suffit souvent à pardonner ces paroles maladroites. Ils ne savent pas, et c'est tant mieux pour eux. Souvent aussi, en leur parlant, je me rends compte qu'ils essayent de faire de leur mieux. Ce n'est pas toujours réussi, ça tombe parfois à côté, mais ils font souvent de leur mieux, eux qui se trouvent démunis face à notre peine dont rien ne peut nous consoler, et face à leurs propres angoisses. Yohann a raison, tu ne dois pas avoir peur de leur dire ce qui peut t'aider, les paroles que tu ne veux pas entendre, les attitudes que tu aimerais qu'ils aient à ton égard.
Tu le dis aussi très justement, il peut être dur de lire ou d'entendre que "tu t'en sortiras", que "le temps fera son oeuvre", à un moment ou tu as l'impression que non, tu ne t'en sortiras pas, que le temps n'apaisera jamais cette douleur. Je me souviens très bien que pendant plusieurs mois après la mort de mon mari, ces paroles "aidantes", sur ce forum ou ailleurs, ne m'étaient en fait d'aucune aide: je pensais que certaines personnes arrivaient à s'en sortir, et j'en étais contente pour elles, mais je me disais que ce n'était pas mon cas, que jamais je ne pourrai faire face à ça. Et ça m'exaspérait souvent de les lire, pour cette raison, elles ne me concernaient pas vraiment, elles ne s'appliquaient pas à moi.
Je crois que dans les premiers temps, même si on lit ou entend ce genre de paroles qui se veulent encourageantes et apaisantes, nous ne sommes pas à même de les comprendre, elles nous paraissent vaines. Ce n'est qu'après plusieurs mois de deuil que j'ai réalisé qu'elles contenaient un fond de vérité - même pour moi. Chacun va à son rythme, et le deuil est une expérience très intime - chaque amour est unique et précieux, et chaque deuil est unique également. Même si chacun ici a aimé, et sait ce qu'est la déchirure de perdre son conjoint, ou un parent, personne ne connait cet amour que toi, tu as vécu avec ton parent, qui vous était propre, unique, personne d'autre ne l'a vécu de la même façon, et ta perte est unique, même si tous sur ce forum, nous pouvons la comprendre.
Je t'embrasse,
Melusine