Il y a le silence, les quelques moments de la journée où on s'occupe, où on vit, et puis tout reviens par vague, sans arrèt. Quand je suis partie à l'enterrement de mon filleul, j'étais en taxi brousse pour un voyage de douze heures à travers Madagascar, on avait loué un taxi brousse entier pour que les jeunes amis de mon filleul puissent monter avec moi. Le voyage dure douze heures, il fait froid, le chauffeur roule à pleine vitesse et de temps en temps je parviens à somnoler mais à chaque fois que je me réveille j'ai cette pensée : il est mort et je ne parviens pas à le croire. Les jeunes derrière, ses amis, ont pleuré toute la journée, ils sont venus sans hésiter, en cinq minutes on a décidé de partir, et c'était important. Comment expliquer cela à des européens comme mes amis et ma famille qui sont riches, égocentriques, et individualistes. Je vis en Afrique depuis neuf ans, j'ai quatre filleuls , celui qui est mort était celui qui m'était le plus proche. Cela faisait un an qu'il était malade mais on n'aurait jamais imaginé que c'était si grave. J'ai du faire l'aller retour en une journée, car le boulot m'attendait, au moins m'ont-ils permis d'y aller, car en France on ne m'aurait surement pas accordé ce temps-là. Quand je suis rentrée chez moi, je ne parvenais pas à trouver le sommeil, ni l'appétit, je me force à aller au travail, mais je ne prépare rien , je suis instit, je devrais préparer mes cours, je n'en ai pas envie, j'improvise sur place. Dans ma classe, il y a la soeur de celui qui est mort, elle est aussi ma filleule, elle est très courageuse mais elle s'exprime dans ces écrits, l'autre jour elle a écrit un calligramme avec le visage d'un clown aux yeux tristes et elle écrivait: je suis comme ce clown, je souris pour avancer dans le monde mais à l'intérieur mon coeur saigne,Ca m'a tellement émue de lire ce texte que j'ai du sortir de la classe pour ne pas pleurer devant mes élèves. Je m'efforce d'ètre forte pour la famille qui reste, ils sont quatre, les deux parents et le grand frère et la petite soeur. Mais j'ai ensuite du mal, car j'ai aussi besoin que quelqu'un me console, c'est pour ca que je me suis tournée vers ma famille et mes amis en France, tout cela pour finir par me faire insulter par mon propre frère. C'est dur, c'est très dur, il n'y a pas de mots. Je sais juste que mon filleul n'aurait pas aimé que je le pleure trop longtemps, après la mort de ma mère il est venu souvent dormir chez moi, pour me soutenir et ne pas me laisser seul, il était heureux quand je lui souriais, quand je m'accrochais à la vie malgré la peine