Auteur Sujet: Ils sont partis tous les deux  (Lu 587 fois)

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Hors ligne christelle

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Ils sont partis tous les deux
« le: 04 novembre 2025 à 20:36:44 »
Je vivais avec eux depuis 2009 : mon beau frère, agé, atteint de Parkinson, et ma soeur à peine 65 ans, d'insuffisance cardiaque. Il est parti le premier, elle l'a suivie trois mois après.
Lui, j'ai à peine eu le temps de réaliser tellement j'étais immergée dans le souci pour sa santé à elle. Mais elle n'a plus voulu se battre. Et elle est partie aussi. Ces derniers mots ? "tu vois, je pleure, je pleure, je ne peux pas m'en empêcher", alors qu'il n'y avait aucune larme physique sur son visage,  et aussi "Je vous prie de m'excuser, il faut que je m'en aille, je suis trop fatiguée". Il n'y avait que moi dans la pièce ; c'était qui ce "vous" ?
Et maintenant, je suis seule dans la maison, dans leur maison en fait. Son agenda, avec tous ces jours imprimés qu'elle ne verra jamais. Leurs vêtements, qu'il a fallu choisir pour la crêmation, si quotidiens, si pleins d'eux, et si vides. La terrasse où ils devraient être quand je remonte du jardin. Les aliments congelés, si conformes à leur goût, et inutiles maintenant. Tout me fait mal. Maintenant, j'ai l'impression que lui, il est mort deux fois, que la première fois je n'avais pas réalisé, et qu'il vient de mourir à nouveau avec ma soeur.
Le harcèlement administratif, l'horreur d'avoir à gérer "l'héritage". Il faut leur envoyer tous les papiers, le coeur serré à chaque fois devant les certificats de décès, encore et encore et encore. Pour lui d'abord, pendant des semaines, pour elle ensuite, je recommence.
L'impression d'être déchirée comme jamais je ne l'ai été. Pourtant peur de ne plus ressentir cette souffrance parce que ce serait les trahir, eux qui étaient plus que de la famille, des amis réels.

Hors ligne christelle

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Re : Ils sont partis tous les deux
« Réponse #1 le: 16 novembre 2025 à 20:17:54 »
Pourquoi est-ce que je ne voulais pas voir que Véronique allait mourir ? Je restais à côté d'elle à l'hopital, la voyait de plus en plus somnolente, grabataire. Et rien : elle n'avait que trois ans de plus que moi. On ne meurt pas à cet âge là en France. Elle n'est pas morte lors des graves alertes précédentes. Les médecins l'ont sauvée. Alors cette fois aussi ? non ?
Même l'après midi où je suis arrivée et que je l'ai trouvé dans le coma. La veille de sa mort, la veille du coup de téléphone. Même ce jour là, je me disais : je viendrai la voir demain, les médecins vont tenter autre chose. Ma mémoire a enregistré le coup d'oeil sceptique de l'infirmière quand j'ai dit "je reviens demain". Mais rien compris.
Parce que c'est pas possible. Même aujourd'hui ce n'est pas possible. Au réveil, le matin, elle ne devrait pas être toujours morte. Pourtant le coup de poignard arrive : elle est morte.
J'ai l'impression qu'elle est morte d'autant plus seule que je ne voulais pas comprendre. Je l'ai abandonnée dans sa chambre d'hopital. Mais surtout je n'ai plus suivie lorsqu'elle était de moins en moins elle-même. J'étais perdue parce que je l'avais déjà perdue. Mais elle, que ressentait-elle ? est-ce qu'elle était suffisamment lucide pour se sentir abandonnée ? est-ce qu'elle a compris à quel point la lacheté me rendait bête et inconsciente ? Qu'est-ce qu'il aurait fallu lui dire ? J'aurais du lui dire qu'elle n'était pas seule, et à cause de moi, elle l'était.
Tout à l'heure, je me suis trouvée à côté d'une personne qui cherchait son souffle après un effort. J'ai cru que j'allais... hurler ? pleurer ? parce que Véronique respirait comme ça quand je l'ai trouvée dans le coma, la bouche grande ouverte, aspirant l'air avec un grand effort. Et je n'ai rien compris. Je n'avais pas vu de mourant avant, même Yvan était plutôt bien la dernière fois que je l'ai vu, il y maintenant plus de 4 mois. Mais rester à côté d'un mourant, je ne l'avais pas encore fait. C'était ma soeur et j'ai été minable. Je suis sure que je ne l'ai pas aidée ces derniers jours où j'essayais de lui parler, de l'intéresser à ce que je vivais, à ce qu'on pourrait faire. Elle a du me trouver pathétique, ou stupide. Je ne me le pardonnerais jamais, de ne rien lui avoir apporté, de n'avoir pas su la soutenir.

Hors ligne pscar13

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Re : Ils sont partis tous les deux
« Réponse #2 le: 17 novembre 2025 à 15:27:54 »
Bonjour Christelle,

Véronique est morte, 65 ans tu dis, ce n'est pas à un âge où on s'y attend.
Impossible d'y croire, même si tous les signes sont là

Mon Amoureuse est morte il y a 7 ans.
Tous les signes étaient là, son médecin m'avait annoncé sa mort imminente.
Je ne lui ai pas dit tout ce que j'aurais voulu lui dire, ni entendu tout ce que j'aurais voulu qu'elle me dise.
Elle est morte à 56 ans, dans la nuit, tout contre moi, dans notre lit, et je n'ai rien compris
Je me suis dit que j'avais "raté" sa mort.

Ma maman est morte plus récement.
Je suis resté toute la nuit auprès d'elle alors qu'elle n'était plus consciente,
Le matin, je suis sorti de la chambre quelques minutes pour téléphoner à son médecin pour tenter de la ramener à son domicile.
Et elle est morte à cet instant là, à 90 ans.
Je me suis dit pourtant aussi, que j'avais "raté" sa mort.

Je ne sais pas si d'autres pensent avoir été là et avoir fait et dit tout ce qu'il "fallait", mais comme toi, dans les deux cas, je n'ai rien vu venir.

Ne culpabilise pas, tu ne savais pas.

Pensées pour Véronique
Amitiés

--
pscar
Le futur devient présent, et, dans l'instant qui suit, passé.
Mon rêve est devenu réalité, mon amoureuse, mon éternel présent.

Hors ligne christelle

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Re : Ils sont partis tous les deux
« Réponse #3 le: 18 novembre 2025 à 20:07:43 »
Merci pour ta réponse. Les perdre toutes les deux, je crois que je comprends. Etre physiquement si près, mais enfermé dans son propre corps de vivant, sans être conscient de ce qu'elles sont en train de traverser. oui, je crois que c'est aussi ce qui m'est arrivé, et je te remercie de partager ces souvenirs avec moi. Je me dis que je ne suis pas la seule à avoir vécu le moment où la faille se creuse irrémédiablement entre ceux qui partent et ceux qui restent, inconscients de ce qui vient de se passer, impuissants et sidérés.
Mais comment croire que je ne savais pas ? Je ne voulais pas savoir. Je n'ai jamais autant refusé de comprendre de toute ma vie. C'est vrai que je ne savais pas que ce serait cette nuit là. Pourquoi est-ce que je n'ai pas eu l'idée de demander à rester auprès d'elle alors qu'elle était dans le coma ? peut être parce que cela impliquait d'accepter que le moment approchait, et que je ne voulais pas. C'est dur de se sentir aussi incapable. Je me demande sans arrêt pourquoi je suis partie, pourquoi je n'ai rien dit, ni rien fait. De quoi avait-elle besoin à ce moment là ? Je ne le saurais jamais. j'étais complètement dépassée et inutile. C'est dur. C'est ce que nous fait la mort, nous rendre complètement inutiles.