Très chère Melody,
J'ai lu ton message dès que tu l'as posté mais je n'ai pas été capable de te répondre immédiatement, tant ce que tu as écrit m'a bouleversée.
J'ai l'impression de relire mon histoire quand tu écris.
Je suis issue d'une famille qui n'a jamais eu beaucoup de moyens, mais entourée d'affection et d'amour. Ma Mamie vivait avec nous et c'est elle qui m'a élevée, qui s'est toujours occupée de moi depuis que je suis née.
Elle est morte en 2003, dans des circonstances très difficiles, seule, à l'hôpital et sans nous...j'étais la dernière à la voir en bonne forme, debout sur ses jambes et plein de projets dans sa tête. La dernière fois que je l'ai vue, elle était en soins intensifs, plein de bruits et des tuyaux qui lui sortaient de partout, avec des droits de visite limités (une personne à la fois et pas plus d'une demi-heure) ; elle était dans le coma, avec plein d'appareil aux bruits horribles... je lui ai pris la main, je lui ai parlé et pour la première fois de ma vie je lui ai dit que je l'aimais ; c'est à ce moment là qu'elle s'est réveillée, prenant conscience de la gravité de sa situation, le regard affolé... je n'oublierai jamais cela ! Quand elle est morte quelques jours après, je me suis réellement sentie orpheline... je réalise aujourd'hui que je n'avais pas encore conscience de ce que cela voulait dire.
Quelques années après mon papa n'a pas fait un AVC, mais un infarctus grave ; il ne s'est jamais complètement rétabli, mais il avait appris, et nous aussi, à vivre avec son pace maker et son défibrillateur intégré.
Et puis en janvier dernier c'est l'hospitalisation en urgence, il était traité depuis plusieurs semaines pour une infection urinaire... sauf que c'était une tumeur à la vessie. Cette tumeur non décelée, par négligence du corps médical, a causé de gros dégâts aux reins. Il est rentré pour récupérer avant l'opération pour retirer cette tumeur, et le reste... Et après il n'a jamais récupéré. On ne lui a même pas fait de traitement de chimio ou radiothérapie parce qu'il ne les aurait pas supporté. En août le verdict est tombé : tâches aux poumons et retour d'une grosse tumeur à l'endroit de la vessie. Les soins palliatifs ont été proposés et il a pu rentrer. La dernière fois que je l'ai vu je ne l'ai pas reconnu, cela faisait 10 jours et il avait tellement changé...J'étais avec lui quand il est mort, et avec maman, nous lui avons tenu les mains jusqu'au bout. Depuis je ne peux me défaire de ces derniers instants, et surtout de son visage tellement ravagé par la douleur.
On ne ressort pas indemne de cela. Aujourd'hui c'est le premier anniversaire de mon papa que nous ne pouvons pas fêter avec lui. Un premier d'une longue série...J'ai envoyé des fleurs à maman et nous avons pleuré au téléphone.
Mais la vie continue envers et contre tout, tu as bien des années devant toi, des choses à construire...
Ta peine est normale, elle ne s'effacera jamais mais ton papa aurait voulu que tu sois heureuse, alors pour lui il faut rester forte.
Pleure sans t'arrêter si tu en as besoin ; et puis un jour, ne serait-ce qu'un instant, tu remarquera la chaleur du soleil, la beauté des pétales d'une fleur, tu aura l'envie de sortir et de te faire plaisir. Saisis tous ces instant, je t'assure qu'ils arriveront, même si les larmes sont aujourd'hui celles qui prennent le dessus.
Toutes mes pensées les plus douces t'accompagnent.
Karine