Auteur Sujet: Funambule - un livre témoignage (ebook gratuit du 5 au 9/04)  (Lu 6177 fois)

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Hors ligne ClaireLu

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Bonjour,
Je suis la maman d'Elias, un adorable petit garçon décédé à l'âge de 6 mois il y a un an.
Durant cette première année de deuil, j'ai beaucoup lu les mots des autres, des récits, des témoignages, des romans... Tout ce qui évoquait la perte d'un enfant.  J'espérais y trouver un peu de réconfort, combler un peu de cette solitude et peut-être, y trouver quelques clés pour survivre.
J'ai souhaité à mon tour partager mon expérience de mère, qui a accompagné son enfant dans toutes les épreuves de sa courte vie, jusqu'à sa mort. Ce livre est aussi un hommage à son courage, à sa force...
Mon souhait est de le partager au plus grand nombre, afin qu'Elias soit un peu dans le coeur de tout ceux qui liront ces pages. Peut-être que cette lecture pourra aussi faire écho à d'autres parents en deuil.
Je vous en livre les premières pages :

La première fois que j'ai écrit à mon fils, ce fut une lettre d'adieu.
Cette lettre, dont il était le destinataire mais qu'il ne lirait jamais, en réalité, c'était pour eux. Il s'agissait là d’une vaine tentative de portrait de mon fils pour ceux qui étaient réunis autour du petit cercueil blanc. Eux qui, bien que présents dans la douleur, étaient si loin d'imaginer tout ce qu'il était.

Comment rendre hommage à une vie, aussi courte soit-elle, en quelques centaines de mots ?

Cette lettre que j'ai lue devant eux, alors que j'entendais cette voix qui était la mienne résonner dans la salle du crématorium, alors même que je ne pouvais pas croire que j’étais en train de prononcer ces mots-là, ces mots d’adieu, racontait sa beauté, sa douceur, son courage.

Mais elle ne disait pas toute la vérité. Ou plutôt, c'était une jolie version de l'histoire donnée à ces oreilles qu'il ne me semblait, alors, pas juste de heurter. J'ai omis la terreur, l'angoisse. J'ai caché la rage. J'ai tu l'horreur. Auraient-ils pu l'entendre ?

Ce livre, je l'écris pour réparer ma faiblesse de leur avoir à tous un peu menti.

De trop nombreuses fois, par surprise, mes pensées traîtres s'étaient projetées dans cet instant où la mort s'emparait de mon enfant.
Je m'y trouvais plongée bien malgré moi, au détour d'un couloir, dans l'ascenseur, en passant les portes du sas, en pénétrant dans l'unité de soins continus de Necker.
Ce dédale détenteur des secrets insoutenables de vie et de mort d'enfants.
Envahissante et sournoise marée noire d'un deuil jusqu'alors imaginaire et qui, bien qu'impensable, s'échappait un instant de mon inconscient pour me signifier sans détour que, non, nous ne sortirions pas d'ici indemnes.

Durant ces six mois où nous avons vécu coupés du monde, où nous étions prisonniers de ces murs, j'ai souvent cru basculer dans la folie. Alors que chaque jour nous étions soumis aux déchiffrages délirants des bilans sanguins, où taux et pourcentages étaient scrutés pour essayer de comprendre le mal qui rongeait mon enfant, je me suis tournée, par désespoir, vers un Dieu hypothétique, une puissance supérieure mystique, que sais-je.
Suppliante et tête basse, j'espérais comprendre quel message m'était adressé. Je cherchais une réponse, un responsable à ce chaos dans lequel nous nous débattions. Si j'étais coupable de ce qui arrivait à mon fils, je devais comprendre pourquoi et surtout trouver comment rétablir un semblant d'ordre.
Il fallait bien qu'il y ait une logique à ce qui ne trouvait pas d’explication.

Pourquoi lui ?

J'avais fini par avoir pour Credo une pensée magique infernale. J’étais persuadée qu'aucun de mes espoirs ne se produirait jamais. Pire, que l'inverse aurait inévitablement lieu. Alors, il ne fallait plus penser et il ne fallait absolument pas souhaiter. Je m'en remettais au destin, à la fatalité, interdisant que soit prononcé en ma présence que la roue finirait bientôt par tourner.
Y croire, c'était déjà le condamner.

« La mort d'un enfant, c'est la foudre » a dit Malraux. Oui, mais ce n'est pas que ça. Ça transperce et ça éclate, ça ravage tout sur son passage, mais ça ne s'arrête pas là.
La mort d'un enfant c'est un séisme, en cela de différent que les répliques ne perdent pas de leur intensité. Elles surgissent sans s'annoncer. Il suffit d'un mot, d'une image, pour remettre en mouvement chaque remembrance auparavant méticuleusement déposée dans un coin du souvenir et infiniment choyée.
Tout est anéanti. Absolument tout est bouleversé.
Il ne reste que des ruines de la vie d'avant. Celle où on pouvait rire et s'émerveiller des surprises qu'elle nous offre. La vie d'avant, on en distingue encore quelques édifices, parfois de vieilles silhouettes aimées, mais tout est ravagé, saccagé.

Je n'ai pas survécu à la mort de mon fils. Celle que j'étais est morte avec lui. Celle que je suis vis dans son souvenir, dans l'immense et indicible vide qu'il a laissé et que rien ne pourra, jamais, venir combler.

Je me suis quelques temps efforcée de maintenir un silence absolu, un néant de pensée. Du coton pour étouffer le bruit du chaos, ce vacarme sourd qui rendrait réel qu'il n'était plus. J'étais un corps vide, incrédule, brassé par la tempête extraordinaire qu'avait créée en moi cette fin de lui.
Quelques mois ont passé avant que je ne puisse reconstituer, fragment par fragment, les cent-quatre-vingt-sept jours de la vie d'Elias. Du silence que je m'étais imposé surgissait par fulgurance la réalité nue, celle que je ne pouvais plus nier. Cette vérité qu'aujourd'hui je veux dire.
Cette vérité que je lui dois. Pour sa mémoire. Pour son courage. Pour tout ce que nous avons dû traverser.

Le temps file et défait les mémoires. Alors, il faut écrire, vite, avant que ne disparaissent les sensations, les sons. Avant que le silence n'ait pris toute la place. Avant que son souvenir ne me soit familier qu'au travers des photographies et des films.

Rien ne doit être oublié. Tout doit être raconté.



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« Modifié: 05 avril 2018 à 13:24:44 par ClaireLu »

Hors ligne ClaireLu

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Bonjour à tous,
Je propose l'e-book de "Funambule" gratuitement pendant 5 jours, à partir du jeudi 5 avril.
N'hésitez pas à vous le procurer, je ne pourrais malheureusement pas prolonger cette gratuité au-delà de cinq jours, conformément au règlement des livres auto-édités avec Amazon...

Claire