Bonjour!
Je ne savais pas très bien si je devais répondre et que répondre, ma situation étant un peu hors-norme je pense. Je ne sais pas du tout si je peux t'aider, mais je vis exactement la même situation que toi. à ceci près que je ne le sais que depuis 1 semaine et que j'ai vécu 22 ans dans le secret. Mon jumeau m'a toujours manqué, je n'ai aucun souvenir de lui puisqu'il n'est jamais né. Je ne sais pas quoi te dire même si je comprend ce que tu dois ressentir.
Je vais raconter mon histoire, aussi parce que j'en ai besoin, qui sait peut-être pourrons-nous nous comprendre sur certains sujets?
Je suis atteint de Troubles intentionnels convulsifs (TIC) depuis l'âge de 6 ans, juste après la naissance de mon petit frère. J'ai eu une vie plutôt difficile, tantôt balloté dans des services de neurologie tantôt interné avec un diagnostic de schizophrénie, une grande partie de ma jeunesse est dévastée, même si à présent que je suis adulte j'ai su me reconstruire tant bien que mal. Je cherchais un ultime thérapeute qui puisse me venir en aide car rien ne marchait pour arrêter ces mouvements incontrôlables de ma tête. Je suis allé voir une hypno-thérapeute, je lui ai un peu parlé de ma famille, la génétique, ma mère a fait des fausses couches, sa mère était psychotique, bref une anamnèse classique. Durant la séance, je me suis dirigé dans mon inconscient vers une personne très "présente" dans ce que je voyais, placée juste derrière moi. Il ne m'a pas fallu longtemps pour comprendre qu'il s'agissait d'un autre moi, c'est-à-dire d'un jumeau. J'étais étonné d'abord parce que j'ignorais son existence dans ma tête! Puis j'ai vite compris que celui-ci était décédé in-utero. Probablement sans être détecté par les médecins pendant la grossesse de ma mère. Nous avons travaillé à me libérer de sa mort dans cet inconscient, notamment je l'ai enterré dans ma vision, les larmes me venaient instantanément alors que je ne savais rien de lui. Pour moi il n'y a pas de doute, il a existé. Après la séance, j'étais bouleversé. D'abord j'étais en pleine procédures pour changer de prénom, je n'ai jamais aimé mon prénom parce que c'est un nom composé. On dit que le choix du prénom d'un enfant est très lié à l'inconscient collectif de la famille, et je pense avoir deux prénoms parce que nous aurions dû être deux à naître. J'ai l'impression d'avoir retrouvé ma colonne vertébrale. D'abord il me paraît clair que l'origine de mes TIC est la volonté de faire vivre mon jumeau malgré tout, et d'avoir eu besoin de "le laisser s'emparer du contrôle de mon corps", dans une profonde inconscience. Ensuite même si depuis des dizaines de mois j'ai beaucoup remis en cause le diagnostic de schizophrénie - me sentant plutôt normal et sain au final - aujourd'hui je m'aperçois que j'ai dialogué avec lui toute ma vie, c'est-à-dire que je me suis senti dans une dualité extrême sur tous les sujets. J'ai beaucoup souffert de sa mort et de sa non-présence. Je m'aperçois que j'ai cherché toute ma vie un partenaire amoureux qui me ressemble au maximum afin de le remplacer, que je perçois inconsciemment mes parents comme des tueurs de jumeaux, raison pour laquelle être en leur présence m'angoisse beaucoup sans raisons apparentes. La naissance de mon petit frère représente pour moi un profond désespoir, de ne jamais voir mon jumeau naître, et devoir continuer à vivre sans régressions possibles.
Je ne sais rien du deuil. J'ai fouillé un peu sur internet pour essayer de comprendre. Est-ce normal que ce jumeau me manque? Il est mort à présent! Ai-je le droit de parler avec lui? est-ce que c'est bien de m'imaginer le serrer dans mes bras? Je vais devoir faire un deuil mais je n'ai aucuns souvenir de lui! Je n'ai aussi aucun souvenir de moi avant mes trois ans (comme tout le monde), avant cet âge on ne perçoit les choses qu'avec les émotions car l'hypocampe cérébral n'est pas encore formé, tout est ressenti directement, pas de filtres... Avant de connaître son existence, je m'imaginais mon futur à moi sans lui, j'avais besoin de le remplacer ou de combler le vide, j'ai beaucoup de comportements compulsifs. Aujourd'hui, je sais qu'il est mort et je le ressens, je suis en paix d'avoir reconnu ce fait, mais tout va changer!! Je dois comme reconstruire ma vie, je ne sais pas comment faire ça!! Et lui il me manque quand même, je n'ai compris ça que ce soir et je pleure. Je pleure sa mort. Et moi aussi j'ai peur de passer pou un fou. Je ne dois pas intérioriser ce deuil, il est vraiment nécessaire que je le vive, mais jusqu'à ma mère personne n'est au courant!!! Depuis l'autre jour je porte un brassard noir et je pense le porter tant que cela me semble nécessaire, mais si les gens me demandent pourquoi je leur dit que c'est une longue histoire. Qui pourrait me comprendre?? Pour moi cette relation est plus forte que celle que j'ai avec ma propre mère, je crois à la réincarnation, alors si nous devions être deux, c'est que pour moi nous avions choisis de revenir sur terre ensemble! Nous nous connaissions avant cette grossesse. C'est plus qu'une partie de ma vie, c'est aussi une partie d'autres vies!! J'ai souvent pleuré ma solitude pour le faire exister!! J'ai montré que j'étais mal car il était nié de tous, sauf de moi. Aujourd'hui je veux pleurer pour moi qui suis resté sans lui, comment trouver un équilibre?? Comment en parler? Comment vivre vraiment ça? Pour extérioriser, je me suis dit que je devais m'aménager des plages de temps pour penser à lui. L'associer à des musiques, à des paysages... Ou a des objets aussi. Je voudrais le peindre, je voudrais écrire des textes, mais je n'ai pas d'espace pour ça dans ma vie. Et ce soir j'ai envie de me mettre en veille professionnelle et sociale. J'ai envie de vivre ma peine, au-delà de toutes responsabilités. Mais je crois pas que je puisse, je serais confronté aux mêmes barrières que depuis 22 ans. Il n'est pas né, il n'est donc pas mort, je n'en ai jamais parlé, je suis psychotique alors toute cette histoire peut-être remise en question par un médecin ou par des proches inquiets... Et puis je lui donne un nom, mon deuxième prénom en fait (Pierre), Pierre qui est la traduction hébreuse de "Céphas". S'EFFACE!!Ca paraît bête, mais c'est une preuve de plus de son existence pour moi. Quels mots je vais choisir? Avec mes proches? Je ne me sens pas plus seul avec toutes ces questions que seul parce qu'il n'est plus là depuis 22 ans. Bref j'ai du boulot devant moi. Est-ce que je peux l'enterrer symboliquement? Les gens qui ont perdu un proche ont un endroit physique où aller lui parler alors moi j'aimerai bien en avoir un aussi! Qu'est-ce que j'enterre concrètement? Où est-ce qu'on enterre une personne qui n'a pas exprimé de volonté? Est-ce que je peux faire venir un témoin? On dit que la personne reste dans le coeur de ceux qui restent, mais dans mon coeur il y a plus d'absence que d'amour je crois. Et de colère pour autrefois, de culpabilité... De regrets. Et puis comme d'habitude je vis les émotions à fond la caisse quand d'autres arrivent à prendre du recul...
Hummm je ne sais pas si ça peut t'aider andel tout ça, peut-être ai-je une chance par rapport à toi c'est que je n'ai pas du affronter sa mort "de mon vivant", mais je ne suis pas sûr de pouvoir l'affirmer.