je vous livre ici la teneur de ce que j'ai écrit aujourd'hui. ça m'aide et donc, peut-être que ça peut aussi vous aider
38ème JOUR – remettre les pièces du puzzle en place
Depuis quelques jours, suite à la parole d’une femme, j’ai commencé un travail de compréhension de notre vie, de ces 28 années. Il y a des choses qui nous appartiennent, qui m’appartiennent, et d’autres, qui lui appartiennent. Son passé, ses souffrances, sa façon d’essayer de gérer ces blessures, de répondre à ce qu’il aurait voulu être par rapport à ce qu’il pouvait être, même si ça a interféré dans notre vie, parfois encore aujourd’hui, tout cela ne doit plus me blesser, car ça n’était pas dirigé contre moi, pas même par rapport à moi : il essayait de se débattre avec son passé ; ça lui appartient, ça ne m’appartient pas.
Ça n’a l’air de rien, mais ça change beaucoup de choses. En fait, si j’avais été capable de faire ce travail de différenciation entre sa vie, son chemin, et notre vie, notre chemin, beaucoup de souffrances auraient été épargnées. Alors, bien sûr, ça vient d’un choix qui lui était propre : tous les deux, nous avons grandi dans des familles qui ne nous ont pas aimés, voire même où il y a eu de la violence, surtout lui en fait, violence physique, violence psychologique pour lui. Puis, l’un comme l’autre, nous avons souffert du défaut d’amour réel dans nos couples précédents. Par contre, lui a choisi de refuser de souffrir à nouveau, et pour cela, il s’est construit des murailles immenses, des fossés profonds autour de lui. Il disait toujours : « Entre les autres et moi, il y a toujours un fossé, comme ça, s’ils veulent me faire du mal, je peux me plonger dans le fossé et ne rien subir. » Pour moi, il avait construit un pont-levis. Il me laissait l’approcher vraiment. Mais même ainsi, on pouvait sentir parfois les murailles qui restaient là, autour de nous, et m’asphyxiaient alors ; de mon côté, j’avais fait le choix exactement inverse : j’avais décidé que ceux qui m’avaient fait du mal n’auraient pas la possibilité de me changer, de me faire renoncer à mes rêves, à mes illusions choisies, à mes croyances, à rien de ce que j’étais fondamentalement. Dès lors, moi, je me suis toujours promenée dans la vie sans armures, sans protections. Jean-Claude n’a cessé pendant ces 28 ans de me dire de me protéger, de ne pas faire si facilement confiance, de ne pas me livrer si facilement, de mettre des barrières entre les autres et moi… je n’ai jamais su : je n’arriverais pas à vivre de cette façon. Il s’inquiétait toujours pour moi à cause de cela. Mais en cas de besoin, et bien, il était là, tout simplement, me tendant ses bras où je m’abritais et où plus rien ne pouvait m’atteindre.
Ces murailles qu’il avait construites, son passé si douloureux pour lui, ces blessures, tout cela et tant d’autres choses qui en découlent, tout cela me concernait lorsqu’il était là, car notre union faisait que ce qui le concernait me concernait ; sa vie était ma vie. Mais aujourd’hui, lui est auprès du Seigneur, il est en paix avec toutes ces choses, tous ces gens ; ces blessures n’existent plus pour lui, elles ne doivent donc plus m’atteindre, même si ces gens sont toujours là, avec leurs colères, leurs blessures, leurs croyances, … tout cela ne me concerne plus puisque ça ne le touche plus. Je revois son sourire épanoui le soir de son départ, je revois même son sourire à son départ qui était son sourire avant de partir lorsque nous étions ensemble. Je sais qu’il est heureux. Il m’a dit de ne pas m’inquiéter pour lui, et c’est ce que je dois faire pleinement : je ne dois pas garder ses souffrances de son passé puisqu’il n’a plus ces chaines aujourd’hui. Plus de luttes pour gérer son passé, plus de frictions entre son passé et son présent. Aujourd’hui, il est dans l’éternité. Mon cœur est avec lui, dans l’éternité déjà aussi. Alors, il n’est plus temps de souffrir pour du passé qui n’est plus ; l’heure est au pardon pour tout et tous. Je ne veux pas m’encombrer ce qui n’est pas mien et qui, en plus, veut me faire du mal. Jean-Claude avait voulu me préserver de ces gens ; je me range de son côté, sans plus essayer de corriger quoi que ce soit. J’ai tendu la main ; elle m’a été retournée sur le visage. Peu importe : je ne me laisserai pas toucher ni encombrer de sentiments négatifs. Je ne veux être que l’amour que j’ai ressenti pour l’homme de ma vie. Je veux le laisser me guider par celui qui a accepté de me suivre : aujourd’hui, c’est à moi de le suivre dans un monde uniquement fait d’amour. Tout le reste n’est pas mien.
Il me remerciait sans cesse de lui avoir montré le chemin vers Jésus et Marie ; il me remerciait de l’amour que je lui portais et dont il se sentait indigne ; il me remerciait aussi de lui avoir fait découvrir un monde d’amour auquel il n’osait croire ; il me remerciait de tant de choses et ça me mettait toujours mal à l’aise car ça me semblait tout simplement naturel et évident. Je suis heureuse aujourd’hui, sachant justement que l’heure était arrivée, qu’il ait pu découvrir tout cela avant de partir, et qu’il puisse ainsi se réjouir déjà par avance de ce qu’il allait vivre pour son éternité. Je suis profondément heureuse de tout ce bonheur que nous avons vécu, de tout cet amour que nous avons pu nous apporter et qui nous a construits, l’un comme l’autre. Combien de fois n’ai-je remercié le Seigneur de nous avoir permis de nous rencontrer, de nous aimer et de nous avoir confiés l’un à l’autre. Chacun de nous a pu grandir en amour, dans le don de soi, dans le partage, dans la confiance en l’autre et en Dieu. Nous avons été essentiels l’un pour l’autre et je ne dois aujourd’hui retenir que ce qu’il m’a appris de moi. Son amour m’a fait grandir et je veux continuer sur le chemin qu’il m’a montré, un chemin sur lequel je dois apprendre à me faire confiance, à être plus sûre de moi, à aller davantage vers les autres sans craindre d’être blessée. Ce sont des choses qui doivent me guider pour la suite de mon chemin, en attendant que nous nous retrouvions.
Lorsqu’il est parti, nous nous apprêtions à ouvrir un nouveau chapitre de notre vie de couple. Nous pensions que nous pourrions nous centrer un peu plus sur nous : faire des randonnées, avoir un terrain et vivre plus librement, avoir plus de temps encore pour nous aimer puisque nos enfants prenaient leur envol,… nous nous étions trompés sur le chemin qui nous attendait, pas sur le fait que nous allions ouvrir un nouveau chapitre de notre vie de couple : aujourd’hui, je dois réinventer avec lui un nouveau mode de communion, une autre façon de fonctionner ensemble. Je l’aimerai toute ma vie et, puisqu’il n’y a que l’amour qui survit dans l’éternité, alors, je sais que lui aussi m’aimera toujours. J’espère que je saurai rayonner de cet amour qui nous lie, quelle que soit la suite de ma vie ici-bas.