Je pense comme toi, KS,
que les plus empathiques des personnes, si elles ne sont pas passées par un traumatisme pareil, ne peuvent envisager comment on se sent démoli(e)et torturé(e).
Les médocs n'en parlons même pas.
Et je pense aussi que l'écoute, les justes mots de réconfort, bien que très utiles et temporairement bénéfiques, ne font que laisser entrevoir un espoir "d'aller mieux", mais que cet aller-mieux ne reviendra que dans beaucoup de temps (ou peut-être même pas).
Hier je suis allée voir ma psychiatre, sa gentille collègue qui a perdu un fils de 28 ans depuis plusieurs années n'a toujours pas pu reprendre son travail: preuve que ce n'est pas de "savoir"qui permet d'assainir une telle blessure (je ne parle même pas de cicatriser (!), car ce ne me semble approprié que pour des entailles plus légères)
Assainir, trouver par soi-même, non en terme de raisonnement, mais de ressenti profond, que l'amour est toujours aussi fort, et créer son anti-venin avec ça.
Cela ne fait pas longtemps que j'y parviens de mieux en mieux.
Je ne pense pas que cela corresponde à l'idée qu'on en tête ceux qui pensent qu'on "fait son deuil",
je crois que c'est tout le contraire et surtout que c'est beaucoup plus dingotaré: je les laisse dire sans broncher, ceux qui pensent qu'on a "accepté", ce n'est que du vocabulaire après tout et de toute manière on ne peut parler de "ça" qu'avec des parents en deuil
(ah, je vois, il y en aura encore pour me dire que moi, je ne suis "que" une tata, ok, ok.)
N'empêche que l'autre jour j'ai reparlé à une dame qui "sait", une dame qui a perdu un jeune fils dans un accident voici 24 ans, et j'ai bien senti à nos regards que nous étions au diapason pour pas mal de choses concernant le besoin viscéral de ne surtout pas "les laisser partir"
Quant à ce "quelque chose qui s'est brisé", c'est irréparable, et cependant, c'est la conviction de maintenir un lien extrêmement fort avec le petit disparu qui devient la source d'un nouveau-possible élan vital sincère: celui que tu maintiens pour le moment "avec efforts", est encore feint, il se fait et te fait mal, et j'espère qu'il se passera pour toi ce qui m'arrive depuis peu de temps, çàd qu'il est enfin vrai, pur et doux, tout en n'ayant rien à voir avec celui d'"avant" tellement on est devenu autre.
Et puis bien sûr il reste des séquelles, fonctionnellement pour moi c'est loin d'être "top", mais philosophiquement et émotionnellement je ne dois plus tricher pour maintenir un cap positif.
C'est déjà énorme.
Toujours en ruines, mais des ruines fleuries et gare au marsonia, j'ai ma spitchette anti-cryptogames.
Amitiés et bon courage, tendrement, M.