Auteur Sujet: solitude et deuil  (Lu 6732 fois)

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solitude et deuil
« le: 15 mai 2016 à 22:04:47 »
Bonsoir à vous. Je me connecte quelques fois pour lire vos témoignages, parce que cela m'aide à pleurer. Cela peut sembler étrange mais la plupart du temps, j'arrive à complétement nier et refouler le décès de ma petite soeur de 25 ans. Dieu sait pourtant que je l'aime plus que tout et que son départ me laisse une plaie vive. et le fait de ne pas pouvoir me confier autour de moi renforce ce déni. Alors lire ces mots sur la mort et le deuil m'aide à extérioriser mes émotions, ce que je fais difficilement.

J'aimerais savoir si d'autres personnes connaissent ce sentiment d'extrême solitude dans le deuil, qui dépasse la pudeur des émotions, mais qui vient plutôt de l'entourage. Qui ne supporte pas d'entendre parler de la mort, de la maladie, de la tristesse. Je constate que je me sens "obligée" de faire semblant. je rassure quand je dis que je vais bien. alors je ne dis jamais que je fais mal. Je pleure en cachette derrière un écran d'ordinateur en lisant des témoignages d'inconnus mais sans pouvoir parler à ceux qui me connaissent pourtant. un peu comme docteur jeckyll et mister hide, j'ai le sentiment d'être 2 personnes complétement différentes. en façade et à l'intérieur. Si cela vous parle, comment le vivez-vous ?

Bien à vous

Hors ligne souci

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Re : solitude et deuil
« Réponse #1 le: 16 mai 2016 à 00:03:53 »

    Bonsoir, Kgibran,

    Fan du poète sans doute ...

    Bienvenue parmi nous.

    L' extrême solitude du deuil ... un grand sujet ...
    Cette solitude engouffre les personnes comme toi, comme moi, qui ont perdu un être fondamental pour leur équilibre affectif, pour leur confiance en la Vie, pour se mouvoir dans un confortable rapport au temps et aux autres ...
    Le deuil, la mort, efface tous ces repères, nous malmène ...
    Et la vie devient difficile avec nos proches, et avec les gens "normaux" qu'on croise au quotidien ... décalages ... susceptibilité ...
    Elle devient difficile et nous avons difficile par rapport à nous-mêmes !
    Tu demandes "comment le vivez-vous", et effectivement chacun vit ça de façon différente selon sa sensibilité, sa construction psychique intrinsèque, les expériences acquises, son contexte actuel ...
    Alors je ne vais te répondre que de moi à toi ... même si j'aime bien employer le "nous", parce qu'il est chaleureux, pas pour amalgamer.
 
    Tu as perdu ta jeune soeur de 25 ans, je suis désolée pour cette peine que tu vis.
    Moi, il y a trois ans, j'ai appris qu'un de mes cinq neveux s'était suicidé, à 14 ans.
    L'annonce de sa mort fut une décharge électrique qui a déconstruit tout en moi.
    Dans les premiers temps, il me semblait que tous ceux qui aimaient Kalahan s'étaient rassemblés dans la souffrance ... et peu à peu, j'ai compris qu'on devait tous vivre cela au plus profond de nous, dans l'incommunicable.
    Ma maman, qui est "croyante", est bien éloignée de moi qui ne suis qu'"espérante", par exemple. Nous nous adorons mais ce sont deux façons de penser au petit défunt très différentes, puisque le croyant s'appuie sur une certitude, alors que non-croyant doit créer une espérance faite sur-mesure pour s'accrocher.
   Mais ça, c'est encore que la partie "pensante"... la partie "souffrante", c'est encore plus complexe à gérer.
   Je ne freine mes émotions qu'un minimum quelquefois bien indispensable, j'ai besoin de ressentir pleinement, je m'exprime, consciente que je ne suis pas toujours comprise, faut que ça sorte.
    L'an passé, j'ai vécu une crise de couple avec mon conjoint, car il voulait "me voir aller mieux", un truc dans le genre, on a dû consulter en thérapie de couple pour arriver à se parler, alors qu'on se connaît depuis 20 ans, c'est te dire jusqu'où ça va cette solitude, cette frustration, cette exigence de l'impossible ...

   Les conversations, aussi subtiles et ouvertes soient-elles, ne nous permettent plus la facilité de penser que nous sommes compris,
   peut-être parce que nous savons, face à la tragédie de la mort, que nous ne savons très peu sur notre propre personne.

   Il nous faut sortir des sentiers battus pour lutter contre nos désespoirs et nos colères sous leurs formes diverses et variées.
   Il nous faut trouver au jour le jour, parfois d'une heure à l'autre, les moyens de "continuer"notre vie en pointillés ...

   Voilà, amie de Gibran,
   je t'ai écrit spontanément en espérant que ... de ta solitude, tu te sentes encouragée quand même ...
   Bien solidairement, Martine.

Hors ligne Magi

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Re : solitude et deuil
« Réponse #2 le: 16 mai 2016 à 05:24:28 »
Bonsoir Kgibran,

La solitude, ? Je crois que Souci a très bien rèsumé ce que chacun de nous vit.
Il y a 8 mois, j'ai perdu ma fille de 28 ans,. Une partie de moi est partie avec elle et je dois me reconstruire...c'est une expérience d'une grande ( je dis souvent extrême et infinie) solitude, malgré le fait que je sois bien entourée .
Mon autre fille de 14 mois plus jeune que ma fille disparue a été plusieurs mois à éviter ses amies qui, selon elle, ne pouvaient pas comprendre.  Lorsqu'elle a commencé à s'ouvrir avec des amies " choisies", elle s'est sentie écoutée et ça lui a fait du bien.
Je crois qu'effectivement, les gens qui n'on pas vécu ce genre de perte ne peuvent pas comprendre ce que signifie cette " amputation", malgré toute leur bonne volonté.
C'est vraiment terrible, perdre sa soeur, c'est inconcevable ...
C'est pourquoi il est plus facile d'en parler avec des personnes qui ont vécu la douleur d'une telle perte.

Tu dis avoir l'impression, parfois, de ne " rien ressentir".  Tu te sens déconnectée de tes émotions, éteinte.
Je pense que cela fait partie du deuil, le deuil n'étant pas un processus linéaire. C'est ce qu'on appelle "les montagnes russes" .Je commence à peine à comprendre ce que c'est.  Cela est sans doute un mécanisme de protection ...ressentir est parfois si douloureux...

Ne restes pas seule avec cette douleur, ou avec ces questionnement sur ce que tu "devrais " ou "ne devrais pas " ressentir.

Essaie de trouver une oreille attentive, tu sais parfois les gens ne savent pas comment nous aborder...ils ont peur de "réveiller" notre peine en parlant de notre chère disparue, mais nous, tout ce qu'on veut, justement, c'est de parler d'elle...

Il y a aussi des groupes de paroles, et des groupes fermés FB de freres et soeurs endeuillés

Ici tu trouveras de l'écoute. Tu peux tout dire sans craindre d'être jugée.

Sois la bienvenue et parles-nous de ta petite soeur , si tu en as envie.

Affectueusement

p.s. J'ai cité Gibran dans mon texte d'aurevoir à ma fille..."Vos enfants ne sont pas vos enfants..." Un grand poete plein de sagesse...

Hors ligne kgibran

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Re : solitude et deuil
« Réponse #3 le: 16 mai 2016 à 07:42:36 »
Oh oui j'aime beaucoup ce poème. "vous pouvez accueillir leurs corps mais pas leurs âmes". Gibran est justement un refuge. un peu de sagesse et donc de paix.

merci à vous deux d'avoir pris le temps de me répondre. avec autant de délicatesse. de justesse.

j'évoque mon entourage, mais il est vrai que moi-même je ne sais même pas ce que je ressens. oui c'est cela, des montagnes russes... par moments tout me semble irréel. bien que ma petite soeur soit partie il y a 8 mois. j'arrive même à être comme avant. J'ai toujours son numéro de téléphone et tous ces sms. Si je les supprimais c'est comme si j'avouais que c'est vraiment arrivé. et puis à d'autres moments je me rends compte qu'elle n'est plus là. et toutes les images de son cancer me reviennent. mais cela ne dure pas. l'été dernier, alors qu'elle semblait aller bien jusqu'alors, ma petite soeur est entrée à l'hôpital. une bronchite qui ne passait pas, et des points de côté. je l'ai emmenée en lui disant, c'est rien. t'as du te faire mal aux côtes à force de tousser. en fait c'était un cancer du colon en stade terminal. des métastases aux poumons en guise de bronchite et au foie, ce n'était pas un simple point de coté. 3 mois plus tard, et 2 chimio à peine, ma petite soeur a arrêté de respirer.
En fait cela me semble trop absurde pour être vrai. je commence à peine à réaliser, admettre. oui amputé c'est bien cela.

je comprends cette crise de couple que tu as pu connaître. j'ai 30 ans et nous n'avons que 5 ans d'écart avec ma petite soeur mais je l'aime comme une mère, bien que je n'ai jamais eu d'autorité sur elle, elle a toujours eu trop de caractère pour ça. je n'en parle que peu à mon compagnon ou mes amies; et à vrai dire je leur parle peu aujourd'hui. parce que je n'arrive pas à me défaire de ma susceptibilité. quand les mots ne sont pas justes. voire blessent, et résonnent le non vécu, quand je sens cette frontière. comme s'il y avait les gens normaux comme tu le dis justement, et ceux qui sont écorchés. pourtant je ne peux pas attendre que d'autres ressentent une douleur qu'ils ne peuvent partager, puisque chaque relation est unique.

malgré tout, cela fait du bien de lire des mots dans lesquels on se reconnaît un peu..

merci pour votre partage





Hors ligne souci

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Re : solitude et deuil
« Réponse #4 le: 12 juin 2016 à 13:25:47 »

     Un petit signe de tendresse et de reconnaissance de ma part, Kg.

     Tu es très discrète sur le forum mais tu viens, profonde, brûlante d'Amour pour ta soeur.

     Pas de mots pour exprimer les ressentis d'un tel chagrin, mais tu lis à travers nos lignes et ton coeur traduit ...
     
     Douceur à toi, Martine.

     

     

     

Hors ligne kgibran

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Re : solitude et deuil
« Réponse #5 le: 12 juin 2016 à 23:07:35 »
Oh merci Martine
La discrétion ou plutot la pudeur des sentiments.
Je me plonge dans ce que je lis. Cela m extirpe du silence. Le cancer est une folie. Il me laisse sans voix.
Mais quand je rencontre un peu de poésie ou de vérité cela m appaise. Certains post le communiquent
La littérature la poésie. Je le partageais avec ma choupinette
Bien à toi Martine