Bonjour à tous et toutes,
Je viens de découvrir ce site et je le trouve formidable. Un site dans ce genre là m’aurait bien aidée à surmonter mon épreuve (mais je n’avais pas mon propre ordinateur à l’époque haha). Le temps me manque pour lire chaque message mais le peu que j’ai pu lire m’a donné envie de vous écrire, du moins vous adresser mon soutien et vous donner un petit peu d’espoir si j’y arrive.
Je ne veux pas en rajouter en vous disant que je sais ce que c’est etc, parce que je sais bien que chaque peine est différente et chaque histoire aussi. Je veux seulement vous dire qu’on peut s’en sortir. On y arrive. C’est long, et il ne faut pas se voiler la face, on oublie jamais, et on ne guérit jamais vraiment. Mon frère est mort il y a 7 ans et croyez-moi j’ai encore l’impression que c’était hier. Nous étions très proches et sa mort a chamboulé ma vie.
Même après 7 ans, j’ai encore des hauts et des bas. Mais j’ai appris à vivre avec. Je pense que j’ai accepté le fait qu’il soit parti. Mais ça ne m’empêche pas d’avoir des crises d’angoisse, et d’éclater parfois, même si ça devient assez rare. C’est l’habitude de vivre avec qui fait qu’on accepte un peu plus chaque jour. Mais il me manque de plus en plus. Maintenant c’est de la tristesse qui reste, de l’amertume, mais ce n’est plus l’appréhension du « comment s’en sortir après un tel choc ». Ca je sais que je l’ai vaincu. Plusieurs choses m’ont aidée et je tenais à vous en parler, et si jamais ça peut vous aider, alors tant mieux, car personne ne m’a aidée quand ça m’est arrivé, je m’en suis sortie toute seule et je n’ai pas toujours choisi les bonnes solutions.
D’abord le dialogue avec mes parents. Au début ça a été compliqué, personne ne parlait, tout était cassé. Puis on a essayé de partager notre peine petit à petit, on s’est serré les coudes. Je sais que ce n’est pas évident de trouver du soutien auprès des plus proches, parce que tout s’effondre, mais il faut persévérer et tout le monde peut s’y retrouver. Il faut apprendre à écouter l’autre, il faut faire un effort (encore un je sais…) mais il faut surtout se rendre compte que l’on n’est pas seul, et que d’autres souffrent autant voire même plus que nous ! J’ai pris conscience de ce qu’enduraient mes parents et cela m’a aidé à relativiser par rapport à ma propre souffrance. C’est ce qui m’a aidé à avancer : je me suis battue pour eux, et vice versa, ils se sont reconstruits pour moi. Maintenant on souffre encore mais différemment. On parle de mon frère en évoquant des bons souvenirs, il nous arrive d’avoir des coups durs, mais on les contrôle mieux et on peut se réconforter en riant de bêtises qu’on faisait avec mon frère par exemple, de phrases ou de blagues qu’on avait l’habitude de faire. (Contrairement à avant où rien y faisait, chacun était enfermé dans son monde)
Avec mes amis, autant être franche, je n’ai jamais vraiment réussi à me confier, et à vraiment extérioriser. Ils sont pourtant de très bons amis, mais certains n’ont pas le tact que l’on attend qu’ils aient, et du coup leur réaction peut parfois surprendre. Mon choix a donc été d’occulter mon problème et de vivre comme si de rien était lorsque j’étais en société. Je ne vous conseille vraiment pas de faire comme moi. J’en ai souffert intérieurement, et j’ai fini par devenir insensible. Ce que je veux dire, c’est que j’avais une sorte de double vie, à la maison c’était le drame continu, et au lycée c’était une autre vie, que je m’étais inventée, une vie sans problèmes où personne ne savait ce qui m’était arrivé. Mais à la maison aussi j’occultais ma peine pour ne pas en rajouter, mes parents en avaient déjà bien assez comme ça. Là aussi, faux pas ; j’en ai payé le prix bien après. Lorsque j’ai quitté la maison, le fait de me retrouver seule face à moi-même et face à mon drame, ça a été comme une deuxième plaie. Comme si je revivais tout ça. Mais c’est vraiment là que mon travail de deuil a commencé. Il était grand temps qu’il commence d’ailleurs, et je le savais bien que ça me guettait, que j’allais finir par exploser de toute façon. J’ai donc continué (seule) à affronter cette peine, et le manque de mon frère de plus en plus grandissant chaque jour. Et plus le temps passe, plus on apprend à relativiser, on apprend à profiter sans culpabiliser, car oui on a aussi le droit d’être heureux, justement, on nous prive déjà d’un ou de plusieurs de nos proches, alors pourquoi se priver de ce qui nous reste ! Je me dis que mon frère lui en profiterait surement à ma place et il aurait raison !
Une autre chose qui m’a énormément aidée et calmée en cas de crise, c’est de lui écrire à mon frère. Je lui ai écrit dès le début, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire, personne à qui parler, (on était en plein déménagement et je n’avais plus beaucoup d’amis à ce moment là, et j’étais anti-psy…) un repli sur soi-même. Eh bien lui écrire ça marche, en tout cas, ça calme.
Je vais aussi vous dire pourquoi qu’il fallait absolument que j’avance : nous avions une amie très malade, paralysée, mais ayant encore toute sa tête. Je me disais toujours qu’elle souffrait aussi d’un autre mal mais tout aussi insupportable, et que c’était certainement encore pire parce qu’elle savait qu’elle allait mourir, et elle ne pouvait rien faire, juste attendre que ça se passe. C’est aussi elle qui m’a appris à arrêter de me morfondre, et d’essayer de profiter un peu plus de chaque jour, en me disant que j’ai déjà de la chance d’être en vie et de pouvoir marcher pour aller me promener par exemple. Ce sont des plaisirs simples mais qui peuvent prendre une autre ampleur de ce point de vue là. Je me dis qu’elle a fait preuve d’un tel courage, que je n’ai pas le droit de me laisser aller. Pour elle qui est partie, pour mon frère, mais aussi pour tous ceux qui font partie de ma vie et qui comptent sur moi.
Si vous n’y arrivez pas, si vous n’acceptez pas, essayez de penser à ces gens là, qui se battent malgré eux. Demandez vous qui vous êtes, est ce que vous êtes une personne lâche qui va se laisser pourrir chez soi sans faire aucun effort pour se relever ? Où est-ce que plutôt vous allez vous bouger fesses et avancer, parce que votre défunt/te se moquerait de vous en vous voyant dans un tel état. Je sais bien ce que vous allez me dire : plus facile à dire qu’à faire ; mais croyez-moi, quand on se bat, on le fait pas seulement pour nous, mais aussi pour la personne qui est partie, on se bat pour l’honorer. On aura eu le courage d’affronter la réalité, et d’en sortir plus fort.
Une autre chose qui peut aussi aider, c’est de justement faire des choses en son honneur, des choses qu’il/elle aimait faire ou aurait aimé faire. C’est une manière de continuer à vivre tout en lui faisant des clins d’œil en lui montrant qu’on va de l’avant mais qu’on pense à lui , qu’on le fait aussi pour lui. C’est comme Noel. Nous, on a seulement recommencé à faire « noël » l’année dernière. C’était timide, mais l’intention, c’était qu’on le faisait aussi pour lui, qu’il était là dans notre cœur. Et que ça le rendrait malade de nous voir nous morfondre. Et même si on n’avait pas envie de la faire, (faut être honnête) on s’est dit que l’on n’allait pas passer le reste de notre vie comme ça à ne plus rien faire.
Voilà voilà, je ne voulais peut être pas faire aussi long et je ne sais pas si cela vous sera utile. En tout cas, ça m’a aidé de vous lire, et merci à vous d’ailleurs d’avoir témoigné : je prends conscience que je n’étais pas la seule à vivre ça. Je vous souhaite du courage et vous envoie plein de bonnes pensées.
A bientôt.