Pour ma part, je suis sûre que beaucoup de personnes "savent", consciemment ou non, qu'elles vont bientôt mourir, le pressentent, il y a de très nombreux exemples de ce genre, historiques ou non. Ce qui interpèle est que ça ne concerne pas uniquement les malades ou personnes très agées dont il n'est pas difficile de "prédire" la mort prochaine, mais aussi des gens, en parfaite santé et pas très âgées, et donc qui n'ont aucun motif rationnel de soupçonner ce qui vas bientôt leur arriver. Et pourtant, ils savent
Je vais commencer par l'exemple qui me touche le plus, et qui, même objectivement, est l'un des plus frappants que je connaisse:
Pierre était en bonne santé, plein d'energie, et pourtant, alors que rien ne laissait prévoir ce qui allait lui arriver-d'autant plus qu'il allait s'agir d'un accident-avait un pressentiment depuis environ deux mois. Il m'avait dit un jour, alors que nous discutions ensemble, assis sur son canapé: "De toute façon, j'ai l'impression que je ne vais plus vivre très longtemps, je ne sais pas pourquoi. Je le sais, je le sens." Sur le moment je ne l'ai pas cru bien sûr, pourtant il avait dit ces mots très sérieusement, naturellement, sans emphase,, et aussi avec douceur et résignation, je ne trouve pas d'autres mots. Il y avait de la tristesse dans ses yeux, et comme une certitude qu'il acceptait
je m'en souviens très bien.
II y est revenu de temps en temps durant ces deux mois. C'est durant ce laps de temps qu'il m'a dit qu'il m'aimait plus qu'il n'avait jamais aimé aucune femme, et il m'a dit, avec cette même tristesse résignée: "C'est drôle, je n'ai jamais vraiment sus ce que c'ètait que l'amour d'une femme, il a fallut l'approche de la vieillesse et de la mort pour comprendre."
Un autre jour, on ècoutait l'une de nos chansons préférées, et à un moment donné la chanson évoquait "la faucheuse"; Pierre a dit: "Je la connais bien, la faucheuse, la mort. Elle n'est pas loin. Je ne veux pas mourir, mais je suis prêt." Et une autre fois, nous ècoutions l'une de ses chansons préférées intitulée "la dernière femme", et il a dit: "Je crois bien que ce sera toi, ma dernière femme."
Et depuis quelques temps, lors des soirées que nous passions avec nos amis, Pierre donnait l'impression de vivre dans le passé, il racontait, revivait ses souvenirs de jeunesse (en même temps, il me témoignait son amour plus que jamais), ses yeux étaient dans le lointain...