Auteur Sujet: Le décès d'un beau-parent  (Lu 4166 fois)

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Hors ligne RachelG

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  • Le forum d'entraide durant un deuil
Le décès d'un beau-parent
« le: 18 février 2022 à 19:01:26 »
Bonjour à tous,
Je m'appelle Rachel, j'ai 25 ans et j'ai perdu mon beau-père (le papa de mon conjoint) en avril dernier. Je vis très mal sa disparition car elle a été très brutale, il avait un cancer des poumons non diagnostiqué qui avait fini par se généraliser. Bien que je ne comprenne toujours pas pourquoi, l'oncologue qui s'occupait de lui m'en a parlé à moi en premier. Je ne suis pourtant pas membre de la famille (au niveau juridique et légal) et c'est donc moi qui a dû annoncer la nouvelle à mon conjoint, ainsi qu'à mes beaux-frères. Concernant ma belle-mère je me suis contenté de la préparer puisqu'un rendez-vous avec le médecin était prévu pour qu'il lui annonce lui-même. En plus d'encaisser le choc il a fallu que j'encaisse le fait que l'on remette ma parole en doute "t'es sûre que tu as bien compris ? Il t'as clairement dit qu'il allait mourir ? "etc ... J'avais un lien très fort avec mon beau-père, je me suis occupé de lui pendant plusieurs mois (il avait fait un avc et un traumatisme crânien à quelques mois d'intervalle bien avant que je rencontre mon conjoint, qui lui ont laissé de lourdes séquelles neurologiques, il s'était réfugié dans l'alcool et les anti dépresseurs, c'était un ado en pleine crise en gros), il était incapable de rester seul mais avec moi il avait arrêté de boire, il faisait attention à sa consommation de tabac et en cinq ans c'est la première fois que je comprenais toutes ses phrases quand il parlait. Cette période nous a définitivement rapprochés et dès qu'il y avait un problème il se tournait vers moi, ce qui est le cas des autres membres de la famille aussi puisque j'étais la seule qu'il écoutait, j'étais devenue sa maman en quelques sortes. Je savais que quelque chose n'allait pas, il maigrissait de plus en plus, mangeait de moins en moins, était souvent malade, il s'étouffait beaucoup , dormait beaucoup et avait le teint gris. J'ai tenté plusieurs fois de solliciter son médecin qui n'en avait rien à faire, sa femme et ses enfants qui avaient baissé les bras depuis des années ... J'étais seule, horriblement seule face à la déchéance de mon beau-père ... Et j'ai fini par baisser les bras. N'ayant le soutien de personne j'ai fini par craquer et je l'ai abandonné lâchement. Je ne peux pas m'empêcher de me dire que si je n'avais pas été si faible peut-être que les médecins auraient pu lui faire gagner quelques semaines de vie, même si j'ai bien conscience que cela n'aurait pas été une bonne chose pour lui ... Il s'est passé dix jours entre le moment où ils ont détectés le cancer et le moment où il est décédé, il n'a pas eu le temps de véritablement souffrir si j'ose dire ... Je suis allé à l'hôpital tous les jours, même si je savais que je n'avais pas le droit de le voir sois-disant. Jusqu'au jour où on m'a emmené dans sa chambre. Il était si heureux de me voir, j'en étais très touchée ! Je dois dire que moi-même j'étais très heureuse de le revoir. C'est ce jour-là que le médecin m'a parlé. D'après ce que j'ai compris c'est mon beau-père qui souhaitait voir personne donc ils ont raconté que les visites étaient interdites mais quand il a su que je venais tous les jours, il a demandé pourquoi il ne m'avait pas encore vu alors. Apparemment il a parlé de moi au médecin et aux infirmières et c'est pour cela que le médecin m'a annoncé la nouvelle en premier "il semble beaucoup vous aimer et il nous a dit qu'il avait confiance en vous, que vous êtes très gentille avec lui". Quand il a entamé la conversation comme ça, j'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Il m'a parlé d'une masse à un poumon, j'ai demandé combien de temps il lui restait, il m'a regardé gêné et j'ai demandé en pleurant si je devais préparer la famille et il m'a répondu "oui, le plus tôt sera le mieux". Voilà ... J'ai continué à aller le voir, il me confiait qu'il avait mal, qu'il avait peur, il lui est même arrivé de pleurer devant moi, mais pas devant sa femme et ses enfants, jamais. Et puis le jour de mon anniversaire mon conjoint m'appelle alors que je travaillais pour me dire que l'hôpital a appelé, nous devons tous y aller l'après-midi. Je savais ce que ça voulait, on le savait tous, et pourtant on a tous fait comme si de rien n'était. On est arrivé à sept dans sa petite chambre d'hôpital, il était surpris mais très content. Nous avons passé l'après-midi à essayer de le faire rire, à ronchonner pour qu'il accepte de manger et à lui raconter nos journées de la semaine qui était passée. Quand nous étions sur le point de repartir, je l'ai bordé avec ma belle-mère et son regard a soudainement transpercé le mien, vraiment, pour me dire "merci pour ce que tu as fait pour moi, adieu". Ces mots-là ont résonnés dans ma tête quand nos regards se sont croisés, c'était clair comme de l'eau de roche, il était en train de me dire au revoir. C'est ce soir-là que j'ai entamé mon travail de deuil je pense. J'ai pleuré sans savoir m'arrêter, j'étais en colère, mais tellement en colère ! Contre moi, contre lui, contre sa femme, contre mon conjoint, contre les médecins. Je ne comprenais pas pourquoi tout ça était en train  de se passer, et pourquoi le jour de mon anniversaire ?! Je n'ai pas dormi de la nuit, attendant un appel pour nous dire que c'était fini, mais rien. Ouf. Je propose à mon conjoint de m'accompagner voir son père mais il a refusé "je lui ai dit au revoir hier, je ne peux plus y retourner". Ma belle-mère m'appelle peu de temps avant de partir, elle était très contente car il a passé la nuit à manger, au petit-déjeuner il a bu son café et mangé quatre tartines et au midi il avait fini tout son repas et en réclamait encore. Elle était heureuse alors que moi je me suis mise à pleurer, je savais que c'était la lune de miel, le regain, le corps qui prend des forces pour partir .... En arrivant là-bas, j'étais surprise de le voir aussi en forme. J'essayais de ne pas me monter la tête et quand je lui ai passé de la pommade sur le front (la morphine lui donnait de terribles démangeaisons), mon sang s'est glacé. Il était froid, très froid alors qu'il disait avoir très chaud. J'ai compris qu'il était déjà en train de mourir.
J'aurai aimé me trompé mais il est décédé quelques heures plus tard dans la nuit. Ce jour-là, la tristesse, la douleur indéfinissable et le soulagement, je dois bien l'avouer, se sont mêlés bizarrement en moi. Nous sommes allés le voir à l'hôpital, c'est moi qui a conduit. J'avais l'impression d'emmener mon conjoint, ma belle-mère et ma belle-soeur à l'abattoir. C'est moi qui ai récupéré cet horrible sac poubelle vert avec toutes ses affaires puisque les trois autres en étaient incapables. On nous a ensuite conduit à lui. Il était beau et apaisé. Il avait un petit sourire, il paraît que c'est normal, mais nous avons préféré voir cela comme un vrai signe de soulagement, comme si il savait qu'il allait enfin être libéré.
Je m'arrête ici car ça fait long et la suite a été aussi très difficile, je n'ai pas le courage de continuer pour l'instant ... J'avais besoin d'en parler à un endroit où des gens qui ne le connaissent pas et ne me connaisse pas non plus puisse me lire et peut-être que cette histoire parlera à d'autres personnes ... Merci de m'avoir lu jusqu'ici. J'espère que de là-haut mon beau-père ne m'en voudra pas d'avoir dévoiler quelques bribes de ses derniers moments ...

PS : j'ai aussi décidé de parler sur un forum car on ne parle pas beaucoup de la souffrance des beaux-enfants dans ces situations-là, mon conjoint par exemple ne comprend toujours pas pourquoi je suis aussi touchée par la mort de son père, même après presqu'un an

Hors ligne qiguan

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Re : Le décès d'un beau-parent
« Réponse #1 le: 18 février 2022 à 22:29:51 »
Tu as bien fait de venir écrire
je vais te parler de moi
par choix je me suis mariée à 18 ans, à 19 ans un ami  d'enfance est décédé d'une leucémie, quelques mois après, mon père débutait son cancer, quelques mois en suivant alors que j'étais enceinte ma meilleure amie est décédée dans un accident ...
Ma fille est née et 16 mois après mon papa décédait, mon mari était avec de gros ennuis de santé ... ma maman a plongé en vraie dépression ... est venu vivre sous notre toit
et 3 ans après mon beau père décédait d'un cancer (il en avait eu 7 déjà ...)
et là comme à toi le médical s'est adressé à moi/moment de fin de vie en clinique ...
et comme toi j'ai dû annoncer ... à mon conjoint, ma belle mère, mon beau frère ...
mon époux était avec son papa aux dernières minutes ... et c'est moi qui suis allée chercher ma belle mère pour l'amener auprès de la dépouille ...
je portais le poids de tous mes deuils, celui des soucis de mon conjoint en mauvaise santé, de ma mère qui avait un deuil pathologique avec vraie dépression ... et j'ai dû assumer ...

Oui pouvoir en parler sur un forum m’aurait fait du bien et je suis contente que tu puisses le faire !

Hélas pour moi j'ai eu d'autres périodes de deuils cumulés dont la dernière :
ma meilleure amie du quotidien (accident de voiture), les aggravations de santé pour mon conjoint, et ...
il va y avoir 8 ans son décès, 16 mois après ma maman décès brutal ...

regardes ceci
https://youtu.be/Ljq4_GZM3EI
https://youtu.be/aIuL7GTSnXM
achète son livre
pour comprendre les processus
c'est le type de relation de qualité que tu avais avec cet homme qui explique ton état dans ce deuil
fouilles
https://lamortsionenparlait.okast.tv/
http://forumdeuil.comemo.org/livre-video-deuil-mort/france-culture-9-emissions-a-ecouter/msg122406/#msg122406
https://www.franceinter.fr/emissions/l-ete-comme-jamais/l-ete-comme-jamais-15-juillet-2020

fonction de la culpabilité Dr Fauré
http://forumdeuil.comemo.org/vivre-le-deuil/la-fonction-de-la-culpabilite-dans-le-deuil/msg59235/#msg59235

et écris ici
tu seras lue même si peu de personnes te répondent
écrire t'aidera

bien à toi et douces pensées de compassion
"il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé" A. Einstein
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque" René Char