Auteur Sujet: Nier son deuil  (Lu 12984 fois)

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Hors ligne Julie.F

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Nier son deuil
« le: 27 février 2019 à 14:44:27 »
Bonjour.

Il y a bientôt dix ans maintenant, je perdais ma mère. Aujourd’hui si je suis apaisée par rapport à sa mort, cela a pris du temps et cela ne s’est pas fait sans difficultés.

J’avais 15 ans lorsqu’on lui diagnostiquait un cancer du poumon, chimio, rayons, le cancer se généralise en cinq mois avant de l’emporter, après quelques phases d’amélioration son état s’est brutalement dégradé. Un jour sur deux je passais soit mes journées en classe, soit à l'hôpital, le plus souvent, je lui rendais visite avec ma grand-mère, mais il arrivait que j’y aille seule en train, l'hôpital étant à 40 kilomètres du village où nous vivions. Mes grands-parents, qui habitaient à deux pas de chez nous, s’occupaient de moi, tout en me laissant quand même dormir dans la maison de ma mère.

Par rapport à sa mort : à aucun moment, je n’ai été mise au courant du fait qu’elle était en phase terminale, je n’ai pas réellement pu lui dire au revoir, j’ignore encore si c’est l’équipe médicale qui a tu l’information à tout le monde ou si se sont mes grands-parents qui ne m’ont rien dit. J’avais des regrets, je n’avais pas été tendre avec elle lors de mes premières années d'adolescence. Physiquement, j’étais entourée, de mes grands-parents, de mon oncle, de mon frère et de mon père, psychologiquement, je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais seule, mais je dirais que j’ai peu été soutenue, j’entends bien que chacun a dû faire face à son décès, que la mort d’un enfant est sans doute bien plus insoutenable que la perte d’un parent, mais à 15 ans lorsqu’on est déjà légèrement instable émotionnellement, qu’on essaie de se construire, il est difficile de gérer seule la perte d’un proche et de repères.

Le deuil en lui-même : Peu de temps après les funérailles, je pars vivre avec mon père, à 800 km de là où j’avais grandi, de mes amis, de ma famille, il a fallu tout reconstruire, un lien avec mon père qui était alors pour moi presque un étranger, se faire au nouveau cadre, se préparer à l’entrée au lycée, bref il faut que la vie continu. Et doucement, mais sûrement, je m’enfonce dans le déni, mais pas celui de la mort de ma mère, mais de son existence ‘pure et simple’, il était plus facile d’occulter la douleur que d’y faire face. À 17 ans, mon père m’invite à être suivi par un psychiatre, je ne le vois pas encore, mais je fais une dépression, pourtant les symptômes sont déjà très présent. Au fil des séances, je commence à me rendre compte de ce déni, et tout remonte à la surface ; la colère, la douleur, les regrets et je me trouve monstrueuse d’avoir tenté de l’oublier, alors je m’enfonce encore plus dans la dépression. À 18 ans je suis hospitalisée pour dépression sévère, je rate mon BAC, et je pleure ma mère. Comprendre cette phase de dénis m’a un moment taraudé l’esprit, était-ce à cause de ma propension à tout intérioriser ? Était-ce parce que je ne m'autoriserais pas à être ‘’faible’’ ? Ou simplement parce que je ne m’étais pas accordé du temps pour la pleurer, ou ne serait-ce que parler d’elle ? Le changement de cadre trop brutal ? Ou parce que les mots cancer, mort, et deuil font peur donc on n’ose pas les prononcer, on ne sait pas avec qui en parler, alors on se tait ? Avec dix ans de recul, je dirais que c’est sûrement tout à la fois. On ne communique pas suffisamment sur l’importance de se donner du temps pour pleurer, parce que ce temps, on ne le donne pas, on s’interdit de parler de la perte, de la douleurs, aussi bien en famille qu’entre amis, et je trouve ça triste, mais aussi dangereux pour la santé de tout un chacun.

Si vous avez aussi connu une phase de déni, ou si vous en connaissez une, je serais ravie d’échanger avec vous.

Amicalement votre, Julie.

Hors ligne Mylénium

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Re : Nier son deuil
« Réponse #1 le: 02 mars 2019 à 04:12:14 »
coucou Julie c'est vraiment très dur ce que tu as vécu, perdre sa maman à 15 ans c'est vraiment triste et révoltant, meme si tu n'étais pas seule et que tu avais quand meme ton père, frère et tes grands parents, et heureusement d'ailleurs , mais bien sur perdre sa maman c'est une véritable perte en plus tu étais dans l'adolescence et une maman c'est primordial quel que soit l'age meme si adolescent et très jeune je pense que c'est beaucoup plus dur , je dirais aussi que un père c'est important également^^comme tu l'as dit tu as traversé plusieurs phases en presque 10 ans, je ne sais que quoi te dire parce que moi j'ai perdu ma mère aussi il y'a 4 ans pile d'un cancer j'étais plus agé que toi la trentaine, et ma mère était beaucoup plus agée que la tienne surement meme si je sais pas quel age avait ta maman quand elle est partie, mais vu que tu avais 15 ans, elle devait pas etre très agée^^ après le plus important c'est que tu sois toi meme, et si t'a besoin de te faire aidée , de parler , de craquer etc faut pas résister , il faut que tu vives ta vie selon tes envie, tes sentiments , que tu sois entourée, faire exprimer tes sentiments etc voilà ce que je peux te dire moi ça fait 4 ans  pile que ma mère est partie et j'ai plus de famille quasiment vu que mon père je sais pas ce qui est il est devenu, et que je suis fils unique , je suppose que tu dois avoir dans les 25 ans maintenant? as tu des bon rapport avec ta famille? bon courage à toi!!

Hors ligne Julie.F

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Re : Nier son deuil
« Réponse #2 le: 06 mars 2019 à 11:47:30 »
Bonjour Mylénium.

Avant tout merci pour ta gentillesse. Comment vas-tu ? J’ignore comment tu te sens par rapport à la mort de ta mère, mais j’espère que tu as réussi à surmonter la tristesse, et si ce n’est pas encore le cas alors je te souhaite d’être un jour apaisé, perdre un de ses parents c’est dur en étant très jeune, mais ça l’est tout autant à l’âge adulte, parce que justement ça fait retomber en enfance, et j’imagine que c’est encore plus dur lorsque l’on a personne vers qui se tourner, j’espère d’ailleurs que tu es au moins entouré d’amis, et d’une ‘’moitié’’. Si jamais tu veux en parler, n’hésite pas, je serais ravie d’échanger avec toi.

C’est sûr que pour une jeune fille de 15 ans, c’est rude de perdre sa mère, j’avais encore tellement besoin d’elle, j’avais encore tant de questions à lui poser, et de choses à lui dire. Mais à vrai dire, la perdre n’était pas le plus dur, à l’époque ce qui était dur c’était d’aller la voir tous les deux jours, c’était insoutenable de regarder ma guerrière de mère s’éteindre jour après jour, elle était jeune elle aussi, elle avait 48 ans. J’étais entourée, c’est vrai, mais d’une façon bien particulière, on a pas vraiment le sens de la famille ‘’chez moi’’, physiquement ils étaient là, mais psychologiquement. . . Comment te dire, le contexte familial est particulier (mais dans quelle famille ce n’est pas le cas ?), chacun a sa personnalité, chacun à gérer la situation comme il pouvait. À 15 ans, j’avais vraiment l’impression de traverser ça seule, et 1 an, 5 ans après j’avais toujours ce sentiment, 10 ans après ? Je pense toujours que ça à été le cas, mais je n’étais pas seule à être seule, et perdre sa mère est une chose, mais ça reste ‘’logique’’, ce qui l’est moins c’est de perdre sa fille, sa sœur, la femme que l’on a aimé. Chacun a dû accepter la situation, chacun a dû vivre avec ses regrets. Avec le recul je perçois que certains mots, certains gestes de mon oncle notamment, ou de mon frère, étaient des formes de soutien, bien que maladroite, et puis évidement il y a eu mon père, même si une fois installée chez lui on parlait peu de ce qui venait de se passer, il a vraiment été cool avec moi, il a tout fait pour que je me sente rapidement chez moi, il m’a plusieurs fois demandé si je voulais voir ‘’quelqu’un’’ ce que je refusais, mais à l’époque je gérais, enfin je pensais gérer. 10 ans après, à 25 ans (en effet) je suis enfin apaisée, j’ai appris à vivre avec mes regrets, à ne plus les laisser me couler, je ne suis plus révoltée d’avoir perdue ma mère, je ne suis plus en colère contre mes proches, ni contre moi-même, par contre je suis toujours révoltée du peu de place qu’on accorde au deuil dans la vie en générale, on explique si peu aux familles comment gérer cette étape, on nous laisse si peu de temps pour pleurer, il faut cacher la tristesse, il faut cacher la mort aussi bien en société qu’en famille, et je trouve ça tellement malsain.

J’ignore si être entouré ou pas d’une famille change la donne lorsque l’on perd quelqu’un. Dans mon cas, je ne dirais pas que je suis en bon ou mauvais terme avec mes proches, j’étais assez proche de mes grands-parents, je les appelle lorsque j’y pense, j’essaie de leur rendre visite au moins une fois par an, mais ça me rend toujours mal à l’aise d’aller les voir, leur appartement est une sorte de mausolée dédié à ma mère, il n’y a pas une pièce où il n’y a pas au moins un objet, un meuble lui ayant appartenu, sans compter le fait qu’ils ressassent sans arrêt le passé ‘’ah si t’as mère était là’’, ce qui met d’ailleurs souvent mon frère en colère. Contrairement à toi, c’est vrai, je ne suis pas fille unique, mais j’ai été élevée comme telle, mon demi-frère et moi n’avons pas grandi ensemble, on a 8 ans d’écart, on à jamais vraiment été proche. Tout ça pour dire, qu’être entouré de sa famille peut sûrement aider, quand elle est soudée, ce qui n’est pas le cas de mon côté. . .

Je te souhaite une bonne journée. Courage à toi.

Julie.

BL62

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Re : Nier son deuil
« Réponse #3 le: 05 juin 2019 à 19:12:27 »
Bonjour Julie
Mon fils a perdu sa maman , ma femme , il y a 3 ans et demi . Il avait comme toi un peu plus de 15 ans .
Il a vu sa maman malade , cancer du sein . Perdre ses cheveux, s'éteindre a petits feux . Jusqu'au jour ou il est venu lui dire au revoir a l'hopital (elle était déja partie) .
Très renfermé de nature , il n'a que peu communiqué . J'ai bien éssayé le suivi d'un psy , mais sans succés car il ne le veut pas .
Depuis, il n'évoque que très rarement sa maman , refuse d'aller au cimetière . Il ne lui porte même pas de fleurs pour son anniversaire .
Il lui arrive même d'être en colère après elle . Comme si elle avait choisi d'avoir un cancer .
Ca me fait mal car je me sens démunis face a ça .
Il a une petite amie depuis 1 an , je suis heureux pour lui , car peut être , il passe a autre chose , mais impossible de la savoir .
Nous communiquons bien sur , mais pas de sa mère .
Je precise qu'il a une grande soeur (19 ans a l'époque) qui elle a choisi la fuite peu après le départ de ma femme . Nous nous revoyons depuis quelques temps , et je lui ai pardonné son attitude .

Avec ta malheureuse experience, peut être as tu la clef ?

Merci

Laurent