Bonjour à tous,
Je suis nouvelle sur ce forum, et je m'y suis inscrite car je sais qu'ici, je peux me livrer sans réserve.
Mon histoire va vous sembler improbable et pourtant elle est bien réelle.
J'ai bientôt 36 ans et suis maman d'une petite fille de 2 ans.
Tout à commencer pendant l'enfance. Mon père, alcoolique et violent nous a fait mener une vie infernale à ma mère, mon frère, ma soeur et moi. Nous pensions nous en être "plutôt bien tirés" compte tenu de notre enfance (j'ai de plus été violée à 15 ans).
Mais à l'âge de 20 ans, mon frère que j'aimais plus que tout, a commencé à avoir de bouffées délirantes. Quelques mois plus tard, après plusieurs hospitalisations, le diagnostic est tombé : skizophrénie paranoïde.
Entièrement coupée du reste de ma famille à cause de mon père, j'ai réussi à trouver du réconfort auprès de ma meilleure amie.
En février 2003, cette meilleure amie (23 ans) qui était GO dans un club de vacances, était enfin de retour après 6 mois de voyage en Tanzanie. Elle m'avait tellement manqué... Nous nous sommes donnés rendez-vous le soir même, pour prendre l'apéro chez elle, dans son petit appartement. Quand je suis arrivée, l'immeuble était en feu. Personne ne s'était préoccupé d'elle, pensant qu'elle était toujours en voyage. J'ai eu beau hurler qu'elle était chez elle, les pompiers et les voisins me disaient que l'immeuble avait été entièrement vidé... Sauf l'ascenseur... Elle y est morte devant mes yeux, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. je reverrai toujours les portes de l'ascenseur s'ouvrir, et ses ongles arrachés sur le sol, tellement elle avait essayé d'ouvrir les portes.
Les mois ont passé, et je me suis concentrée sur mon frère qui semblait plus stable. Je mettais tout en oeuvre pour son bien-être, pour éviter les crises. Il était médicamenté et avait trouvé le travail de ses rêves.
En décembre 2005, mon père (54 ans) décède des suites de son alcoolisme. Je savais que ce jour arriverait et j'avais essayé de préserver mon petit frère et ma petite soeur, en leur répétant régulièrement que papa ne vivrait sans doute pas vieux, au vu de ses excès...
Mon frère semblait plutôt bien encaisser la nouvelle. Nous sommes rassurés.
En avril 2006, mon frère (25 ans) est licencié économique. Son rêve s'effondre. Il décide alors de lui même de ne plus prendre ses médicaments et disparait dans la nature. Après 10 jours de recherches tout azimut (police, gendarmerie, sa future femme ma soeur, mes amis... tout le monde...), nous le retrouvons en pleine crise sur le parking de son ancienne école. Il ne se nourrissait que de pommes de terre crues, glanées dans le champs d'à-côté. Je préviens immédiatement son psychiatre et lui demande une hospitalisation comme c'était le cas à chaque crise. Il me dit qu'il n'y a pas de soucis, mais que cette fois, il part en vacances, et que ce n'est pas lui qui accueillerait mon frère. Je le supplie de le voir avant de partir, lui répète que mon frère n'a confiance qu'en lui, que la crise est plus violente cette fois. Il refus, et me dit que ses amis l'attendent dans le sud.
Nous faisons hospitaliser mon frère un samedi, le 21 mai 2006, et je précise bien à son entrée, qu'il s'est confectionné un petit carnet contenant des réponses types aux questions habituelles, pour minimiser son état. Il le cache sur lui, mais je ne sais pas où. Il passe l'interrogatoire d'usage, et le personnel médical estime qu'il est en crise légère, et qu'il ne faut pas le sédater avant que le traitement n'agisse à nouveau. Je leur répète qu'il est skizophrène, mais pas bête, et qu'il leur joue la comédie. "Nous connaissons notre métier Mademoiselle". Sans doute.
Le dimanche 22 mai, il fait très beau. Je décide de prendre l'air avec quelques amis, rassurée de savoir mon petit frère encadré. Puis vers 16h, le téléphone sonne, c'est ma petite soeur :
- "Où es-tu ? Tu n'es pas chez toi ? On est devant la porte ! Ouvre !"
- "Non, je ne suis pas chez moi, pourquoi, qu'est ce qui se passe ?"
- "Il est décédé, il s'est pendu avec son pantalon de pyjama à l'hôpital".
Le monde s'effondre comme jamais. J'entre aux urgence psychologique du CHR, je suis mise sous anxiolytique.
Dès le lendemain, la réalité prend le dessus, et il faut organiser les funérailles. Je décide également de suivre une psychothérapie expérimentale à l'époque (Gestalt-thérapie) qui, au bout de 3 ans, me permet de renouer avec moi même, de rencontrer un homme super et d'avoir une petite fille.
Tout allait si bien depuis 5 ans !
Et puis l'année dernière, ma soeur (31 ans) tombe enceinte de sa 2ème petite fille. La grossesse se passe mal. il y a quelque chose qui cloche. On lui trouve des cavernomes dans le cerveau et elle accouche sous césarienne avec une opération cérébrale en parallèle. Ouf, tout le monde va bien. Nous voilà rassurés.
Pourtant, les symptômes recommencent il y a environ 1 mois : "Ce n'est rien, ce sont mes cavernomes" me dit-elle.
Le neurologue lui prescrit un IRM de contrôle. Et là : stupeur, une tumeur sur l'hémisphère cerebelleux gauche avec oedeme péri-lésionnel.
On y croit, on espère que tout ça n'est qu'une mauvaise blague, que c'est bénin.
Mercredi dernier, elle se fait opérer : exérèse totale ! OUF !!!
Jeudi, le diagnostic tombe (et mon monde s'écroule) : (j'édite le nom) avec nombreuses métastases dans le liquide céphalo-rachidien. Elle est condamnée. Il est trop tard.
Elle a 2 magnifiques petite filles de 4 ans et 5 mois, elle a été mon salut à la mort de notre frère, elle est ma meilleure amie, ma confidente, ma petite soeur que j'aime tant. Et elle aussi, elle va partir dans la souffrance, en déclinant au fur et à mesure des jours, des semaines, des mois.
Et surtout, elle me supplie de ne rien dire à notre chère Maman qui ne se remet pas de la mort de notre frère, qui est depuis dépressive et fortement diminuée physiquement. Alors je souris devant notre Maman, devant ma soeur, devant ma fille, devant mes amis, devant mes collègues... J'ai repris ma psychothérapie, et ma psy elle-même semble dépassée, mon médecin (et ami) de la famille est lui aussi accablé, et m'a encore dit ce matin "je n'y crois pas, ce n'est pas possible tout ce qu'il vous arrive, il faut que tu te battes, que tu résistes".
Je suis déterminée à résister, pour ma fille. Parce qu'elle est ma raison d'être. Mais j'ai si peur que ce soit son tour, un jour. La vie ne m'a rien épargné, alors pourquoi ne me prendrait-elle pas ma fille à l'avenir ? Je sais que je ne dois pas y penser, mais comment voulez-vous ?
Ce matin, notre médecin de famille m'a prescrit des antidépresseurs. Ils sont dans mon sac et je suis sensée commencer le traitement ce soir. Je ne sais pas si c'est une bonne idée: beaucoup d'effets secondaires, l'anesthésie des émotions, l'addiction psychologique...
Bref, en parler ici est peut-être bien meilleur.
Voilà une partie de mon histoire...