Lundi 18 juillet 2016.
11h15.
Je me gare sur la promenade des anglais, chaussée nord, tout près du CUM, centre universitaire méditerranéen, là oú une cellule psychologique est de permanence depuis 4 jours.
Un petit groupe de personnes en gilet orange discutent devant l'entrée.
En face, le soleil écrase cette large bande de bitume qu'on nomme ici "la prom"
Les chaises bleues, les bancs et les pergolas blanchent font partis de l'horizon, invitant au repos et à la contemplation.
Aujourd'hui tout est différent.
Sur le bord du trottoir alternent les fleurs en tige et les compositions blanches, accompagnant mes pas sur des centaines de mètres.
Je n'ai même pas vu la couleur de la mer ce jour là, ni même celle du ciel que traverse toutes les 5 minutes les avions qui atterrissent au bout.
A même le sol, les premières bougies, premières fleurs, des mots écrits dans les larmes, des peluches qui veillent sur un prénom , une photo.
À même le sol, tel que la vie s'y est arrêtée.
11h 30.
Tout un parcours, avec ces autels, pleurant un souvenir, racontant comme un puzzle toutes ces destinées qui se sont brisées sur le bitume.
Une foule, déjà, se recueille en avançant vers le jardin Albert 1er, qui borde la prom et délimite le début du centre ville et du quartier du vieux Nice,
Une foule silencieuse.
À un moment j'ai pu distinguer le son des galets qui roulent en contrebas.
Je ne l'avais jamais entendu d'en haut.
11h 45
Une mouette perchée là haut brise le silence.
Elle même se demande ce qu'il se passe, il n'y a personne sur la plage pour lui jeter des friandises.
Aucun humain n'y descendra ce matin.
Nous sommes des milliers, dans un silence qui me noue les tripes.
11h 55
Je pense à ce père de famille qui rentrera seul chez lui, la chambre de son petit ne résonnera plus de ses cris d'enfant.
Il devra préparer un sac de vêtements pour l'apporter à son épouse qui lutte pour vivre, plongée dans un coma.
Il n'aura plus que les photos pour faire revivre leurs souvenirs.
Je pense à cette mère qui ne pourra plus aller se coucher sans entendre l'impact, qui a sauvé son enfant en perdant son époux, et qui devra raconter, encore et encore l'insoutenable.
Midi
Le coup de canon habituel de midi, depuis la colline du chateau, résonne.
La foule soudain s'anime, les 30000 personnes n'en font qu'une.
La minute de silence débute sous les applaudissements et finie par le chant de la Marseillaise.
Je pense à ces 84 personnes.
À la vie qu'ils ont perdus
À tous ceux qui les aimaient, qui restent, et les perdent ainsi chaque matin en se réveillant.
12h 10
Je pense à toi Darling.
Ne meurent vraiment que ceux qu'on oublies.
Ne les oublions pas.