Chez Marchal _ Boubélé _ Cote d'Ivoire _1985 ....suite.
Trois bungalows ! En tout et pour tout ! Cette fois on a fait très fort !
L'hotel de Boubélé , situé à 25 kms. de la frontière du Libéria , Se compose d'un vaste batiment , de plein pied , à 50 metres de l'océan , comprenant , la salle de restaurant , les cuisines , le bureau du patron , et d'un magasin , pauvre en souvenirs....Les bungalows sont en retrait , légèrement surélevés , dans un jardin envahit de fleurs et d'arbres géants .... Les terrasses donnent directement vers la mer , et à l'arrière , la vue se perd rapidement dans la foret .
Odile a déjà fait ami-ami avec le chat de l'hotel et la chienne du patron , une "vadrouilleuse "du nom de Choupette .
Marchal , le patron passait son temps à attendre fébrilement qu'elle revienne de ses sorties amoureuses .....Elle finissait toujours , au bout de deux ou trois jours , à rappliquer , la tete basse .....Marchal , les mains sur les hanches l'interpelait , dès qu'il la voyait :
- Alors .....? t'as fait la petite connerie?
Pas raciste pour un sou , la Chouquette !
Un matin , cependant , Marchal s'écria :
- Là ! t'as fait la grosse connerie !
....façon élégante de distinguer entre un gros calin , et la mise en route d'une prochaine progéniture !
Les ivoiriens ont "aménagé" ainsi la langue française d'expressions imagées : par exemple , on trouve dans les champs , après les moissons de mil , des vanneaux ( petits échassiers ) qui viennent glaner les épis tombés au sol . Ces oiseaux sont désignés sous le nom de " mange mil " . mais , c'est aussi ainsi que l'on appelle les ministres : les "mange mil " ! les mangeurs de billets de mille ! Oui , je sais , il n'y a pas qu'en Cote d'Ivoire que ces messieurs méritent ces surnoms , mais bon .............
Je ne vous ai pas dit ? Nous étions les seuls clients ! Une tranquillité, je vous dit pas ! De plus , profitant de la morte saison , le patron partit pour Abidjan , regler son divorce , dont il nous assommait de détails juridiques à n'en plus finir ......
- Il s'en va ? on va etre tranquille , çà ne m'étonne pas que sa femme soit fichu le camp ! tu parles d'un boulet , alors !
Odile et moi partions tous les matins au bout de la plage , en passant un gué , séparant la mer de la lagune , ou elle pouvait se baigner dans une eau limpide et cristalline ....Bien sur , je trouvais le moyen de tomber , un matin , en noyant les jumelles ! emporté par le fort courant ( la mer se retirait ) je faillis me retrouver en haute mer ! tout habillé . Mais mon demi sang breton reprit le dessus et je revins au rivage , dans un crawl digne de Tarzan ( avec Johnny Weismuller dans le role titre !) ....bon , c'était peut etre moins glorieux que çà , car Odile se tordait de rire en me voyant revenir piteusement sur le rivage ...
- Ouais ! tu viens de gagner le premier prix du concours des t-shirts mouillés !!!!
La plage était encombré de troncs dépouillés de branches , échoués sur le sable , et nous étaient bien utiles pour nous y accoter ....
- Hé ! t'as une bete sur le cou !
Odile tendait la main , désignant mon cou , à hauteur de la jugulaire ! je chassais un énorme taon , qui se repaissait , goulument , de mon sang !
........A partir de cet instant là , la guerre était déclarée ! Et je fus bientot submergé de myriades de ces grosses mouches assoiffées d'hémoglobine ! Leur piqure est indolore , ils injectent au moment du "pompage" , une substance anesthésiante , mais , ensuite !....des démangeaisons à vous rendre fou ! et qui faisait dire à Odile , d'un ton admiratif:
- Tu te rends compte si la Nature est bien faite !
Le soir , je ne pouvais plus me chausser : j'étais passé directement du 42 au 64 ! Une escadrille de taons c'était acharné sur mon pied gauche !
Odile était peu atteinte , et se soignait à sa façon : à coups de jet d'eau bouillante , assise au bord de la douche :
- Tu devrais essayer , çà soulage drolement !
Je tentais , moi aussi , naif que je suis ......
Un hurlement ! mon pied ressemblait à une langouste , bien cuite , rouge , quoi!
- Pffff....les bonshommes qu'est ce que vous etes douillets !
Au final , je dus prendre le minibus de l'hotel , et me rendre , vers 8 heures du soir jusqu'à Tabou , la ville la plus proche . Odile m'accompagnait , ravie de montrer aussi son pied au seul médecin de la région . Celui ci nous reçut fort gentiment , chez lui , examina d'un oeil distrait mon pied , et partit dans un discours mondain , tous les trois assis dans un fauteuil , un pastis tintant de glaçons à portée de main , Odile tenta vainement de lui montrer les dégats de son propre pied , mais il l'ignora complètement ...plus tard , sur le retour , après avoir acheté des antibiotiques à la pharmacie , et une pommade , Odile me fit la remarque que :
- C'est pas dans mon soutien gorge que j'ai été piqué ! encore un autre cochon ! Que des obsédés , les mecs !
Moi , prudemment , je n'intervins pas sur ce coup là : çà aurait été encore de ma faute !
.... ( à suivre )