FORUM "LES MOTS DU DEUIL"

Comprendre et vivre son deuil => Discussions Générales => Discussion démarrée par: qiguan le 11 avril 2018 à 22:50:47

Titre: Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 11 avril 2018 à 22:50:47
Viviane Lambert s'oppose à l'arrêt de la nutrition et de l'hydratation artificielles de son fils handicapé, décidé par le CHU de Reims. Dans une tribune au Figaro, elle en appelle directement à Emmanuel Macron.

Mon fils a été condamné à mort. Il s'appelle Vincent Lambert, il est père d'une petite fille, il vit, et n'a commis aucun crime. Et pourtant, ce lundi 9 avril 2018, en France, un médecin m'a annoncé que dans dix jours commencerait la lente et longue agonie de mon enfant, qui va mourir de faim et de soif.

Ce même lundi, vous étiez au Collège des Bernardins, à Paris, pour parler du handicap et de la vulnérabilité. Vous avez évoqué l'exigence de l'effectivité. Et vous vous êtes engagé personnellement, avec ces mots: «Je pense, pour ma part, que nous pouvons construire une politique effective, une politique qui échappe au cynisme ordinaire pour graver dans le réel ce qui doit être le premier devoir du politique, je veux dire la dignité de l'homme.»

Permettez-moi de vous prendre au mot, Monsieur le Président: mon fils n'a pas mérité d'être affamé et déshydraté. Qui oserait, à cet égard, parler de «mourir dans la dignité»? Pourquoi lui infliger cette peine? Quelle faute Vincent a-t-il commise?

Permettez-moi, pour que vous puissiez en juger, de vous le présenter, et de vous rappeler son état.

Vincent est un homme de 42 ans, en situation de grand handicap. À la suite d'un accident de voiture, il est en état pauci-relationnel. C'est un état de conscience minimale qui l'empêche de communiquer verbalement. Mais c'est tout! Vincent n'est pas dans le coma, il n'est pas malade, il n'est pas branché. Ce n'est pas une machine qui maintient mon fils en vie. Il respire sans assistance. Il se réveille le matin, et s'endort le soir. Quand nous, ses parents, sommes avec lui, il a des réactions. Il nous suit du regard, parfois intensément, également avec son frère David qui est très proche de lui. Il a eu en notre présence plusieurs vocalisations dont une que nous avons filmée et qui a impressionné les médecins spécialistes à qui nous l'avons soumise et qui affirment qu'il n'est pas en état végétatif.

Alors qu'il avait perdu le réflexe de déglutition, il l'a retrouvé. J'ai pu lui donner à manger de la nourriture qu'il a déglutie sans aucune difficulté. Nous avons soumis ce film également à ces dizaines de spécialistes qui, tous, ont affirmé qu'il devait être rééduqué à remanger par la bouche. Mais il faut le faire selon des protocoles spécialisés, avec une équipe pluridisciplinaire, dans une unité spécialisée, dans le cadre d'un projet de vie en lien avec sa famille.

Au lieu de cela, il n'y a plus pour lui qu'un projet de mort. Et un médecin, à Reims, sans tenir aucun compte de tous ces avis spécialisés, a décidé d'arrêter son alimentation et son hydratation donnée par sonde, sans lui permettre d'être pris en charge ailleurs pour être rééduqué et stimulé.

Vincent est handicapé mais il est vivant.

Bien évidemment, sa situation est dramatique. Je suis sa mère: vous pouvez imaginer comme j'en suis meurtrie et la souffrance quotidienne qu'il me faut porter. Est-ce pour cela qu'il faudrait l'éliminer? Ma famille, dans cette épreuve, s'est divisée* et cela ajoute à ma douleur.

Comme les 1700 personnes porteuses du même handicap que lui, Vincent aurait donc dû être placé dans un service spécialisé pour personnes cérébrolésées. Mais il a été mis en soins palliatifs, sans traitements adaptés, sans le service de kinésithérapie qui lui permettrait de faire les progrès permis par son état. Plusieurs établissements qui accueillent des personnes victimes de graves accidents de la route sont prêts à l'accueillir, et le voilà retenu dans le centre de soins palliatifs d'un hôpital incompétent pour une telle prise en charge.

Pourquoi cet acharnement contre mon fils? Et est-ce que ces 1700 personnes handicapées en état pauci-relationnel vont aussi être condamnées à mort?

Monsieur le Président, il y a quelques années, le 29 avril 2013, au chevet de mon fils, je l'ai vu mourir. J'ai vu qu'il mourait alors que son handicap n'est pas mortel. J'ai été foudroyée: je me suis aperçue que depuis vingt jours Vincent n'avait rien mangé, parce qu'on avait coupé son alimentation sans rien nous dire et qu'il était desséché parce qu'on avait décidé de réduire son hydratation. Vincent me regardait ; et il pleurait. Des larmes coulaient le long de ses joues. À ce moment-là, mon fils souffrait. Non de sa maladie, mais parce qu'on l'avait abandonné. Et condamné. Il m'a fallu encore onze jours pour réussir à ce que l'on remette la sonde gastrique de Vincent afin de l'aider à manger et à boire.

    «S'il faut qu'il meure, ce n'est pas pour sa dignité : c'est par volonté euthanasique. Vincent va être sacrifié pour faire un exemple»
    Viviane Lambert

Était-ce digne? Était-ce médical? Je ne le crois pas. Mais par-dessus tout, je ne comprends pas quelle loi, quelle volonté politique pourrait vouloir et justifier que l'on condamne à mort un individu parce que l'on refuse de le soigner.

L'état de Vincent, tenace bien qu'il soit immobilisé depuis 2008, toujours en vie bien qu'on l'ait affamé pendant un mois, témoigne de sa réelle volonté de vivre. Les vingt-cinq spécialistes que nous avons consultés l'ont affirmé par écrit: le fait qu'il ait survécu 31 jours sans alimentation et avec une hydratation réduite est incompatible avec une prétendue volonté de mourir.

Et pourtant, ce lundi 9 avril, un médecin a, de nouveau, décidé la mort de mon fils, pour la quatrième fois. Même ce médecin écrit que la volonté de Vincent Lambert est incertaine. Alors, dans le doute de sa volonté, il doit mourir? On vous dira que c'est une décision médicale pour refus d'acharnement thérapeutique. Mais c'est faux. Vincent n'est pas en fin de vie. Il n'est pas malade. Il ne souffre pas. Lors de la procédure collégiale, vingt-quatre spécialistes ont adressé un courrier à l'hôpital de Reims pour indiquer que Vincent Lambert n'est pas en situation d'obstination déraisonnable. S'il faut qu'il meure, ce n'est pas pour sa dignité: c'est par volonté euthanasique. Vincent va être sacrifié pour faire un exemple. Mon fils doit être un cas d'école.

Monsieur le Président, je vous demande de me recevoir en urgence, accompagnée des médecins spécialisés qui connaissent Vincent pour l'avoir vu et qui pourront vous expliquer son état de santé réel.

* NDLR: les parents de Vincent Lambert, soutenus par une sœur et un frère de leur fils, s'opposent à l'arrêt des «traitements». En revanche, l'épouse et tutrice légale depuis 2016 de Vincent Lambert, ainsi que six de ses frères et sœurs, approuvent la décision du CHU de Reims.
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: Alexandria le 11 avril 2018 à 23:36:47
Bonjour Giguan,

 C'est encore autre chose, mais qui se rejoint...
Pour ma mère, atteinte d'un cancer, lorsque le médecin m'a appelé pour me dire qu'elle venait de s'éteindre,
je n'ai pas vraiment su...comment...arrêt cérébrale, arrêt cardiaque...que s'est-il passé..?
Je n'ai d'ailleurs pas poser la question ...
J'avais tout de même rappelé l'hôpital après, mais je n'ai pas eu d'éléments supplémentaires, un peu de temps avait passé...et l'infirmière ne se rappelait pas plus que ça..
Je me demande si c'est bien normal depuis le début je me pose cette question...? L'ont-ils "arrêté" ?
Ou encore, est-ce que son compagnon, pacsé, aurait pu en prendre la décision s'en m'en avertir ?
...ça , je ne pense pas, apparemment, ce n'est pas possible...
Mais pour le reste... ? Est-ce normal ? Le médecin m'avait dit, on verra comment-elle est après le weekend...
Je passerai la voir...Moi, Je l'ai quitté la veille..., elle commençait à remonter tout doucement...??
Et elle est parti lundi matin...Pourquoi ne m'a t-on rien dit de plus, est-ce normal tout ça..?

Je posséderai bientôt les copies du dossier médical de ma p'tite maman, je pourrais peut-être trouver la réponse à ces doutes à l'intérieur...?

Merci...
Courage à tous...

...Et beaucoup de courage pour Mme Viviane Lambert...
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: nathT le 12 avril 2018 à 09:49:03
Bonjour Quigan,

Toutes les mamans et les papas en deuil sur ce forum comprennent l'immense douleur de La maman de Vincent .

Mais qui peut accepter la mort de son enfant ?

Mais qui peut lui dire ce qu'elle doit faire ?

Mais Vincent !

Alors au risque de choquer  peut-être faut-il comprendre dans cette épouvantable histoire que toute la famille souffre
Sa femme ! Sa fille !Ses frêres et soeurs, cousins,cousines,  neveux et nièces ........Tout le monde ici les comprend aussi

Si seulement ils pouvaient se parler !

 Beaucoup d'entre nous ont été confrontés a la fin de vie d'un proche et il a parfois été très compliqué, si compliqué , si douloureux de prendre une décision collective !

Comment respecter la volonté de celui ou celle qui s'en va ?
Comment essayer de ne pas s'accrocher a ses propres convictions religieuses ou pas ?
Comment essayer de comprendre les convictions des autres?
Comment essayer de ne pas écouter sa propre souffrance et écouter celle des autres?

Il existe des équipes formidables en soins palliatifs, formées à l'écoute du malade et des proches .Elles peuvent aider a prendre une décision collective dans le respect de chacun et surtout, surtout de celui ou celle qui s'en va .

La malheureuse histoire   de Vincent est particulière !
Le problème est politique ! La loi actuelle est une bonne chose .
La religion doit elle dicter sa loi ?

Questions sans réponse .

A méditer;
J ai exprimé mes volontés à mes proches ; seront elles respectées ? Est ce que je ne vais pas changer d'avis au dernier moment ?

Nath





Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 12 avril 2018 à 18:53:51
comme toi nath
J ai exprimé mes volontés à mes proches ; et donné à mon médecin la feuille des directives anticipées on trouve le modèle sur internet
 seront elles respectées ? je pense  mais ...
je prépare en plus un cahier plus détaillé : cahier de passage de Josée Bouchard voir sur internet aussi
Est ce que je ne vais pas changer d'avis au dernier moment ? peut être ...

Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 19 mai 2019 à 12:48:38
Lecture
AgoraVox: Vincent Lambert, Hervé Pierra : deux fins de vie loi Léonetti.

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/vincent-lambert-herve-pierra-deux-215186
Versé au profit de nos réflexions
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: nathT le 19 mai 2019 à 20:13:53
Merci Quigan

Qui a raison ? qui a le droit ?

Si seulement l'état et non l'église pouvait dicter sa loi.... Cela semble désormais remis en question !
Signe que notre société est bien en régression

Nath
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 20 mai 2019 à 08:09:26
Notre société est plus, me semble t'il devant un cas de conscience que devant tout autre chose.
 Les médecin s’appuient sur les lois Leonetti de 2005 et 2016 et l’avis du Conseil d’État rendu fin avril.
Les parentset deux demi frères  avancent, eux, celui du comité international des personnes handicapées qui exige le maintien des soins.
Pourquoi donner raison à l’un plutôt qu’à l’autre
Vincent Lambert est dans un état de conscience dit minimal qui nécessite qu’il soit nourri et hydraté. E
Est-ce une «obstination déraisonnable» ou au contraire la sollicitude à laquelle une personne handicapée, ou un bébé ou un blessé, a droit ?
Derrière cette question, autre question: à quoi s’évalue une vie ? À
A sa seule autonomie, à sa «rentabilité»

Mercredi je vais assister au café philo dont le thème a été choisi il y a un an ...
"La vie a t'elle un sens"
Je pense que le débat passera aussi vers cette problématique.

Nous avons du coup appris via la médiatisation
Que arrêt des soins ne signifie pas mort
Que 1500 personnes sont comme lui
Que dans son cas la sédation profonde est nécessaire et cf l'article que j'ai mis hier que ce n'est pas toujours ce qui est où a été fait.
"La souffrance des proches de Vincent Lambert est bouleversante. Souffrance de l’épouse dévastée, qui ne peut se résoudre au spectacle d’une existence brisée, réduite à sa plus simple expression: un regard. Souffrance d’une mère: comment celle qui a donné la vie à un fils consentirait-elle à sa mort? Le jugement de Salomon nous enseigne assez à ce sujet.

Il ne viendrait à personne l’idée d’établir une hiérarchie entre elles. Dans les pleurs se déchaînent des passions, parmi les plus violentes de la nature humaine, désespoir, amour blessé. Mais en ce matin crucial, une évidence s’insinue en nous: il n’existe pas pour le malheureux de solution facile, peut-être même pas de bonne solution. C’est le doute qui domine, le terrible doute."

Je ne sais y si cela me rassure totalement mais moi il y 3 ans j'ai rédigé mes directives anticipées très précises et données à mon médecin et copie à ma fille nommée personne de confiance ...
J'ai au moins l'impression d'avoir choisi pour moi
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 20 mai 2019 à 16:11:16
j'apprécie cette phrase

    «Le grand danger, c’est la norme.
Considérer chaque situation comme singulière, au contraire, renvoie à l’humanité de ces personnes»
    Le Pr Régis Aubry, chef du service des soins palliatifs au CHRU de Besançon

Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: biche07 le 20 mai 2019 à 16:36:04
Jean Pierre était en capacité mental de choisir la sédation...c'est ce qu'il a fait et que j'ai accepté. Pour ma part j'ai aussi donner mes directives anticipés... apres  pour Mr Lambert qui peut décider  si cette vie est réelle et souhaitable en conscience ? Qu'aurait il souhaité lui c'est la question peut être à se poser. biche
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: Faïk le 21 mai 2019 à 00:47:39
A défaut d’avoir rédigé ses directives anticipées, les médecins doivent recueillir en premier lieu le témoignage de la personne de confiance/tout autre témoignage de la famille ou des proches :

Selon Grégoire Moutel (https://www.leem.org/sites/default/files/2018-02/BIOGRAPHIE%20Gr%C3%A9goire%20MOUTEL-V2016.pdf) spécialiste en Ethique médicale et Droit de la santé, cette « quête » de témoignages met en lumière une faille de la loi Leonetti : « Quand les proches portent cette voix de manière différente, la justice doit trancher pour trouver où se trouve la vérité et la volonté du patient ». C’est une faille d’ordre humaine, je ne suis pas sûr que le droit peut y répondre ... »

Plus qu’une faille, des ambiguïtés que le législateur a voulu lever en instaurant la pratique des directives anticipées : la loi Leonetti-Claeys, promulguée le 2 février 2016, intègre dans le code de la santé publique les modifications intervenues concernant les soins palliatifs, les directives anticipées et la personne de confiance.

Pour s’informer sur les directives anticipées et leur rédaction (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010) :

Les directives s'imposent au médecin pour toute décision d'investigation, d'intervention ou de traitement, excepté dans 2 cas :
    • en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation (par exemple, patient à réanimer suite à un accident de santé brutal),
    • lorsque les directives anticipées apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Dans ce cas, le médecin doit rendre sa décision à l'issue d'une procédure collégiale inscrite dans le dossier médical. La décision de refus d'application des directives anticipées est portée à la connaissance de la personne de confiance ou, à défaut, de la famille ou des proches.


Le médecin reste donc le seul et dernier décideur s’il juge que ces directives sont inappropriées.
Après on peut convoquer des experts, saisir des tribunaux, cours de justice et autres ...

Failles, ambiguïtés sont donc encore possibles.

En ce qui concerne mon expérience personnelle, je n’ai pas eu à batailler contre une décision collégiale quant à la poursuite ou changement de traitements, le collège requis n’ayant pas eu « l’opportunité » de se réunir à la date prévue…

A mes questionnements et ma colère sur ce grave manquement, le médecin du service est resté coi …

Quoi ???


Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 21 mai 2019 à 14:38:17
Merci Faïk d'avoir mis les liens d'information.

Beaucoup de questions oui
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: yvgpqpg4 le 24 mai 2019 à 15:12:23
Je lirai ce sujet à tête reposée, moi aussi cette histoire à refait surface des souvenirs flous, sous le choc je me souviens à peine de ce que nous ont dit les médecins et je sais que la maman de mon compagnon c'est pareil elle se sent coupable d'avoir accepté qu'on le debranche.... Elle se sent coupable de l'avoir tué. J'ai encore beaucoup de choses à démêler dans ma tête et pouvoir mettre les choses au clair sur ce qu'il s'est passé. D'ailleurs je recherche de l'aide sur comment savoir ce qu'il s'est passé ? Son état arrivé à l'hôpital, les examens et comptes rendus pratiqués etc etc. Merci de votre aide.
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 24 mai 2019 à 18:25:10
QUESTIONS/RÉPONSES -
publié dans le Figaro santé
Les directives anticipées permettent d’exprimer ses volontés concernant les décisions médicales à prendre au moment de sa fin de vie.
 On fait le point sur leur fonctionnement.

Les derniers rebondissements de l’affaire Vincent Lambert, ce patient tétraplégique en état végétatif depuis 2008, ont remis sur le devant de la scène les directives anticipées.
Depuis 2005, la loi Leonetti permet à toute personne majeure de mettre par écrit ses volontés concernant la prise en charge médicale dont elle souhaite bénéficier pour sa fin de vie. Ce dispositif, qui vise à faire connaître vos décisions dans le cas où vous ne seriez plus en mesure de les exprimer, est encore mal connu de la population.
Actuellement, seuls 13% des Français ont rédigé leurs directives anticipées.
Sur quelles situations portent-elles? Où et comment les rédiger? Comment les faire connaître?

1. À quoi servent les directives anticipées?

Il s’agit d’un document écrit dont le but est d’exprimer vos souhaits concernant les décisions médicales à prendre lorsque vous serez en fin de vie. Cette démarche n’est évidemment pas obligatoire, mais elle permet de faire connaître vos volontés dans le cas où vous auriez perdu définitivement conscience ou dans l’incapacité de vous exprimer, comme cela peut arriver après un accident ou à l’issue d’une maladie grave. Vos directives anticipées permettront alors aux médecins et à vos proches de connaître vos volontés. Et comme le veut la loi, ils auront alors l’obligation de les respecter. «Bien sûr, envisager à l’avance cette situation est difficile, voire angoissant. Mais il est important d’y réfléchir», souligne le ministère de la Santé dans un document mis en ligne.

2. Sur quoi portent ces directives?

    L’idée est de dire si vous voulez être maintenu en vie ou non, et à quelles conditions.

Il existe deux modèles de directives anticipées, selon que vous soyez actuellement en bonne santé ou atteint d’une maladie grave et incurable. Dans les deux cas, les questions portent sur les traitements ou les actes médicaux qui vous seront prodigués, ceux que vous souhaitez limiter ou arrêter. L’idée est de dire si vous voulez être maintenu en vie ou non, et à quelles conditions. Par exemple: souhaitez-vous être mis sous respiration artificielle? Subir une intervention chirurgicale, être transféré en réanimation? Être nourri artificiellement? Voulez-vous être soulagé de vos souffrances même si cela a pour effet de mener au décès?

Il existe également un troisième document qui permet d’exprimer ses craintes, ses attentes ou ses convictions. Par exemple, le lieu où l’on souhaite finir ses jours. En revanche, ces volontés n’étant pas de nature médicale, elles n’ont pas de caractère obligatoire.

3. Où et comment les rédiger?

Les directives anticipées doivent être rédigées sur papier, daté et signé. Un modèle peut être imprimé sur le site internet www.service-public.fr. Si vous n’êtes pas en capacité d’écrire seul(e) vos volontés, il est possible de faire appel à deux témoins, dont votre personne de confiance, pour les rédiger à votre place.

4. Comment les faire connaître?

Face à un malade qui n’est plus capable d’exprimer ses volontés, les médecins doivent chercher à savoir s’il a rédigé des directives anticipées. Vos directives anticipées doivent donc être facilement accessibles. Plusieurs possibilités s’offrent à vous. Vous pouvez les conserver chez vous et informer votre médecin et/ou vos proches de l’endroit où elles se trouvent. Vous pouvez aussi choisir d’avoir avec vous une indication de leur lieu de conservation.

Si vous avez un dossier médical partagé, vous pouvez y faire enregistrer vos directives anticipées car elles seront facilement consultables en cas de besoin.
Sinon, vous pouvez les confier à votre médecin qui les conservera dans le dossier qu’il a constitué à votre nom.
Dans le cas où vous seriez hospitalisé ou admis dans un établissement pour personnes âgées, vous pouvez confier vos directives à cet hôpital ou à cet établissement.

Enfin, vous pouvez également confier vos directives à votre «personne de confiance», à un membre de votre famille ou à un proche qui témoignera de vos volontés en votre nom si vous ne pouvez plus vous exprimer. Cette personne sera consultée en premier si vous n’avez pas rédigé de directives anticipées ou si celles-ci sont difficilement accessibles au moment opportun.

5. Combien de temps sont-elles valables?

Les directives anticipées peuvent être rédigées à tout âge à partir de 18 ans. Leur validité est illimitée et vous pouvez à tout moment les modifier ou les annuler. En présence de plusieurs directives anticipées, le document le plus récent fera foi. Pour éviter la confusion, mieux vaut détruire les anciennes versions.

6. Sont-elles prises en compte dans tous les cas?

Les médecins ont l’obligation de suivre vos volontés sauf dans l’une des deux situations suivantes: en cas d’urgence vitale ou lorsque les directives «apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale». Dans le premier cas, le médecin peut décider de ne pas mettre en œuvre vos directives pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation. Dans le second cas, le médecin doit rendre sa décision à l’issue d’une procédure collégiale inscrite dans le dossier médical. La décision de refus devra alors être transmise à la personne de confiance ou, à défaut, à la famille ou aux proches.

7. Que se passe-t-il si vous n’avez pas rédigé de directives anticipées?

Dans ce cas, le médecin doit recueillir le témoignage de la personne de confiance du patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches.

Pour en savoir plus: https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32010
Titre: Re : Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: Catherine Th le 24 mai 2019 à 23:51:54
pour Mr Lambert qui peut décider  si cette vie est réelle et souhaitable en conscience ? Qu'aurait il souhaité lui c'est la question peut être à se poser. biche

Oui, qu’est-ce qu’il voudrait , que veut-il ? Lui, Vincent ?

Les deux parties, l’ensemble de la famille doit probablement être taraudé par cette terrible question …
Quelque soit leur position, ils doivent aussi, sur fond de douleur, se questionner, douter …. sur ce qui serait le mieux ou le moins mal …. pour Vincent ….

Et pas vraiment «hors sujet » : bien souvent la mort d’un être aimé nous renvoie également à notre propre mort ….
En deuil, impression que la mort, sous toute ses formes, reste présente, « tient compagnie », s’accroche ….

Ce fil aide à la réflexion.
Merci pour le lien « les directive anticipées et leurs rédactions » qui peut permettre un début de réflexion à partager avec nos proches sur ce que l’on pourrait souhaiter pour soi, ce que l’on voudrait épargner à nos proches, celles et ceux qui restent ….
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: Nora le 25 mai 2019 à 00:40:06
     Pour Mr Lambert qui peut décider  si cette vie est réelle et souhaitable en conscience ? Qu'aurait il souhaité lui c'est la question peut être à se poser. biche


Oui, qu’est-ce qu’il voudrait , que veut-il ? Lui, Vincent ?

Les deux parties, l’ensemble de la famille doit probablement être taraudé par cette terrible question …
Quelque soit leur position, ils doivent aussi, sur fond de douleur, se questionner, douter …. sur ce qui serait le mieux ou le moins mal …. pour Vincent ….

Par Biche et Mircea



Puisque les directives anticipées existent, puisque par elles chacun peut décider, indiquer ses volontés concernant sa propre fin de vie, cette question : " Que voudrait-il, lui, Vincent ? ", est peut être, sans doute, la seule à se poser.

Qui est le plus à même de répondre à cette question ?

En Belgique a été instituée une " hiérarchie " dans la décision : l'époux ou épouse, puis les enfants majeurs, puis les parents, puis les frères et soeurs.

Il ne s’agit pas de connaître l’opinion de ces personnes mais bien la volonté du patient.

Dans cette affaire Lambert nous n'avons  pas tous les éléments. Il faut espérer que, dans cette famille qui se déchire, les arguments sont bien la volonté de Vincent.

Lorsqu'il a eu connaissance de sa maladie, et de l'issue inéluctable au terme de moins de 6 mois selon les médecins, mon compagnon a rédigé ses directives anticipées. Il les a communiquées au médecin.
J'étais la personne de confiance. Nous avons décidé ensemble, le médecin et moi, du moment de la mise en sédation profonde.

Contre l'avis de sa fille, que j'ai prévenue et qui a trouvé cela inadmissible, inconcevable.

Sans doute contre l'avis de ses soeurs, que je n'ai pas consultées, mais qui, je le sais, n'auraient absolument pas été d'accord, pour des raisons de culture, de religion.

Nous avons fait ce qu'il voulait, LUI, seul cela a compté.






Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 25 mai 2019 à 13:36:34
je verse une tribune à nos réflexions
citation de Paul Thibaud Ancien président de l’Amitié judéo-chrétienne.

"On peut s’interroger sur la légitimité de l’arrêt de la cour d’appel, qui invoque, comme raison de temporiser, l’avis à venir d’un comité d’experts sans autorité pour décider, un de ces «comités Théodule» que raillait le général de Gaulle.
On peut s’inquiéter aussi de l’insécurité juridique, voire de l’arbitraire qui résulte de la multiplication d’instances juridiques, notamment internationales, à la hiérarchie incertaine.

Habituellement, quand les instances juridiques nationales s’alignent sur les injonctions extérieures, l’opinion suit, persuadée a priori que ces consignes venues de loin balisent une voie libérale qui est notre heureux destin. Cette fois, il n’en est rien, on a trébuché sur la route du progrès, il y a eu, au sens premier du mot, réaction et le débat se réveille.

À cette occasion, on a vu que, sous-jacent au conflit familial, il y a un débat entre médecins, lesquels sont portés à juger différemment selon les institutions où ils interviennent.
Les médecins des centres consacrés aux personnes en état végétatif et aux capacités de communiquer très réduites («pauci-relationnels») croient possible que leurs patients conservent une certaine forme de conscience, même s’ils se gardent de l’affirmer formellement.
Ils ne savent pas exactement ce qu’il en est, mais, dans ces conditions, il leur paraît arbitraire de nier qu’il subsiste chez ces patients un fonds d’humanité, fonds à quoi ils cherchent des moyens de s’adresser.

Les centres de soins palliatifs, comme celui où se trouve Vincent Lambert, reçoivent, eux, en principe, des personnes dont l’état n’est pas stabilisé, dont la maladie est évolutive.
 La question de ceux qui s’occupent des «végétatifs» est: comment vivre avec une humanité diminuée et même incertaine? En soins palliatifs on se demande si l’issue fatale n’est pas immédiate.
S’interrogeant sur l’issue, se demandant s’il faut s’arrêter de soigner, les médecins impliqués sont peu portés à considérer ce qui se passe sur le moment chez leurs patients.
Les déclarations que l’on rapporte d’eux sont à cet égard péremptoires: il n’y a plus, disent-ils, dans ces cas-là (auxquels ils assimilent Vincent Lambert) ni conscience de soi, ni conscience du monde, rien de plus que le «végétatif» observé.

Au-delà des questions techniques, la différence est philosophique entre la médecine qui soigne pour guérir ou bien renonce et celle qui attend et espère, il s’agit du rapport au savoir et à l’incertitude. Les progressistes n’aiment pas l’incertitude, ils trouvent à l’insistance sur l’incertitude des relents de religiosité, c’est pourquoi ils disqualifient les parents de Vincent en les taxant d’intégrisme, sans essayer de comprendre les sentiments que cette désignation peut recouvrir. Ils ont tendance à ignorer ce qu’ils ne maîtrisent pas : la science décide en écartant les préjugés résiduels.

Ce qu’il y a d’agaçant dans le progressisme, c’est la prétention de savoir, fût-ce en s’éloignant du réel.
Le réel c’est qu’au chevet des personnes dans le coma on éprouve une incertitude angoissante: est-il vraiment vivant?
Ne va-t-il pas se réveiller sous nos yeux?
Comment savoir où il en est, où il est?
 Comme cette incertitude est invivable, faut-il parier, espérer à tout prix ou faire son deuil ?
Cette alternative est comme instituée par la dualité entre centres de soins palliatifs et centres consacrés aux états végétatifs. Elle apparaît surtout, de manière pathétique, dans le conflit entre l’épouse et la mère.

Progressistes par convenance, les commentateurs répètent que ce conflit n’existerait pas si la loi était bien faite, si elle fixait une priorité entre les proches quant au droit de décider.
Les Belges font mieux, dit-on, qui donnent priorité à l’épouse, à la relation actuelle par rapport au lien généalogique. La précarité désormais du lien conjugal pourrait faire juger différemment, et surtout, le cas de Vincent Lambert montre qu’on pourrait, pour décider de la participation aux décisions, employer d’autres critères que la position dans la famille: l’implication, le comportement pratique.
On ne voit pas de raison d’empêcher d’agir selon leur idée du devoir ou leurs sentiments ceux qui veulent accompagner leurs proches tragiquement diminués.
C’est à l’engagement, au dévouement qu’on devrait donner la priorité.
Au risque de scandaliser, j’ajouterai que Rachel Lambert a mentalement divorcé de son mari légal, puisqu’elle le considère comme déjà mort, du moins pour elle.

Ce qui surprend dans le traitement médiatique de cette affaire, c’est la crainte de considérer les situations concrètes et les implications réelles, la préférence pour les spéculations sur ce que l’on ignore en grande partie (la conscience du patient) ou sur des points de droit.
Ce qui est immédiatement humain, trop humain pour nous, nous préférons le considérer de loin, à travers des jumelles juridiques.

On pourrait dire des choses analogues à propos des directives anticipées qu’il est convenu désormais de recommander à chaque bulletin d’information.
Quand on m’a soumis un questionnaire où inscrire mes directives, je n’ai, faute de connaissances médicales, rien trouvé à répondre sauf mon refus de l’acharnement thérapeutique, ce qui n’est pas dire grand-chose quand on le fait hors contexte.

La mort ne se regarde pas en face, elle ne se regarde pas non plus de loin, où les choses apparaissent trop claires.
Le vouloir vivre et le vouloir mourir peuvent être concrètement difficiles à distinguer et même interférer, comme le montrent beaucoup de suicides manqués ou bien, dans l’actualité, la situation de ceux qui exposent leur vie pour libérer des otages.
Ont-ils le sentiment de vivre plus, ou plongent-ils dans la mort ?
 On suppose que les deux sentiments coexistent au moment décisif.

À propos de la situation de Vincent Lambert, c’est donc l’ensemble d’une mentalité d’époque qu’on est amené à interroger: notre hantise des choix en situation, en définitive de l’action elle-même, le désir que les choses soient parfaitement prévisibles, donc décidées avant qu’on n’arrive au fait.
Cela concerne toutes sortes de domaines.
Qu’on pense seulement à cette ruse mentale qui fait désigner jusqu’à l’obsession comme lieu de la décision pertinente un lieu, l’Union européenne, caractérisé par la difficulté d’y prendre aucune décision.
On préfère croire que c’est décidé d’avance, se penser comme contraint.
De quoi avons-nous donc peur sinon de nous-mêmes?
"
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 27 mai 2019 à 16:19:19
J'en avais parlé plus haut
café philo où je vais

la vie a t'elle un sens
je vous partage les textes que l'association nous a envoyé pour préparer les réflexions interventions

LA VIE A-T-ELLE UN SENS ?

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Sur le besoin existentiel que notre vie ait du sens à nos propres yeux


Tout homme complet a en lui, dans le cœur de son cœur, un centre secret autour de quoi tourne l'univers; cette révolution secrète donne une unité à notre pensée et à nos actions et nous aide à découvrir ou à inventer l'harmonie du monde. Les uns ont l'amour, d'autres la soif de la connaissance, d'autres la bonté ou la beauté; ou encore la passion de l'or et du pouvoir : tout cela ils le rapportent et le soumettent à cette passion centrale. Malheur à l'homme qui ne sent pas au fond de lui-même un monarque absolu qui le gouverne. Sa vie, anarchique et incohérente, se disperse à tous les vents.

Nikos Kazantzaki (1883-1957)
Lettre au Gréco, 1956

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L’idée du sens de la vie et progrès des connaissances
La question de sens de la vie n’est pas séparable de l’ensemble des connaissances à notre disposition sur le vivant et le monde.

Copernic proposa le mouvement de la Terre dans un effort pour améliorer les techniques utilisées dans la prévision des positions astronomiques des corps célestes. Cette idée souleva dans les autres sciences des problèmes nouveaux, et, jusqu'à ce qu'ils fussent résolus, la conception de l'univers que proposait l'astronome demeura incompatible avec celle des savants des autres disciplines. La réconciliation, au XVIIème siècle, des autres sciences avec l'astronomie copernicienne fut une cause importante de la fermentation générale des esprits que nous appelons maintenant révolution scientifique. Par cette révolution, la science allait gagner le grand rôle qu'elle a joué depuis dans l'évolution de la société et de la pensée occidentales.
Mais ses conséquences sur la science n'épuisent pas le sens de cette révolution. Copernic vécut et travailla à une époque où des changements rapides dans la vie politique, dans la vie économique et dans la vie intellectuelle jetaient les bases de la civilisation européenne et américaine modernes. Sa théorie planétaire, et la conception qui lui est solidaire d'un univers centré sur le Soleil furent des instruments de transition de la société médiévale à la société occidentale moderne, parce qu'ils semblaient affecter la relation de l'homme à l'univers et à Dieu. Correction étroitement technique et strictement mathématique de l'astronomie classique, à l'origine, - la théorie de Copernic devint un des foyers des controverses passionnées, religieuses, philosophiques et sociales qui établirent l'esprit moderne au cours des deux siècles qui ont suivi la découverte de l'Amérique. Les hommes qui croyaient que leur abri terrestre n'était qu'une planète circulant aveuglement parmi une infinité d'étoiles, situaient leur place dans le cadre cosmique d'une façon toute différente de celle de leurs prédécesseurs, pour qui la Terre était le centre unique de la création divine. La révolution copernicienne fut donc aussi une partie de la mutation dans le sens des valeurs de l'homme occidental.

Thomas Kuhn (1922-1996)
La révolution copernicienne, 1973


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Tous les sens ne sont pas effectifs comme sens de la vie

Le besoin de sens ne signifie pas que tous les sens que l’on donne à l’existence se valent. Certains sont constructifs et épanouissements, d’autres sont destructeurs et aliénants.

Pour comprendre l'homme et ses besoins, pour le connaître dans ce qu'il a d'essentiel, il ne faut pas opposer l'une à l'autre l'évidence de vos vérités. Oui, vous avez raison. Vous avez tous raison. La logique démontre tout. Il a raison celui-là même qui rejette les malheurs du monde sur les bossus. Si nous déclarons la guerre aux bossus, nous apprendrons vite à nous exalter. Nous vengerons les crimes des bossus. Et certes les bossus aussi commettent des crimes.
Il faut, pour essayer de dégager cet essentiel, oublier un instant les divisions, qui, une fois admises, entraînent tout un Coran de vérités inébranlables et le fanatisme qui en découle. On peut ranger les hommes en hommes de droite et en hommes de gauche, en bossus et en non-bossus, en fascistes et en démocrates, et ces distinctions sont inattaquables. Mais la vérité, vous le savez, c'est ce qui simplifie le monde et non ce qui crée le chaos. La vérité, c'est le langage qui dégage l’universel. Newton n'a point “découvert” une loi longtemps dissimulée à la façon d'une solution de rébus, Newton a effectué une opération créatrice. Il a fondé un langage d'homme qui pût exprimer à la fois la chute de la pomme dans un pré ou l'ascension du soleil. La vérité, ce n'est point ce qui se démontre, c'est ce qui simplifie. [...]
Tous, plus ou moins confusément, éprouvent le besoin de naître. Mais il est des solutions qui trompent. Certes on peut animer les hommes, en les habillant d'uniformes. Alors ils chanteront leurs cantiques de guerre et rompront leur pain entre camarades. Ils auront retrouvé ce qu'ils cherchent, le goût de l'universel. Mais du pain qui leur est offert, ils vont mourir.
On peut déterrer les idoles de bois et ressusciter les vieux mythes qui ont, tant bien que mal, fait leur preuve, on peut ressusciter les mystiques de Pangermanisme, ou d'Empire romain. On peut enivrer les Allemands de l'ivresse d'être allemands et compatriotes de Beethoven. On peut en saouler jusqu'au soutier. C'est, certes, plus facile que de tirer du soutier un Beethoven.
Mais de telles idoles sont des idoles carnivores. Celui qui meurt pour le progrès des connaissances ou la guérison des maladies, celui-là sert la vie, en même temps qu'il meurt. Il est peut-être beau de mourir pour l'expansion d'un territoire, mais la guerre d'aujourd'hui détruit ce qu'elle prétend favoriser. Il ne s'agit plus aujourd'hui de sacrifier un peu de sang pour vivifier toute la race. Une guerre, depuis qu'elle se traite avec l'avion et l'hypérite, n'est plus qu'une chirurgie sanglante. Chacun s'installe à l'abri d'un mur de ciment, chacun, faute de mieux, lance, nuit après nuit, des escadrilles qui torpillent l'autre dans ses entrailles, font sauter ses centres vitaux, paralysent sa production et ses échanges. La victoire est à qui pourrira le dernier. Et les deux adversaires pourrissent ensemble.
Dans un monde devenu désert, nous avions soif de retrouver des camarades : le goût du pain rompu entre camarades nous a fait accepter les valeurs de guerre. Mais nous n'avons pas besoin de la guerre pour trouver la chaleur des épaules voisines dans une course vers le même but. La guerre nous trompe. La haine n'ajoute rien à l'exaltation de la course. Pourquoi nous haïr ? Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d'un même navire. Et s'il est bon que des civilisations s'opposent pour favoriser des synthèses nouvelles, il est monstrueux qu'elles s'entre-dévorent.
Puisqu'il suffit, pour nous délivrer, de nous aider à prendre conscience d'un but qui nous relie les uns aux autres, autant le chercher là où il nous unit tous. Le chirurgien qui passe la visite n'écoute pas les plaintes de celui qu'il ausculte: à travers celui-là, c'est l'homme qu'il cherche à guérir. Le chirurgien parle un langage universel. De même le physicien quand il médite ces équations presque divines par lesquelles il saisit à la fois et l'atome et la nébuleuse. Et ainsi jusqu'au simple berger. Car celui-là qui veille modestement quelques moutons sous les étoiles, s'il prend conscience de son rôle, se découvre plus qu'un serviteur. Il est une sentinelle. Et chaque sentinelle est responsable de tout l'empire.

Antoine Saint-Exupéry (1900-1944)
Terre des hommes, chapitre huit, les Hommes, 1939

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La critique de ce que la société (mais aussi la famille, la religion,…) affirme être le sens de la vie

La question du sens de la vie humaine oblige à revisiter de manière critique les affirmations sociales et collectives de ce que doit être le sens de notre vie pour une morale, une société, une classe sociale, une communauté… Dans beaucoup de cas, l’affirmation de son propre sens de l’existence vient à bousculer ces normes sociales et communautaires, qui veulent dans beaucoup de cas que le sens de notre vie soit ce qu’ils pensent eux.

Considérons donc la manière dont nous menons notre existence. Ce monde est un carrefour d'affaires. Quelle agitation incessante ! Pratiquement toutes les nuits, je suis réveillé par le halètement des locomotives. Cela interrompt mes rêves. On ne respecte pas le sabbat. Comme il serait merveilleux de voir, pour une fois, le genre humain s'adonner au loisir ! Il n'y a rien d'autre que le travail, le travail et encore le travail. Ce n'est pas chose aisée que d'acheter un cahier aux pages blanches pour y consigner nos pensées, tous sont en général pourvus de lignes pour y inscrire des dollars et des cents. Un Irlandais, qui me voyait un jour prendre des  notes dans la campagne, tint pour assuré que j'étais en train de calculer mes gages. Qu'un homme tombe d'une fenêtre dans sa petite enfance de sorte qu'il reste invalide à vie ou encore que les Indiens lui aient causé une telle frayeur qu'il en ait perdu la raison, on déplorera son état essentiellement parce qu'il en résultera une incapacité... à travailler ! J'estime qu'il n'existe rien de plus opposé à la poésie, à la philosophie, que dis-je à la vie elle-même que cette incessante activité, pas même le crime.
Il se trouve, dans les faubourgs de notre ville, un personnage qui gagne de l'argent, un être grossier et bruyant qui projette d'élever un mur de remblai sous la colline tout au long de sa prairie. Les autorités lui ont mis cette idée-là en tête pour l'empêcher de faire des bêtises et il veut que je consacre trois semaines à creuser dans cet endroit en sa compagnie. Il devrait en résulter pour lui un peu plus d'argent à thésauriser et, pour ses héritiers, un peu plus d'argent à dépenser inconsidérément. Si j'accepte ce travail, la plupart des gens me loueront comme un homme industrieux et dur à la tâche. En revanche, si je choisis de me consacrer à certains travaux qui me procureront moins d'argent mais sauront m'offrir un profit plus réel, il se peut qu'on soit enclin à me tenir pour paresseux. Quoi qu'il en soit, comme je n'ai pas besoin que la police chargée de la régulation des travaux inutiles s'occupe de moi, et que je ne vois rien d'absolument digne d'éloge dans l'entreprise de cet individu, pas davantage d'ailleurs que dans l'action menée par notre gouvernement ou ceux des pays étrangers - quelque amusement qu'ils puissent en retirer -, je préfère confier à une autre école le soin d'achever mon éducation.
Si, par amour des bois, un homme s'y promène pendant la moitié de la journée, il risque fort de passer pour un fainéant. Si, au contraire, il emploie toutes ses journées à spéculer, à raser les bois et à rendre la terre chauve avant son heure, on le tiendra en haute estime, on verra en lui un homme industrieux et entreprenant. Est-ce donc qu'une ville ne porte d'intérêt à ses forêts que pour les faire abattre ?

Henry David Thoreau (1817-1862)
La vie sans principes, 1863


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POUR APPROFONDIR CE SUJET

- L'individualisme est un humanisme, François de Singly, Éditions de L'aube, 2005
- La complexité humaine, Edgar Morin, Flammarion, 1994
- La longue route, Bernard  Moitessier (1970), Arthaud, 1994
- Le dîner de Babette, Karen Blixen (1958), Folio, 1992
- L’Homme révolté, Albert Camus (1951), Éditions Gallimard, 1988
- La peste, Albert Camus (1947), Gallimard, 1989
- Le mythe de Sisyphe, Albert Camus (1942), Éditions Gallimard, 1988
- Terre des Hommes, Saint-Exupéry (1939), Gallimard, 1991
- Noces, Albert Camus (1938), Éditions Gallimard, 1972
- Babbit, Sinclair Lewis (1922), Stock, 1969
- Martin Eden, Jack London (1908), 10-18, 1973
- Walden ou la vie dans les bois, Henry David Thoreau (1854), Gallimard, 1990

Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: yvgpqpg4 le 27 mai 2019 à 19:53:19
sujet très intéressant, nos drames remettent en question cette fameuse question fondamentale: quel sens a ma vie? quel sens ai-je envie de donner à ma vie?

qui saurais m'aider à avancer dans mes questionnements pratico-pratiques:
 comment savoir ce qu'il s'est passé ? Son état arrivé (tension, etc) à l'hôpital, les examens et comptes rendus pratiqués etc etc. Merci de votre aide
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: BL62 le 07 juin 2019 à 11:06:22
Sujet très interressant , qui ouvre un tas de questions .
Le problème est que la fin de vie et la manière dont on souhaite la vivre est un sujet tabou dans notre culture .

Au risque de choquer , Vincent Lambert , conscient ou pas , est un homme qui vit sa déchéance a chaque instant . Sans éspoir d'un mieux , ou si peu et dans combien de temps .
Si je comprends les parents , car qui veut voir partir son enfant avant soi, ça n'est pas dans l'ordre des choses .
Ne pourraient'ils pas un instant se mettre a la place de leur fils . Passer 24h00 sur 24 dans son lit , sans communiquer, sans progresser , sans vivre .
Je trouve que c'est une forme d'égoisme de leurs part , compréhensible, naturelle , mais égoiste quand même .

Si ma belle mère avait pu imposer ses choix concernant mon épouse , je peux assurer qu'il aurait fallu lui ouvrir son caveau d'urgence et qu'elle y rejoigne mon beau père (le pauvre). Surtout vu le peu de cas qu'elle a fait de sa fille lorsqu'elle a appris qu'elle avait un cancer.

Que vient faire la religion la dedans . Elle ferait bien de vivre avec son temps . Je précise que je suis catholique, non pratiquant , enfin jusqu'il y a 3 ans et 8 mois . Et si ce "dieu " existe ,  notre première rencontre va très mal se passer pour lui.

Lorsque mon épouse était aux palliatifs, l'oncologue est venue me voir pour me dire que les métastases avaient atteint le cerveau , d'ou son impossibilité de communiquer .
Elle m'a proposé un traitement de radiothérapie ciblée . Ce qui lui prolongerait sa vie, mais dans quelles conditions

Bien sur que je voulais garder l'amour de ma vie pret de moi , c'était mon voeux le plus cher .
Mais il a fallu que je pense a elle . La voir souffrir , diminuer chaque jour un peu plus . Juste pour la garder pret de moi .

La décision, j'ai du la prendre seul , et je n'aurai souhaité a personne d'autre de la prendre , parce que ce jour la , j'ai eut le sentiment de la tuer moi même . Et depuis, cette idée m'obsède .

Nous n'avions pas eut la possibilité d'en discuter , car tout simplement on refusait cette option. La vie a deux était la seule.

C'est pour cela, que dans mon portefeuille , j'ai rédigé un papier signé refusant toute assistance de vie , quelle qu'elle soit . Que j'envisage prochainement d'indiquer mes "volontées" concernant un eventuel acharnement thérapeutique dans le DMP que je vais ouvrir;

Il est hors de question que je laisse a mes enfants la résponsabibité d'un tel choix , sachant que j'y pense a chaque seconde pour mon épouse .

Voila  c'est mon point de vue et n'engage que moi, tout en respectant le choix et conviction de chacun.
Titre: Re : Hors sujet oui mais interpellant ...
Posté par: qiguan le 07 juin 2019 à 16:04:52
rappels
http://forumdeuil.comemo.org/traverser-le-deuil/hors-sujet-oui-mais-interpellant/msg112626/#msg112626
et
http://forumdeuil.comemo.org/traverser-le-deuil/hors-sujet-oui-mais-interpellant/msg112774/#msg112774
pour faire ses directives
un bout de papier BL ne suffit pas ... j'ai eu une amie qui a eu un gros problème pour faire respecter ce type de bout de papier ... il faut le papier des directives  voir liens
prenez soin de vous