Bonjour A,
Votre question m' a fait pas mal gamberger, sur la couleur dont je devais décrire ma vie....En fait, je me rend compte que c'est une sorte d'arc en ciel : il y a parfois du rose, mais assez pale, le reste c'est assez variable, en fait....Il y a parfois du gris, mais heureusement plus le gris très sombre qu'il a pu y avoir pendant pas mal de temps...Après, je pense que nous somme tous différents par rapport au deuil, peut etre que la façon de mourir de nos proches rentre en compte là-dedans ; pour avoir lu certains témoignages sur ce genre de site, je me rends compte malgré tout qu'il y a des traits communs qui reviennent d'une personne à l'autre ...Cà peut etre presque réconfortant, car on se dit alors que l'on est pas seul, et çà rassure aussi sur notre normalité, car pour ma part, je me suis parfois demandé si ce que je ressentais n'était pas excessif, si j'étais normale de réagir de cette façon ; c'est une question que je me suis pas mal posée au fil des années, car je voyais autour de moi des gens qui arrivaient à reprendre pied dans la vie, avec plus ou moins de facilités, certes, mais eux paraissaient réussir à avancer, alors que j'avais l'impression de faire du surplace ou meme parfois de régresser...
J'ai commencé à aller sur ce forum il n'y a pas très longtemps, en fait...Ce n'était pas le but initial, car au départ, j'ai juste cherché des informations par rapport au livre du psychiatre Christophe Fauré, sur la façon dont on vit et se relève du suicide d'un proche...Car c'est en effet la façon dont ma soeur est décédée. De la, j'ai vu certaines choses assez intéressantes sur la façon de gérer le deuil, et quelque part, cela m'a aidée à avancer ; meme si au fond, il faut quand meme que je reste lucide, il y a une douleur et un manque qui ne partiront pas vraiment, meme si cela atténué et a changé, car quand je repense aux premiers temps qui ont suivi la mort de ma soeur, c'est effrayant...J'arrive maintenant à repenser à tout cela avec un certain calme, meme si çà a pris du temps ; il y a eu plusieurs phases dans la façon de penser à ce deuil, c'est le plus souvent douloureux, et d'autant plus "traitre", que parfois on a l'impression d'avoir presque passé un cap, et d'un seul coup, çà redevient violent, on a presque l'impression de ne pas avoir avancé....mais avec le temps, un apaisement se fait ; il faut seulement respecter le fait que c'est une sorte de passage obligé, passer par des moments difficiles et douloureux, pour passer un autre cap...Je pense qu'il faut faire le chemin à sa façon ...se respecter, et en quelque sorte respecter cette douleur, la considérer comme quelque chose de "normal", par rapport au choc que l'on a subi..J'arrive maintenant à relativiser (un peu) et à parler d'apaisement, alors qu'à une époque, je pensais que ce serait vraiment impossible...
A la question de savoir si j'ai des enfants, en effet, j'ai une fille qui a maintenant 17 ans ; le fait d'avoir un enfant m'a sans doute aidée à avancer, car pour elle, j'étais bien obligée de continuer ; meme s'il y eu des choses qu'elle a vu par rapport à ma douleur que j'aurais préféré qu'elle évite... il y a eu des fois, nombreuses au début , ou j'ai eu envie de partir à mon tour, c'est quelque chose d'apparemment normal, car la douleur est tellement forte, qu'on a l'impression que mourir est la seule façon de la calmer...On a aussi une sorte d'espoir, qui est de retrouver la personne disparue...Mais ce n'est pas une solution , car au final, on bousillerait aussi ceux qui restent et comptent pour nous ; et puis comme je vous l'ai déjà dit, on se doit de rester, car cela implique aussi de continuer à faire vivre, quelque part, la personne qui est partie.... Votre soeur avait raison de vous dire qu'il fallait continuer, et aussi de sourire ; c'est sur que pour l'instant, cela vous parait impossible, mais je vous promet qu'avec le temps, çà revient...la vie, les projets reviennent...Le fait d'avoir aussi des enfants, meme si physiquement vous ne le vivre pas avec votre soeur, vous le vivrez quand meme avec et par rapport à elle, d'une autre façon, c'est tout .
Ensuite, le fait de ne pouvoir lire pour l'instant que des choses en rapport avec le deuil et la tristesse, et bien prenez en votre parti pour l'instant, cela veut surement dire que, pour l'instant, vous n'etes capable et n'avez envie que de ça ; c'est peut etre votre façon de comprendre ce qui vous arrive, et si cela peut vous aider à avancer dans la vie et progresser par rapport au deuil, il faut faire avec...Vous arriverez un jour à retrouver une gaité et une joie de vivre qui pour l'instant vous paraissent presque impossible.
A une de vos questions, je vous dirais aussi qu'en effet, on arrive à redonner un sens à sa vie, et ce meme si on est profondément et à tout jamais changé...On relativise tout, des choses qui nous paraissaient si importantes avant, changent complètement, nos priorités ne sont plus du tout les memes...on change, en tout, on devient en quelque sorte plus humain, et d'autant plus vivant que l'on a cotoyé le pire de si près...
Vous vous rendrez compte que vous n'oublierez jamais votre soeur, c'est évident, mais que vous créerez en quelque sorte, une autre relation avec elle, qu'elle sera avec vous et en vous à tout jamais...çà devient une aide et une force pour avancer...Un jour, vous repenserez avec calme, et peut etre en souriant, de tous ces moments magnifiques que vous avez vécu avec elle ; le négatif que représente sa mort sera encore là, mais plus de la meme façon... La vie finira par l'emporter...
Je ne vous dit pas tout çà uniquement pour vous rassurer, j'essaye juste d'etre le plus honnete possible, par rapport à ce que j'en sais ou en ai vécu...Je le pense très sincèrement, meme si je n'aurais jamais imaginé un jour parler comme çà ...Aller sur ce site et en parler avec vous, cela veut aussi dire pour moi que j'ai passé un cap, meme s'il reste des faiblesses....il y a encore des passages assez sombres... Mais si cela peut aider qui que ce soit, tant mieux. partager son expérience, c'est aussi une façon d'avancer ; n'hésitez donc pas à venir sur ce site ou d'autres tant que vous en ressentez le besoin, d'en parler autant que possible si cela vous aide....il faut garder l'espoir, se forcer meme à penser que cela s'arrangera, car au final, vous vous rendre compte que çà en valait la peine....
Bon, j'arrete là pour l'instant, j'ai écrit un roman, je vais finir par vous saouler !!!!
amicalement.