Auteur Sujet: Ils sont partis tous les deux  (Lu 378 fois)

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Hors ligne christelle

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Ils sont partis tous les deux
« le: 04 novembre 2025 à 20:36:44 »
Je vivais avec eux depuis 2009 : mon beau frère, agé, atteint de Parkinson, et ma soeur à peine 65 ans, d'insuffisance cardiaque. Il est parti le premier, elle l'a suivie trois mois après.
Lui, j'ai à peine eu le temps de réaliser tellement j'étais immergée dans le souci pour sa santé à elle. Mais elle n'a plus voulu se battre. Et elle est partie aussi. Ces derniers mots ? "tu vois, je pleure, je pleure, je ne peux pas m'en empêcher", alors qu'il n'y avait aucune larme physique sur son visage,  et aussi "Je vous prie de m'excuser, il faut que je m'en aille, je suis trop fatiguée". Il n'y avait que moi dans la pièce ; c'était qui ce "vous" ?
Et maintenant, je suis seule dans la maison, dans leur maison en fait. Son agenda, avec tous ces jours imprimés qu'elle ne verra jamais. Leurs vêtements, qu'il a fallu choisir pour la crêmation, si quotidiens, si pleins d'eux, et si vides. La terrasse où ils devraient être quand je remonte du jardin. Les aliments congelés, si conformes à leur goût, et inutiles maintenant. Tout me fait mal. Maintenant, j'ai l'impression que lui, il est mort deux fois, que la première fois je n'avais pas réalisé, et qu'il vient de mourir à nouveau avec ma soeur.
Le harcèlement administratif, l'horreur d'avoir à gérer "l'héritage". Il faut leur envoyer tous les papiers, le coeur serré à chaque fois devant les certificats de décès, encore et encore et encore. Pour lui d'abord, pendant des semaines, pour elle ensuite, je recommence.
L'impression d'être déchirée comme jamais je ne l'ai été. Pourtant peur de ne plus ressentir cette souffrance parce que ce serait les trahir, eux qui étaient plus que de la famille, des amis réels.

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Re : Ils sont partis tous les deux
« Réponse #1 le: Hier à 20:17:54 »
Pourquoi est-ce que je ne voulais pas voir que Véronique allait mourir ? Je restais à côté d'elle à l'hopital, la voyait de plus en plus somnolente, grabataire. Et rien : elle n'avait que trois ans de plus que moi. On ne meurt pas à cet âge là en France. Elle n'est pas morte lors des graves alertes précédentes. Les médecins l'ont sauvée. Alors cette fois aussi ? non ?
Même l'après midi où je suis arrivée et que je l'ai trouvé dans le coma. La veille de sa mort, la veille du coup de téléphone. Même ce jour là, je me disais : je viendrai la voir demain, les médecins vont tenter autre chose. Ma mémoire a enregistré le coup d'oeil sceptique de l'infirmière quand j'ai dit "je reviens demain". Mais rien compris.
Parce que c'est pas possible. Même aujourd'hui ce n'est pas possible. Au réveil, le matin, elle ne devrait pas être toujours morte. Pourtant le coup de poignard arrive : elle est morte.
J'ai l'impression qu'elle est morte d'autant plus seule que je ne voulais pas comprendre. Je l'ai abandonnée dans sa chambre d'hopital. Mais surtout je n'ai plus suivie lorsqu'elle était de moins en moins elle-même. J'étais perdue parce que je l'avais déjà perdue. Mais elle, que ressentait-elle ? est-ce qu'elle était suffisamment lucide pour se sentir abandonnée ? est-ce qu'elle a compris à quel point la lacheté me rendait bête et inconsciente ? Qu'est-ce qu'il aurait fallu lui dire ? J'aurais du lui dire qu'elle n'était pas seule, et à cause de moi, elle l'était.
Tout à l'heure, je me suis trouvée à côté d'une personne qui cherchait son souffle après un effort. J'ai cru que j'allais... hurler ? pleurer ? parce que Véronique respirait comme ça quand je l'ai trouvée dans le coma, la bouche grande ouverte, aspirant l'air avec un grand effort. Et je n'ai rien compris. Je n'avais pas vu de mourant avant, même Yvan était plutôt bien la dernière fois que je l'ai vu, il y maintenant plus de 4 mois. Mais rester à côté d'un mourant, je ne l'avais pas encore fait. C'était ma soeur et j'ai été minable. Je suis sure que je ne l'ai pas aidée ces derniers jours où j'essayais de lui parler, de l'intéresser à ce que je vivais, à ce qu'on pourrait faire. Elle a du me trouver pathétique, ou stupide. Je ne me le pardonnerais jamais, de ne rien lui avoir apporté, de n'avoir pas su la soutenir.