hier j'étais au café philo
et j'ai envie de vous partager ce qui nous a servi de support (fournis par l'association qui anime ces cafés) de réflexion
POURQUOI L’ÊTRE HUMAIN A-T-IL BESOIN DE S’INVENTER DES DIEUX ?
avant le débat il a été clairement dit que l'on parlait sur 300000 ans d'homo sapiens avec toutes les formes de déités créées et non des religions actuelles uniquement ! il ne s'agissait pas de juger, jauger des religions ...
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Dieux et idoles, adoration et adulation, l’éternel besoin de surhumanité ?
Peut-être est-ce pour oublier notre finitude et nos limitations bien trop humaines ? Peut-être est-ce aussi le besoin de merveilleux et peur d’un monde hostile auquel le concept de “dieu” donne un sens à échelle humaine ?
Les héros et les idoles continuent à désigner, de civilisation en civilisation, une classe de surhommes dans laquelle chacun projette ses rêves et puise ses modèles. De l’Hercule méditerranéen au Samson hébraïque, du Siegfried des Nibelungen au Robin des Bois , du président Mao à l’actrice Brigitte Bardot, une même poussée adoratrice force jusqu’au surnaturel la réalité historique ou, inversement, jusqu’au naturel l’irréalité légendaire. Que le héros-idole prenne source dans le vécu d’une expérience incroyable ou dans l’imaginaire d’une légende accréditée, il siège toujours dans un entre-deux-mondes, à mi-chemin entre les hommes et les dieux. Demi-dieu comme demi-homme, il parcourt sans cesse, à mi-conscience comme à mi-temps, l’espace qui sépare le premier du second. De l’un à l’autre, l’osmose ne va pas de soi : le héros manifeste concrètement un système de valeurs que l’idole incarne divinement. Faire du héros une idole, c’est bloquer les performances réelles et chronométrables du premier, en perfections irréelles et éternisables dans le second. C’est passer, comme les mots le disent, du personnage vivant à son image pétrifiée, à son symbole iconique. Selon les circonstances et les individus, le passage peut ne pas se faire. L’héroïsme, qui est le caractère essentiel du héros traditionnel, peut être, non pas admiré, mais réprouvé comme absence de cœur et d’imagination, ainsi qu’en témoignent, dans Corneille, les imprécations de Camille contre son frère Horace; l’idole pour sa part a été trop brisée au cours de l’histoire des religions pour que le héros idolâtré n’y flaire par instants le fiel de la pétrification finale: «Ah, non, ne me dites pas que je suis une idole!» s’écrie Johnny Hallyday avec colère au cours d’une interview. Mis à part ces cas singuliers, de révolte précisément, il y a un besoin apparemment anthropologique d’aimer jusqu’à l’idolâtrie l’être exceptionnel dont les hauts faits n’ont d’égal que les grandes vertus.
V. Morin,
Encyclopédie Universelle. 2012.
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L’anthropomorphisme des déités - tant corporel que psychologique – fut déjà dénoncé par certains philosophes de l’antiquité :
Cependant si les bœufs, les chevaux et les lions
Avaient aussi des mains, et si avec ces mains
Ils savaient dessiner, et savaient modeler
Les oeuvres qu’avec art seuls les hommes façonnent,
Les chevaux forgeraient des dieux chevalins,
Et les bœufs donneraient aux dieux forme bovine;
Chacun dessinerait pour son dieu l’apparence,
Imitant la démarche et le corps de chacun.
Xénophane de Colophon (-537, -514)
frag. B15 (trad. La Pléiade 1988)
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L’invention des dieux et de Dieu, la personnification des puissances
naturelles et la recherche d’une cause première à la nature
Cela intervient quand la nature et les phénomènes du monde ne sont pas encore compris comme le résultat de lois naturelles mais de volontés particulières en vinrent à les considérer comme des êtres puissants, supérieurs et transcendants. Dans ce texte, Gassendi répond à Descartes qui tentait de prouver l’existence de Dieu en tant qu’idée innée, en lui montrant que l’idée de Dieu est avant tout une donnée culturelle et non pas rationnelle ou innée (c’est un début d’explication culturelle et sociologique de l’invention des religions) :
(...) Il y a des auteurs qui rapportent que les premiers hommes, voyant le Soleil, la Lune et les autres Astres toujours en mouvement, les appelèrent Deos (êtres) qui suivent leur course, et au premier rang le Soleil, dont le cours était le plus évidemment visible. Puis, comme ils avaient reconnu le Soleil pour le plus bienfaisant de tous, ils se dirent qu'il faisait le tour de la Terre pour répandre ses bienfaits sur toutes les nations successivement, et ils l'appelèrent cette fois OEOS, c'est-à-dire Dieu, comme étant celui qui voit, parce qu'il voit toutes choses et pourvoit aux besoins de tous. De là, parce que Dieu était leur bienfaiteur à eux, ils attribuèrent ce nom de Dieu tant aux hommes qu'aux autres choses dont ils tiraient des avantages quelconques, et ainsi non seulement des êtres humains comme Cérès, Bacchus, Hercule, furent traités et qualifiés comme des dieux, mais encore des sources, des fleuves, d'autres choses utiles à la vie. Et à la vérité, parmi les hommes, ce furent surtout les princes qui furent jugés dignes de ce nom, car, étant plus puissants, ils pouvaient aussi faire plus de bien: tel Jupiter, et d'autres; et même jusqu'à les considérer comme assez grands pour tenir, comme le Soleil, le ciel sous leur empire, d'où l'idée de leur attribuer une place dans le Ciel. Il se trouva ensuite, pour suivre ces indications, quantité de flatteurs et de poètes qui remplirent le Ciel de puissances de ce genre et enrobèrent tout cela dans une multitude de fables. Et comme il fallait que tous les princes, même les pires, trouvassent place parmi les Dieux, ils admirent des Dieux nuisibles; si bien que, ayant fait proliférer tout un Royaume des Dieux, leurs fonctions à l'égard des hommes furent distribuées, et l'un d'eux fut considéré comme le Roi, les autres comme des Ministres ou Dieux inférieurs, dont les uns conféraient les bienfaits comme les autres infligeaient les peines. L'on crut alors que le Monde était administré par la providence du Dieu suprême et des moindres en même temps (surtout quand on se fut rendu compte de l'ordre selon lequel toutes choses suivaient leur cours) et ni les Éclipses, ni les Comètes, ni la foudre, ni les monstruosités, ni aucun prodige, ni quelque chose enfin que ce soit, ne purent avoir lieu sans leur ordre et leur intervention. Certains furent alors amenés à penser qu'il fallait considérer le monde à la manière d'un animal, de telle sorte que tous les effets attribués à la nature des Dieux fussent rapportés à une sorte d'Ame unique répandue à travers le tout, la partie essentielle de cette âme jouant le rôle de principe chargé d'imprimer une direction d'ensemble, et le reste se présentant comme des facultés en vertu desquelles tout s'exécute. Dans ces conditions les Législateurs, voyant que certains hommes pleins de malice évitaient bien de faire le mal ouvertement par crainte des châtiments, mais ne s'abstenaient pas en cachette de commettre des injustices, firent naître la conviction que les Dieux répandus dans la nature parvenaient jusqu'aux choses les plus secrètes et observaient même les crimes cachés, qu'ils punissaient sinon dans cette vie, du moins dans les Enfers par les Furies et les supplices qui y sont préparés. Mais il n'est pas besoin de poursuivre cela, pas plus que certains détails de méthode et d'exposition dans Aristote, Démocrite et autres. Il suffit d'avoir effleuré ce sujet, qui d'ailleurs est bien connu, pour que vous puissiez voir comment les premiers hommes ont pu se faire quelque idée de Dieu, même s'ils n'en avaient pas, comme vous le prétendez, une idée innée.
Ce qui fait qu'il est inutile de vous demander pourquoi, s'ils ont pu avoir cette idée d'eux-mêmes, nous ne pourrions pas l'avoir, nous aussi, de nous-mêmes, puisque vous voyez bien que l'on peut vous répondre que ni ils ne l'ont eue d'eux-mêmes, ni nous ne l'avons non plus de nous-mêmes; mais qu'ils ont pu et que nous pouvons l'avoir par le même raisonnement, c'est-à-dire en contemplant le Soleil et l'ordre de l'univers, sur lequel Dieu a voulu que nous portions notre réflexion quand il nous a ordonné de faire attention, non pas à une idée incréée, mais à l'armée des cieux, à l'arc-en-ciel, à bien d'autres ouvrages par la contemplation desquels nous puissions le reconnaître et le remercier, lui qui les a créés.
Gassendi (1592-1655)
Recherches métaphysiques, Doutes et instances contre la métaphysique de R. Descartes et ses réponses (1644)
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Le besoin de croyance, révélateur de notre degré de faiblesse
Les croyants et leur besoin de croyance. - Ce qu'il faut de croyance à quelqu'un pour prospérer, ce qu'il lui faut d'élément « stable » qu'il désire inébranlé, parce qu'il s'y appuie - est révélateur du degré de sa force (ou pour s'exprimer plus clairement de sa faiblesse). Le christianisme, me semble-t-il, aujourd'hui encore est nécessaire, en Europe, à la plupart : c'est pourquoi aussi il trouve encore créance. Car l'homme est ainsi fait : dès lors qu'il a besoin d'un article de foi, dût-on le lui avoir réfuté de mille manières, il ne cessera pas de le tenir pour « vrai », - conformément à cette célèbre « épreuve de force » dont parle la Bible. Quelques-uns ont encore besoin de métaphysique; mais aussi cet impétueux désir de certitude, qui éclate aujourd'hui dans les masses, sous la forme scientifico-positiviste, ce désir de vouloir posséder quelque chose d'absolument stable (tandis que dans la chaleur même de ce désir on se préoccupe fort peu des arguments propres à fonder la certitude); tout ceci témoigne encore du besoin d'un appui, d'un soutien, bref de cet instinct de faiblesse qui, il est vrai, ne crée pas, mais conserve les religions les métaphysiques, les convictions de toutes sortes. Il reste que tous ces systèmes positivistes s'enveloppent des fumées d'un noir pessimisme, de quelque chose qui tient de la lassitude, du fatalisme, de la désillusion, de la crainte d'une désillusion nouvelle - ou encore ils témoignent visiblement du ressentiment, de la mauvaise humeur, d'un anarchisme d'exaspération, comme aussi de tous autres symptômes ou mascarades du sentiment de faiblesse. Même la violence avec laquelle les plus intelligents de nos contemporains vont se perdre dans de misérables réduits, par exemple dans la patriotardise (pour désigner ce qu'en France on nomme chauvinisme , en Allemagne : “ deutsch" ) ou dans des doctrines de chapelles esthétiques, tel le naturalisme parisien (qui ne met en évidence que cet aspect de la nature propre à inspirer à la fois le dégoût et la stupeur - on nomme volontiers aujourd'hui cet aspect : la vérité vraie ; ou dans le nihilisme selon le modèle de Saint-Pétersbourg - c'est-à-dire dans la croyance à la vertu de l'incroyance, jusqu'au martyre pour cette dernière), cette violence, de prime abord, manifeste toujours le besoin d'une croyance, d'un appui, d'une assise, d'un soutien... La croyance se trouve toujours convoitée avec le plus d'urgence là même où la volonté fait défaut : car la volonté, en tant que passion du commandement, constitue le signe distinctif de la souveraineté et de la force. C'est-à-dire que moins quelqu'un s'entend à commander et plus il éprouve avec urgence le désir d'une réalité, d'un être ou d'une autorité qui commande, qui commande avec rigueur, soit un dieu, un prince, un état social, un médecin, un confesseur, un dogme, une conscience de parti. D'où il faudrait conclure peut-être que les deux religions universelles, le bouddhisme et le christianisme, pourraient bien avoir trouvé la raison de leur naissance, de leur soudaine propagation dans une extraordinaire asthénie de la volonté. Et il en a été ainsi en vérité : les deux religions révélèrent le désir d'un « tu dois » exalté désespérément jusqu'au non-sens par la maladie de la volonté. Enseignant le fanatisme aux temps du relâchement de la volonté, elles offraient ainsi à d'innombrables âmes un soutien, une nouvelle possibilité de vouloir, une jouissance à vouloir. Le fanatisme est en effet l'unique « force de volonté » à laquelle puissent être amenés aussi les faibles et les incertains; en tant qu'il hypnotise en quelque sorte la totalité du système intellectuel qui repose sur la perception du monde sensible, il provoque l'hypertrophie d'un point de vue conceptuel et affectif particulier qui prédomine désormais -; le chrétien la nommera sa foi. Dès qu'un homme en vient à la conviction foncière qu'il lui faut subir un commandement, il devient " croyant ". En revanche, une joie et une force de la détermination de soi seraient concevables, une liberté du vouloir, à la faveur desquels un esprit congédierait toute croyance, tout désir de certitude, exercé qu'il serait à se tenir en équilibre sur des possibilités légères comme sur des cordes, et même à danser de surcroît au bord des abîmes. Pareil esprit serait le libre esprit par excellence.
Friedrich Nietzsche (1844 - 1900)
Le gai savoir, § 347
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L’invention des religions est à rechercher
dans le fonctionnement naturel de l’Homo Sapiens
Tous cherchaient l'origine de la religion dans des circonstances étrangères à l'homme, les dévots comme les philosophes. Les uns ne voulaient pas que l'homme pût être religieux sans une révélation particulière et locale ; les autres sans l'action des objets extérieurs. De là une erreur première, de là une série de longues erreurs. Oui, sans doute, il y a une révélation, mais cette révélation est universelle, elle est permanente, elle a sa source dans le cœur humain. L'homme n'a besoin que de s'écouter lui-même, il n'a besoin que d'écouter la nature qui lui parle par mille voix, pour être invinciblement porté à la religion. Sans doute aussi, les objets extérieurs influent sur les croyances ; mais ils en modifient les formes, ils ne créent pas le sentiment intérieur qui leur sert de base.
Tzvetan Todorov, Etienne Hofmann
préface à De la religion, de Benjamin Constant (1767-1830)
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POUR APPROFONDIR CE SUJET
- Le gouvernement des émotions, ... Et l'art de déjouer les manipulations, Pierre Le Coz, Albin Michel, 2014
- Peut-on ne pas croire ? Sur la vérité, la croyance et la foi, Jacques Bouveresse, Éditions Agone, 2007
- Star Wars, anatomie d’une saga, Laurent Jullier, Armand Colin, 2005
- L’empire des croyances, Gérald Bonner, PUF, 2003
- Où est donc passé l'esprit critique ?, Pierre-Robert Leclercq, Eds Carriere Anne, 2001
- Nouvelles Idoles, nouveaux cultes : dérivés de la sacralité, C. Rivière & A. Piette, L’Harmattan, 1990
- Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Gilbert Durand, Dunod, 1984
- Le fanatisme, A. Haynol, M. Molnar et Guillaume de Puymège, Stock, 1980
- Les Stars, Edgar Morin, 1957
- 1984, de George Orwell, 1948
- Science et Religion, Bertrand Russelll, 1935
- Crépuscule des idoles, Friedrich Nietzsche, 1888
https://fr.wikipedia.org/wiki/Croyancela conclusion donnée par le représentant de l'association qui organise ces cafés était :
ce besoin repose sur 4 besoins humains à satisfaire
celui inconscient et psy constant de répondre à ses questions "existentielles"
celui de besoin de rassurance, de se protéger contre les drames de la condition humaine
le besoin de sacré qui est la valeur la plus haute des valeurs humaines
le besoin de transcendance
C'est un outil culturel pour répondre à des besoins naturels universels.
C'est une adaptation "darwinienne" pour faire face à la condition humaine mais fondé sur
irrationalité
infondation donc postulats
relativité
et "impostures-tromperies"