Auteur Sujet: 7 mois après le décès de ma soeur, mon amien ma confidente  (Lu 8686 fois)

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CHANTE19

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Ma plus jeune soeur est décédée en septembre dernier d'un cancer du poumon et des os (colonne vertébrale) après neuf mois de souffrance intolérable. Elle avait 59 ans. Ma soeur ainée et moi même l'avons accompagnée jusqu'au bout, passant les deux derniers jours et les deux dernières nuits avec elle. Son départ m'a anéantie. Je vis seule, mes enfants ont leur propre famille, j'ai très peu d'amis et ma petite soeur était tout pour moi. Nous passions des heures au téléphone car nous habitions à 400 kms l'une de l'autre. Je partais la rejoindre à chacune de mes vacances. Nous nous écoutions, nous nous comprenions. Sa générosité était sans faille et sans limite. Elle était belle, avait beaucoup de classe et de charme. Le monde s'est effondré le jour de son départ. Mon beau-frère est un homme d'affaire dynamique et intelligent. Il a admirablement géré la maladie de ma soeur qui était en hospitalisation à domicile, me demandant de le remplacer quand il partait à l'étranger pour son travail. Il a fait preuve d'une patience admirable, d'un dévouement remarquable. Il aimait ma soeur et pourtant ! Il vient de m'annoncer qu'il avait rencontrer une femme, veuve depuis deux ans. J'en ai eu le souffle coupé! 6 mois après le départ de sa femme, il a décidé d'arrêter de souffrir et de tourner une page pour recommencer un nouveau chapitre ! Il n'oublie pas. Il veut simplement vivre sans souffrir. Je suis effondrée. A cette annonce, j'ai eu la sensation que ma soeur mourait une seconde fois ! Il m'a dit avoir fait sont deuil. Il l'aurait commencé avec l'annonce de l'issue fatale de cette maladie. Moi, j'ai espéré jusqu'au bout ! Je n'ai pas commencé mon deuil! J'essaie simplement de montrer que mon état psychologique est bon; Les deux filles de ma soeur ont accepté la décision de leur père.  Elles sont mamans de deux petits bébés, l'un né huit jour après le décès de ma soeur et l'autre deux mois après, jour pou jour, et bien qu'elles pensent quotidiennement à leur Maman, elle pense aussi au bonheur de leur père.
Il semble que je sois la seule à avoir mal réagi à cette annonce aussi bien dans la famille que parmi les amis du couple. Je me demande si tous ont été sincères dans leur réaction. L'une de mes nièces pensent que c'est parce que je vis seule et que je n'ai plus rien pour m'accrocher.
En fait j'ai l'impression que mon beau-frère a trahi l'amour du couple, par égoïsme, pour ne plus souffrir ! Est-ce que 34 ans de vie commune avec ses bonheurs, ses joies mais aussi ses peines, ses difficultés, ses divergences ne méritent-ils pas de souffrir un peu. N'aurait-il pas pu attendre une année avant de se décider à refaire sa vie ? J'ai toujours eu beaucoup d'affection et d'admiration pour cet homme, mais je dois dire que depuis cette annonce, son aura a été bien entamée ! Je n'arriver pas à le comprendre.
Comment accepter cette situation ? Comment commencer et vivre le deuil de ma soeur ?
Merci à tout ceux qui pourraient m'aider.


Hors ligne bruno

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Re : 7 mois après le décès de ma soeur, mon amien ma confidente
« Réponse #1 le: 03 mai 2011 à 14:53:09 »
               Bonjour,
  j'ai moi meme perdu ma femme il y a 7 mois,le 14 Septembre 2010,et d'un cancer du poumon metastase au cerveau.Ce que je vais vous dire n'a aucune valeur de jugement ou d'opinion,mais pour avoir eu le meme parcours que votre beau frere,je pense que le plus important etait dans les moments ou votre soeur,sa femme etait encore en vie et dans le combat contre sa maladie...Vous le dites vous meme,il a gere admirablement tout ca.
  Par experience identique,je vous assure qu'on souffre beaucoup de toute cette impuissance,et de l'echeance fatale puisque annoncee.Puis lorsque celle ci arrive,on realise alors qu'en fait,le deuil est deja commence depuis bien longtemps,car lui etait le mari,et qu'une vie de couple explose pas mal avec l'annonce et les debuts de ces traitements lourds qui vont avec.Ce que je veux dire par le deuil etait commence,c'est en fait que cette maladie dite evolutive entraine une serie de petit deuils successifs,deuil de certaines choses que l'on pouvait faire avant,et qui ne sont plus possibles,deuil de l'avenir,de l'idee qu'on s'etait fait de la retraite a deux,deuil secret pour l'accompagnant de dire :"l'annee prochaine"...etc..etc...En tout cas,c'est le constat que j'ai pu faire apres cette periode anesthesiante de juste apres sa mort.
  Et puis,je crois aussi que vous avez perdu la meme personne,mais pas la meme "chose"dans vos vies respectives.Pour lui (comme pour moi)c'est une remise en question totale de notre vie,un chamboulement enorme,un poids de tristesse et de defaite impressionnant.
  Le mieux pour honorer la memoire et le courage de ces femmes qui se sont battuent pour survivre,qui ont souffert dans leurs corps,leurs ames,leur feminite,n'est il pas de reprendre la vie,cette vie precieuse qu'elles ont perdu,et d'essayer de ne pas gaspiller ces annees qu'elles ne vivront pas...L'essentiel etait de leur vivant,apparement il a ete bien fait,elles n'ont pas eu le sentiment d'etre abandonnees,laissees pour compte car transformees par la maladie et traitements divers (chimio).
  Je pense pour vivre la meme situation que votre beau frere,que lorsque la mort les a "liberees"de leurs souffrances,on a le droit aussi peut etre d'arreter de souffrir (pas evident,mais...)Votre soeur que vous aimiez et connaissiez bien aurait elle voulu voir son amour continuer a souffrir apres son depart?ou prefererait elle le voir le mieux possible?
  6 mois ou 1 an,sont ils vraiment importants?ou bien n'est ce pas la pensee pour la personne disparue qui l'a fait vivre encore a travers ceux qui restent?
  Ce n'est pas parcequ'il a rencontre quelqu'un,parcequ'il tente de vivre encore qu'il a oublie sa femme...Certainement pas d'ailleurs...Mais ce qui est sur,c'est qu'on ne peut plus rien pour les "morts",a part prier pour eux.Je ne crois pas que le deuil soit une affaire de temps,ou du moins seulement.Cela vient peut etre d'une autre epoque,ou on observait le voisin,et ou les jugements hatifs fusaient.Cela a d'ailleurs du occasionner bien des periodes "officielles de deuils"tres hypocrites,ou politiquement correctes.
  D'ailleurs,vous precisez que la femme rencontree est veuve aussi..Ils doivent mieux se comprendre,et elle saura sans doute lui laisser la memoire de sa femme,voir meme l'entretenir avec lui,puisque dans le meme cas.
 
   Que pensez vous de ce point de vue?

  Je n'est pas moi meme encore rencontre de femme depuis sa disparition,mais si je devais voir quelqu'un de bien,je pense que je n'hesiterai pas,que je ne regarderai pas combien de temps a passe...Et puis,si un jour vraiment je ressens quelque chose pour une femme,c'est qu'elle acceptera ma douleur,ma perte,mon souvenir...Je voudrais meme,ou j'aimerais plutot qu'elle vienne avec moi sur la tombe de Sandrine,comme si je la lui presentait,et qu'eele me donne sa benediction....     

ergé

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Re : 7 mois après le décès de ma soeur, mon amien ma confidente
« Réponse #2 le: 03 mai 2011 à 17:42:01 »
Bonjour Chante19,

Je comprends votre désarroi, mais essayez de comprendre celui de votre beau-frère. Je partage complètement le point de vue de Bruno, dont je connais un peu le parcours qui ressemble au mien. J'ai accompagné du mieux que j'ai pu, pendant des mois, mon épouse, sur ce chemin très difficile vers la mort; un parcours atroce pour elle (atteinte, encore jeune, d'un cancer du sein avec métastase cérébrale) en pleine conscience, dans la déchéance et la dépendance. Ce fut un calvaire pour elle, et ce fut abominable pour moi, de la voir souffrir ainsi. Elle est décédée au début février 2010.

Un de mes derniers "petits" deuils, avant le vrai, le définitif, tiré de mon journal :

"Noël de douceur, de chaleur, de bonheur. De nostalgie et de mélancolie aussi. Tous réunis autour de Michelle, dans la chambre, près du sapin ; rien de changé, ou presque, par rapport à l’habitude, si ce n’est le lieu...
Elle a gouté à tout : une larme de champagne, quelques petits fours, trois huîtres, un peu de saumon, une petite tranche de foie gras, quelques bouchées de chapon, quelques cuillérées de bûche glacée, et deux doigts de Gevrey-Chambertin pour arroser le tout.
Un Noël dans la tradition, dans le calme aussi, sans stress, sans histoire. Un Noël dans un cocon : de bonheur et de tristesse mêlés, extrêmes, indissociables dans le cœur et l’esprit de tous. Sans y réfléchir, chacun sent bien, inconsciemment, que ce Noël est particulier, exceptionnel, que c’est le dernier du genre et qu’il restera dans les mémoires…"

15 mois après, je reste seul, avec mes souvenirs et ma douleur; certes il y a les enfants, les petits-enfants; chacun sa souffrance, mais celle de celui qui reste me semble incomparable, car effectivement, c'est toute la vie, au quotidien, qui est remise en cause.

Je comprends, j'imagine, la culpabilité qu'il peut y avoir à continuer sa vie avec une autre compagne (ou compagnon); mais je pense que beaucoup de disparus ne souhaiteraient pas imposer au survivant un veuvage éternel; il ne s'agit pas, comme vous l'écrivez, de "refaire" sa vie, mais de la poursuivre, sans rien abandonner du passé, surtout quand il a été heureux. Culpabilité, oui, trahison, certainement pas.

Cocteau disait que le véritable tombeau des morts est le coeur des vivants. Pour ce qui me concerne, ma femme aura toujours sa sépulture dans le mien; on n'est véritablement mort quand plus personne ne pense à vous. Moi vivant (et après moi, mes enfants aussi, j'en suis certain), elle sera toujours vivante, quoi que l'avenir me réserve.

En tout état de cause, je ne crois pas que qui que ce soit soit autorisé à juger du comportement du survivant s'il est décent et correct (je ne parle pas de période de deuil hypocrite, de convenance); même les enfants, qu'il est naturel d'informer, ne doivent pas, à mon sens, dicter leur loi; Alors (pardonnez ma franchise, elle ne cache aucune agressivité) encore  moins une soeur qui, dans tous les cas, a sa vie ailleurs.

Dites vous que votre beau-frère a un peu de chance dans son malheur, ne le jugez pas et ne lui imposez pas, par convenance ou pour vous faire plaisir, d'être malheureux jusqu'à sa propre mort; votre propre soeur, hélas, ne reviendrait pas et ne serait pas plus heureuse pour autant. 

Amicalement