Chère Lili38,
Non, tu n'as pas à être désolée d'en parler. Quand je t'ai lu, j'ai l'impression de revoir la cérémonie de mon propre frère. Tout ce que je peux te dire, c'est que je partage grandement ta peine...
La différence, c'est que mon frère n'était pas engagé dans l'armée, il était juste un volontaire technique en formation. Lors de la dernière épreuve, un rallye, il est tombé de fatigue, sous un soleil plombant, et personne, même les chefs, n'avait les moyens de le secourir ! Ils ont attendus longtemps dans la panique avant d'appeler l'ambulance. On l'a plongé dans le coma, mais son corps continuait à chauffer jusqu'au lendemain où j'ai pu le voir à l'hôpital (encore vivant). Comme toi, je n'admettais pas qu'il soit là. Ce n'était pas mon frère, c'était quelqu'un d'autre. J'ai baissé la tête, mais au final, je l'ai vu et j'ai eu très mal, j'ai eu du mal à respirer. Puis on nous a mis dehors car y avait un problème. Donc je ne l'ai plus vu jusqu'à ce que son coeur s'est arrêté de battre. Après, ça a été très vite. Il y a eu la veillée familiale à la maison pendant que mon frère a été emmené pour une autopsie. Ca a été horrible ! On a prié, chanté, pleuré, tellement prié pour qu'il puisse trouver le chemin pour partir. Puis comme pour ton frère, il y a eu l'armée qui a accompagné son cortège funéraire jusqu'à la veillée (pour tous). Puis le lendemain, l'armée a porté son cercueil jusqu'au cimentière. Non, il n'était pas encore totalement à nous. Hommage, chant, prière etc. Nos hommes l'ont porté jusqu'à sa tombe et l'ont mis dans le trou. Les militaires, les jeunes volontaires font leur hommage individuellement devant sa tombe, on lance des gerbes. Je n'avais pas la force de tenir quoi que ce soit, on m'avait fichu une gerbe dans ma main et aidé à la jeter dans le trou.
Pour tout te dire, j'ai très peu de souvenirs de ses obsèques. A quel moment j'ai bien "assisté" ? C'est quand j'ai revu les vidéos, les photos de la veillée et de l'enterrement. C'est là que je vois comment ça s'est passé, qui sont les gens qui sont venus, qui a parlé, qui a dit quoi, etc.
Et je me suis rendue compte que, pas une seule fois, il n'est rentré à la maison ! On l'a suivi de l'hôpital jusqu'au cimentière, c'était terrible.
Aujourd'hui, je n'ose pas regarder ces vidéos, ça me fait mal. Ce sont les vidéos de sa mort, c'est l'évidence même qu'il a vraiment disparu, ça ne fait qu'empirer la douleur que je ressens. Alors, je me console en visionnant ses photos où il était heureux, ses vidéos où je vois son visage s'animer... Au début, je prenais tout le temps sa grande photo avec moi pour dormir chez les autres. Tellement qu'un jour, quand je suis arrivée sans sa photo, ils m'ont tous dit, étonnés "Hé ? Tu n'as pas emmené ton frère ?" - "Où il est ?" - "Tu ne l'as pas oublié ?" haha. Je crois que c'est à partir de ce moment là que j'ai appris à avancer un tout petit peu, mais c'est déjà un grand pas pour moi.
Cela va faire 1 an et 8 mois, et la douleur est toujours là. Et non, le temps n'y changera pas grande chose. Qui t'a dit ça ?! Chaque jour qui passe, son absence me tue à petit feu. Ses anniversaires, ses jours spéciaux, Fête des mères, Fête des pères, la Toussaint, Noël, le Nouvel An, le jour de sa mort... Tous ces jours sont toujours aussi douloureux. Mais j'ai la force, je survis chaque jour. J'ai des personnes à aimer, des choses à faire, j'essaye de tenir des promesses et je m'occupe le plus possible pour ne pas rester enfermée. Et étrangement, le temps file à une vitesse hallucinante. Et pourtant, c'était comme si je l'avais perdu hier ! C'est dingue.
N'hésite pas à parler un peu plus de ton frère. Et n'oublie pas, nous sommes là pour partager ta douleur.
Des bisous.
Riata