Auteur Sujet: Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...  (Lu 8254 fois)

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Mammj

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Il y a un an aujourd'hui, ma fille était hospitalisée à l'initiative "malheureuse" d'un parent, suite à une crise d'angoisse...
Une fois dans le service, amorphe, elle y est restée croyant en sortir guérie... Plongée dans un état catatonique, coupée de ses enfants son dernier rempart suite à des ruptures en cascade, personne n'a vu qu'elle s'enfonçait... Sans suivi valable à
sa sortie, un soir où elle voulait absolument voir son fils dans son ex-maison familiale,  elle a sombré !
Depuis je sombre à mon tour, dans  le chagrin  et la dépression...
Je  revois mon unique enfant dans sa vie de femme et  de mère.... et voir sa petite fille sans elle, hier, m'a été
extrêmement  douloureux ! Il me faut pourtant  penser à eux à ce que leur maman désirait pour eux !
Et puis, comme un cadeau, cette nuit j'ai rêvé d'elle... Elles étaient deux,  ma Cath  morte, à la joue et à la petite main  froides
d'un côté et ma Cath bien vivante son dernier jour. Nous passions en revue cette dure journée qu'elle a vécue, point par point,
ses non-dits par pudeur,  par fatigue, les omissions voire erreurs du corps médical puis de  l'entourage,  des facteurs qui,
dans  sa vulnérabilité, ont été "précipitants" ! Puis, elle m'a dit : "je suis fatiguée, j'ai froid, je voudrais dormir", alors dans la chambre qu'elle a occupée  quelque temps  chez moi je l'ai couverte de la couette et lui ai fait un tendre et gros  bisou....
Elle me donnait l'impression de ne pas me tenir rigueur de ne pas avoir pu ou su  faire plus.....
Puis... réveil brutal, douleur indicible,  interminables sanglots....
Un rêve qui m' a semblé durer suffisamment  pour   nous expliquer... qui m'a  confirmé une fois encore que  nous n'avons
pas privilégié, son ex-conjoint et moi-même, des rencontres fréquentes avec ses enfants.... et elle de crainte d'être trop "dérangeante" (le mot de son ex-conjoint)    n'osait pas insister pour que je m'en occupe avec elle , me cachant (ce que j'ai découvert sur le répondeur de son mobile) que le père des enfants n'était pas doux avec elle,  niant sa maladie "invisible mais invalidante" la dépression "majeure" versant vers la mélancolie !
Ma chérie, nous sommes passés à côté de l'essentiel et même si tu as essayé de cacher l'ampleur de ta détresse, nous étions
aveugles et bouchés, tu n'as pas mérité tant de souffrance morale puis ces  somatisations qui te paniquaient..
Il aurait suffi de plus de compréhension, de plus d'amour des tiens mais surtout de médecins plus compétents !
Ces derniers  auraient dû  nous impliquer et nous réunir tous  dans un processus de soins, ce qui t'aurait redonné confiance
en toi, permis de  retrouver l'estime de toi-même, d'entrevoir  une lueur d'espérance....
Tout cela était possible si nous n'avions pas été sourds à tes appels.... gravissimes tous ces manquements !
Dans la douleur, douceur et espérance pour tous.  
Mammj  
 
« Modifié: 02 décembre 2012 à 16:54:30 par Mammj »

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #1 le: 16 mars 2012 à 14:36:33 »

J'ai fini par découvrir les infos ci-dessous, trop tard pour ma fille....
Mais encore faudrait-il que les médecins (généraliste et psychiatre) veuillent
bien nommer la maladie aux  proches pour tenter d'aider,  en vue d'une
amélioration !

www.info-depression.fr/

mamita

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #2 le: 16 mars 2012 à 18:33:16 »
Toutes mes pensées vont vers toi Mammj ... ta chère fille ne t'en veut pas, sois en certaine, elle te l'a dit dans ton rêve ... alors sois douce avec toi-même.

Moi aussi je me dis "je n'aurais pas dû faire ci, j'aurais dû  faire ça, être plus à l'écoute quand on a minimisé les symptômes au début de la maladie d'Antoine ... que les neurologues ont dit que tout était psychologique, qu'ils lui ont ri au nez en disant que c'était dans sa tête ...
le pauvre, il devait se demander ce qui lui arrivait et enfouir une terrible angoisse !

Nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes que de pauvres humains ...

Nous ne pouvons qu'accepter nos faiblesses, hélas

De tout coeur avec toi

Mamita

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #3 le: 16 mars 2012 à 20:41:11 »
Merci Mamita,
Quelle douleur, quelle absence, intolérables, insurmontables !
Pour ma fille, je sais maintenant que nous pouvions faire plus pour elle si tous les proches avaient été avertis
et avaient agi en tout cas, pas à contresens comme cela n'a pas manqué de se produire !
C'est très dur une telle perte, c'est très dur de devoir veiller,  en plus,  de ne pas déranger avec notre douleur....
Douceur à toi,
Affectueusement à tous.   Mammj
« Modifié: 16 mars 2012 à 22:01:56 par Mammj »

mitzou

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #4 le: 22 mars 2012 à 21:46:50 »
Bonjour Mammj,

Ne vous culpabilisez plus Mammj, votre fille sait combien vous l'aimiez, d'un amour inconditionnel, immense, nos enfants nous manquent tant, nous pensons tellement à eux et continuons de nous faire des reproches bien que nous sachions que cela ne sert à rien car nos enfants sont immensément heureux, c'est nous qui sommes malheureuses de ne plus les voir mais viendra le jour où ils nous accueilleront, c'est mon espérance et ma foi.
Je vous embrasse.

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #5 le: 23 mars 2012 à 19:13:12 »
Bonsoir Mitzou....
Et mille mercis pour votre post....
Combien  c'est difficile de continuer... Aujourd’hui, je suis allée au "petit jardin" de ma fille... Je sais qu'elle aurait dit :
"ne te donne pas de mal pour ces fleurs" .... Je sais qu'elle aurait pensé : "j'avais besoin que vous entendiez mon message
de désespoir  AVANT mon geste" !!!
Moi qui ne crois en rien.... à part en l'Amour, ce qui  fait le plus défaut d'après ce que nous lisons sur ce forum, je n'étais pas
pour autant à l'abri d'une méprise, d'un conditionnement du corps médical et en ricochet de l’entourage !
Quel drame....
Je pense à vous Mitzou, à votre espoir de retrouver votre fils... Moi personnellement, je cherche à garder un lien avec les
deux enfants de ma fille, ce qui augmente ma souffrance vu que le père se les accapare,  et ne favorise aucune rencontre !
Alors je "quémande"... mais pour eux deux, les enfants de mon  unique enfant, pourquoi pas ?
Mes pensées affectueuses vous accompagnent.
Chaleureusement à tous.  Mammj
« Modifié: 14 avril 2012 à 09:28:35 par Mammj »

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #6 le: 24 mars 2012 à 11:00:59 »

Je découvre seulement maintenant  les "questions-réponses" sur le site traverserledeuil rubrique "comprendre".....
Pour la question 7, je n'ai pour ma part ni masqué ma douleur ni refusé d'exprimer mes émotions, par contre
pas à l'entourage qui fuit, alors avec des personnes étrangères à notre histoire : psy, groupe de paroles, forum !
Je verrai plus tard les autres questions...
Tout est bon pour essayer de trouver un moyen de moins souffrir !!!
Moins souffrir... moins souffrir.... moins souffrir...


7- Quelles sont les attitudes qui risquent de faire obstacle à mon travail de deuil ?

Quand on est en deuil, on peut faire obstacle aux tâches de son propre travail de deuil. Voici quelques exemples :

    On refuse d’accepter la réalité du décès ou on garde secrète la cause du décès (dans le cas d’un suicide, par exemple) – (blocage de la 1ère tâche)

    On évite constamment toutes les situations, ou toutes les personnes qui ont un rapport, de près ou de loin, avec la personne disparue – C’est une manière de ne pas se confronter à la réalité de son absence (blocage de la 1ère tâche)

    On cherche, coûte que coûte, à masquer sa propre douleur, sans s’autoriser à manifester la moindre émotion - (blocage de la 2ème tâche)

    On refuse de reconnaître et d’exprimer les émotions qui font suite à la disparition de la personne aimée – ou on les noie dans la suractivité (professionnelle, par exemple) – (blocage de la 2ème tâche)

    On garde strictement intact l’environnement de la personne décédée, comme si elle était toujours vivante (sa chambre par exemple). On reste sur les supports de la relation extérieure. On préserve un lien de façon inappropriée et on ne construit pas la relation intérieure, en refusant de toucher à quoi que ce soit à l’extérieur – (blocage de la 3ème tâche)

    On refuse systématiquement toutes les occasions de réinvestir sa vie, en considérant qu’elle n’aura jamais plus de sens, sans la personne disparue – (blocage de la 4ème tâche)

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #7 le: 07 avril 2012 à 14:40:35 »
                         Survivre
Claude Couderc

Le matin amer dans ma bouche
Les mains lourdes
stériles.

Mes yeux glacés
La peur du réveil
Le cœur massif
comme brûlé
dans cette poitrine fracassée.

Le souffle gorgé de larmes écarlates.

Mes bras avides
de serrer l’enfant rieur
volé par la mort.

Mes lèvres engourdies
de ne plus dire son nom
de baiser ses cheveux
son front
tout son visage radieux.

Ce corps léthargique
corrodé par le chagrin
jusqu’où devrai-je le porter ?

Je survis au milieu des autres
sourd à l’exubérance de la vie.

Extrait de L’enfant dans les vents du monde

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #8 le: 10 avril 2012 à 08:52:24 »
Neuf mois aujourd'hui que tu nous a quittés ma Chérie, croyant que tu nous dérangeais à cause de ta dépression
qui t'empêchait de remonter la pente, te privait de ton autonomie...
Tu as voulu nous libérer et c'est le chaos sans toi !
Nous n'avons pas su t'entourer, pas su trouver  les mots qui auraient pu te redonner confiance, te retenir...
Toujours trop dans le faire nous n'étions  pas assez à l'écoute de ta détresse,  tes médecins n'ont pas su nous associer
à tes soins,  ne nous ont pas avertis du danger auquel tu étais exposée, de ce qu'il ne fallait pas faire ni te  dire !
Tous réunis nous aurions pu faire bloc autour de toi pour te soutenir.... au lieu d'y aller chacun de sa petite recette
à contre-courant, allant jusqu'à me reprocher d'en faire trop pour toi !
J'aurais dû consulter pour être mieux guidée  pour mieux imposer à tous ce temps qui t'était nécessaire pour te soigner,
pour imposer  à ton ex-conjoint que tu voies plus souvent  tes petits que tu as cru perdre à cause de ta maladie pas si
invisible que cela pour ceux avec qui tu vivais, qui voyaient bien que quelquechose avait changé en toi.... Que c'était
indépendant de ta volonté, ils n'ont pas voulu le croire....
Je suis allée leur crier en face, à ces soi-disant "professionnels,  ils reconnaissent leurs erreurs pour ne pas dire leur
incompétence, mais toi tu n'es plus là !
J'ai rêvé de toi la nuit dernière, pour la première fois j'ai pu te serrer fort dans mes bras, c'était merveilleux j'avais
tant attendu ce moment, puis tout à coup tu t'es volatilisée, il ne me restait plus qu'un vêtement dans les bras
et une infirmière m'a dit : "ah ! j'aurais dû vous prévenir".... Un rêve doux amer, un réveil en larmes, le coeur brisé
en mille morceaux.
Mon enfant, Je t'aimais, je t'aime, je t'aimerai toujours.....
                                                                            http://youtu.be/85lKsSCZm4k
Ta Mamm

« Modifié: 10 avril 2012 à 18:53:34 par Mammj »

Mammj

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #9 le: 13 avril 2012 à 17:02:06 »
Enfin j'ai réussi, parce que j'étais prête sans doute, à faire en sorte que ma petite fille de 9 ans me soit confiée quelques
heures sans avoir à en passer par le JAF, ce qui n'était de l'intérêt de personne !
C'était hier soir.... Je suis allée la chercher après l'école (à 30 kms de chez moi) jusqu'à ce que son père revienne la
chercher vers 21h45.
Pour la première fois, depuis la mort de sa maman le 10 juillet dernier, je l'ai trouvée spontanément affectueuse à mon égard, contente apparemment d'être auprès de la mère de sa maman, comme si elle y avait été autorisée ! Elle m'a dit : "crois-tu que
Maman nous voit, nous entend ? J'ai répondu de mon mieux... elle m’observait pour voir comment je réagissais.... Il fallait
leur faire honneur à toutes les deux !
Puis le père m'a appelée me disant qu'il l'attendait, dehors... J'ai accompagné ma petite et là, à distance, nous avons
échangé quelques paroles  à propos de la succession de ma fille qui a pris du retard.... à cause de la succession de son père
non terminée !
Que  s'est-il passé dans la tête de ma petite-fille ? Elle s'est jetée par deux fois à mon cou en me disant : "au revoir Mamie"
et le père d'ajouter : "tu permets que je parle" !!!
J'ai dormi d'un sommeil lourd après avoir rêvé du père de ma fille,  en me réveillant avec mes sempiternels questionnements...
et mes sanglots !
Mais pourquoi cette attitude de ma petite-fille qui ne comprenait pas ce que nous échangions, sur un parking,  son père et moi ?
Elle devait être inquiète et en s'accrochant à mon cou sans doute voulait-elle me dire : arrêtez de discuter", ce que je me
suis dit ce matin en me levant péniblement..... Ce que j'en ai déduit !
Je me suis donc promis que la prochaine fois (car j'espère qu'il y en aura une) j'enverrai promener mon ex-gendre, je n'ai
plus rien à lui dire en dehors de savoir comment vont les enfants, qu'il s'explique avec "sa" notaire (moi je dis : le ou la notaire,
lui il dit "ma"  notaire) !
J'ai osé lui faire observer  par ailleurs qu'il ne devait pas mettre la pression sur mon petit-fils qui passera son bac
prochainement, surtout après le drame qu'il vient de vivre dont lui aussi se sent responsable !
Il a eu dix sept ans mi-janvier, il n'a pas de retard et surtout,  s'il devait répéter la terminale,  je ne voudrais pas qu'on en attribue
la faute à leur tendre maman...
D'un côté, les enfants n'ont plus que lui, de l'autre je voudrais qu'il s'en prenne plein la... figure  (restons polis) !
A côté d'un fleuriste, je suis allée chercher une jolie rose blanche pour la mettre à côté de la photo de ma fille;  je viens
de rentrer  chez moi, en larmes, me disant que c'est autre chose qu'elle attendait de nous tous !!!
Penser que nous ne pouvons pas toujours adoucir ni  apaiser, les maux de nos enfants...  quelle douleur !
Chaleureusement à tous.  Mamm'j
« Modifié: 16 juin 2012 à 20:11:24 par Mammj »

Claudahoa

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #10 le: 13 avril 2012 à 19:54:41 »
Bonsoir Mammj,

Je suis contente que tu aies pu voir un peu ta petite-fille,tu verras elle reviendra car elle t'aime très fort et avec toi elle s'autorise à parler de sa maman et c'est important pour elle et toi.
Si je puis me permettre tu as raison,il vaut mieux éviter de parler de notaire etc...avec son père sur un parking et devant elle.Cela serait bien qu'il comprenne qu'il fait du mal à sa fille qui a déjà tant de chagrin à gérer!Tous les papas  n'ont pas l'intelligence du coeur,je ne peux malheureusement que te l’affirmer.Si la relation avec ton ex-gendre est toujours difficile,pense à te protéger et à l'empêcher de te séparer de tes petit-enfants et voir demander conseil et aide auprès de personnes compétentes.
Je comprends tant ta douleur et si nous habitions à côté j'aurai du plaisir à te rencontrer!
Je ne sais quels mots employés car courage n'est pas adapté mais je n'en trouve pas pour te souhaiter chaque jour au milieu des larmes davantage de sérénité!
Tendres bises
Claudia

lamama

  • Invité
Re : Un mal incurable ne plus te savoir à ta vie, à tes enfants...
« Réponse #11 le: 01 décembre 2012 à 16:07:33 »
Bonjour Mammj,
J’ai lu un certain nombre de tes messages et je vois que tu es toujours rongée par la culpabilité, celle de n’avoir pas compris assez vite, celle de n’avoir pas fait assez pour éviter le pire. Cet état est celui de toutes les mères dont un enfant s’est suicidé, ce qui est aussi mon cas. C’était l’an passé, le 9 novembre 2011 et mon fils allait avoir 30 ans le 24 du même mois. Il en aurait eu 31 cette année s’il ne s’était pas défenestré. Jamais je n’avais imaginé qu’il puisse se suicider. Je suis restée hébétée en l’apprenant par les gendarmes qui sont venus me l’annoncer. Il a fallu plus de six mois avec maints écrits au procureur de la république pour que j’obtienne les résultats de l’autopsie. J’en espérais des éclaircissements, j’ai simplement eu la preuve qu’il n’avait ni bu ni consommé de drogues, ni de médicaments. Mon fils vivait en colocation et je ne pensais pas qu’il puisse se sentir si seul, si mal. Je l’avais régulièrement au téléphone. Deux jours avant son décès encore… Depuis, je me sens comme toi, totalement déboussolée, vide, amputée d’une partie de moi-même et la douleur ce dernier mois, avec ses deux anniversaires coup sur coup, s’est faite plus insupportable encore. Je me rends compte qu’elle va perdurer longtemps encore…
Pourtant, ce n’est pas de mon fils que je veux te parler, mais de ma belle-sœur, qui s’appelait Muriel et qui s’est suicidée en avalant un coktail de comprimés, chez ses parents, en 2000. J’aimais beaucoup Muriel, mais elle souffrait depuis plusieurs années d’une grave dépression finalement nommée, au bout de quelques temps, « psychose mélancolique ». C’est pourquoi je veux t’en parler.
Muriel avait 45 ans quand elle a décidé de mettre fin à ses jours. Elle avait deux enfants, une fille de 22 ans et un fils de 18 ans. Elle était infirmière en hôpital psychiatrique, comme mon frère (son époux). Il travaillaient ensemble depuis de longues années, dans le même hôpital et leur métier les passionnait. Muriel, par expérience, connaissait très bien sa maladie. Elle était très attachée à ses enfants comme à son mari. Pendant les dix dernières années de sa vie, elle a tout fait pour se soigner. Outre les médicaments, elle a par deux fois effectué des cures de sysmothérapie (anciens électrochocs). La première fois, cela l’a soulagée au point qu’elle a pu reprendre son travail. Mi-temps thérapeutique au début, puis plein temps. Mais deux ans plus tard, elle a rechuté. Elle a recommencé le même traitement dont les effets positifs ont duré un an cette fois. Puis elle a encore rechuté. Mon frère connaissait aussi parfaitement sa maladie et ils étaient entourés de personnes compétentes. Ils étaient aussi épaulés sur le plan affectif par la présence de leurs enfants auxquels ils expliquaient les problèmes rencontrés, et celle de mes parents qui habitaient la maison voisine et dont l’attention était indéfectible. Ceux de Muriel vivaient en région parisienne, mais la mère de Muriel venait souvent la voir et voir ses petits-enfants. Ils avaient de nombreux amis, dont certains d’enfance, qui les soutenaient dans leur calvaire quotidien, amis que mon frère a d’ailleurs conservés après le décès de Muriel. Pourtant, un lent glissement s’est opéré et au fil des années, elle sombrait. Comme ta fille, Mammj, Muriel pensait qu’elle était un poids pour son environnement, pour son mari comme pour ses enfants. Et de fait, la dépression profonde est très lourde à vivre au quotidien. Muriel a fait deux ou trois tentatives de suicide avant de parvenir à mettre fin à ses jours. Une fois, c’est mon frère qui l’a trouvée… Une autre fois, son fils qui avait 14 ans à l’époque et une autre encore, mes parents, alors qu’elle avait pris des médicaments et s’était couchée dans sa baignoire pleine.
Bref, au cours de ces dix dernières années, elle a vécu un enfer et les autres autour, l’ont partagé, avec l’angoisse au ventre et un sentiment d’impuissance terrible. Voyant qu’elle ne parvenait ni à se sortir de la maladie, ni à se tuer, elle a prétexté l’envie d’aller faire un tour à Paris voir ses parents. Elle connaissait leurs horaires et s’est débrouillée pour aller leur dire bonsoir vers minuit, juste avant de prendre le coktail qu’elle s’était préparée. Quand tout le monde a été couché, elle s’est endormie dans un fauteuil, devant la télévision du haut. Quand sa mère inquiète de ne pas la voir au petit déjeuner est montée pour la réveiller, Muriel respirait encore, mais très lentement. Les secours sont arrivés dans les minutes qui ont suivi, mais personne n’a réussi à la ranimer. Elle s’est suicidée à la date anniversaire du décès de sa meilleure amie, disparue l’année précédente, suite à une maladie fulgurante et très rare. Elle avait laissé un mot en disant de ne pas la regretter qu’elle serait de toute manière plus heureuse morte que morte-vivante comme elle se ressentait chaque jour, sans espoir de voir sa souffrance allégée. Elle disait aussi qu’elle les aimait et qu’il ne fallait pas lui en vouloir. Que sa disparition permettrait à chacun de ses enfants, comme à son mari, de renouer avec une vie normale et que peu à peu, ils comprendraient son geste.
Tu vois, Mammj, je crois que la situation de ta fille, même si elle était plus jeune et même si elle comprenait moins bien qu’elle ce qui lui arrivait, était probablement proche de celle de Muriel. Tu n’aurais rien pu faire de mieux… Tu n’aurais pas pu lui ôter sa souffrance. Il me semble, même si son absence t’est insupportable, que de savoir qu’elle ne souffre plus et que sa mort a été pour elle une délivrance, doit te réconforter.
Muriel est allée mourir chez ses parents pour épargner à ses enfants et à son mari, le fait de découvrir son corps sans vie ou en toute fin de vie. Pour la mère de Muriel, le choc a été terrible, d’autant qu’elle avait déjà perdu un fils vingt ans plus tôt, décédé d’un coup de couteau en plein cœur dans une rixe où il avait simplement voulu défendre une amie. Lors de l’enterrement de Muriel, sa mère s’est évanouie de douleur. Sur ses trois enfants, il ne lui restait plus qu’une fille, la plus jeune.
Je ne sais pas si ce que je viens de te raconter te sera d’un grand secours. Nous sommes seules face à notre douleur de mère, mais peut-être néanmoins que cela t’aidera à moins culpabiliser, à ne plus croire que tu portes une quelconque responsabilité dans la mort de ta fille Cath. Je suis certaine qu’elle aimerait te voir réagir positivement.
Quant aux relations difficiles avec tes petits-enfants que leur père semble garder jalousement, je pense aussi qu’elles s’amélioreront au fil du temps, quand tu pourras toi-même faire face à ta douleur et te rendre plus disponible aux autres, d’une façon qui deviendra « naturelle » et non forcée. Ton angoisse doit forcément rejaillir sur eux d’où la réaction du père qui cherche à les protéger. Et puis, dans des cas comme celui-ci, il faut toujours se méfier de nous-mêmes, nous avons tendance pour soulager notre propre culpabilité à trouver des boucs émissaires, comme le conjoint ou la belle famille. D’où des questions que l’on pose et qui peuvent parfois semer le doute dans les esprits. Pour tes petits-enfants, la disparition de leur mère est une horreur toute aussi grande. Ils doivent également ressentir de la culpabilité qu’ils risquent de traîner toute leur vie si on ne les aide pas à comprendre qu’ils n’y sont pour rien : celle de ne pas avoir su se faire aimer suffisamment de leur mère pour qu’elle ne passe pas à l’acte ! Ma nièce et mon neveu ont mis des années à surmonter cette idée…et les psychothérapies qu’ils ont suivies les y ont bien aidés.
Tout se dénouera avec le temps et quelques efforts. Un peu de patience et tu pourras vivre de belles choses avec tes petits-enfants. Courage et amitié. Lamama