En voiture, en pensées vagabondes...
en mode compte à rebours...
je dérive vers le jour de sa mort, le jour de l'accident
 l'heure de sa mort, l'heure de l'accident...
et la taraudante question me saute de nouveau au coeur en vrac:
Au fait , à quelle heure Emmanuelle est morte, en vrai?

Je vais mieux, je vais moins bien, je tangue , j'oscille...
le deuil au long cours  a quelque chose de déroutant...
Je me demande si le mieux ressenti n'est pas une nouvelle anesthésie émotionnelle?
Une nouvelle manière de fuir la douleur en l'esquivant et enfouissant bien profond?

"La durée de ta souffrance me fait peur, me tétanise.Comment tenir ?"

La vérité c'est que certains deuils durent très longtemps et la souffrance s'installe pour des années...et que c'est normal...
Ceux qui arrivent à l"'apaisement " assez rapidement  sont "chanceux" ou ont des ressources plus disponibles ...

Entre les bouffées de chagrin intense je vais pourtant bien mieux..mais je ne vais plus jamais bien...je me sais abimée de l'intérieur par cette mort...brutale et ce manque absolu...de ma fille.
mais ça ne m’empêche pas de vivre quand même...malgré un deuil compliqué...Je fais face avec vaillance et je suis plutôt "contente" de moi,de tout ce que j'ai fait...ébranlée depuis longtemps mais pas abattue... c'est déjà une victoire...

Et je sais que le procès plane sur mon deuil en permanence... Aujourd'hui, la partie adverse avait jusqu'à aujourdhui pour déposer leurs conclusions définitives.. nous sommes suspendus au mail de notre avocat... espérant une date, enfin ,de plaidoirie.. enfin.. ça fera 7 ans le 6 mars...
et je suis en mode comptage des jours et revisite des jours d'avant l'accident...LA date "anniversaire " de sa mort, qui approche, brasse toutes les émotions du deuil... TOUTES...
mais au fil du temps c'est de plus en plus difficile de les partager...même ici...
Il faudrait aller encore  mieux... l'injonction de la société tout entière... nous oblige à camoufler un peu plus l'expression de la détresse morale qui subsiste..
.Emmanuelle est morte. je ne lutte plus contre cette vérité.Je vis avec.
Je suis une pro absolue du costume étroit du ça va bien , dans ma vie de tous les jours...avec mon entourage... presque tous...pas tous.. je fais des dépôts réguliers de chagrin ...ici, sur mon blog, avec  2 amies...

Merci Cabrau de ta sollicitude... mais contrairement à toi...ni signes, ni messages de ma fille, ni médiums...ne peuplent mon deuil...Ne sois pas tétanisée par mon témoignage, je ne suis pas un exemple, je suis lente à dérouler les étapes enchevêtrée du deuil... Ton chemin à toi  sera différent, moins sombre peut être et tu dompteras ton grand chagrin... avec tes propres armes et ton  temps personnel , ta fille éclairera ce chemin...

Comment accepter ces mots inacceptable " ma fille est morte " 3 coups de poignards pour arracher notre coeur et le déposer définitivement sur la cage de notre douleur ...enfermée pour le reste de ma vie ...car JAMAIS  je ne pourrais accepter ces  3 maux assassins de ma vie ...

Bonsoir Eva Luna,

Je ne peux répondre à ta question, je ne suis même pas sûre que tu aies à choisir.
Je sais que je ne peux alléger ta peine, je peux seulement t'écrire quelques mots pour te dire que je pense à toi, que je te transmets chaleur et douceur en tapotant sur mon clavier
affectueusement

Les petites nuits écourtées reviennent dès que je vais plus mal
les petits soucis ordinaires créent des insomnies malvenues...
les passages éclairs au cimetière...besoin d'y aller mais plus besoin d'y rester...
l'envie d'écrire qui se tarit,le besoin en fait se fait moins exigeant......
donc: première fois où mon journal de deuil s'étale deux mois entiers dans un seul tome...je me tiens au courant des avancées de mon deuil mais je n'éprouve plus le besoin de raconter tout par le menu...de déverser le trop plein de souffrance...

Le temps agit...transforme, "apaise", émousse, aplatit ,modifie, emporte,écrase,berce...
ce temps qui passe est souvent un allié...à condition de s'accompagner soi même  et d’être accompagné sur ce chemin que la vie nous impose...
En vrai... année après année , c'est différent, moins violent, plus facile...toujours présent mais devenu supportable ,
Apprendre à "vivre avec"  est un chantier de chaque jour...
"vivre sans" fut l'apogée de la souffrance...
"vivre avec" est le destin du reste de ma vie sans Elle...

Mon coeur s'insurge et le non-sens m’habite...
comme toi, Romane...

Le temps a passé...
j'entre dans l'ère du consentir...
je consens à ce que sa mort et son absence soit ma nouvelle réalité de vie...
je ne lutte plus, je ne me débats plus..
ma fille est morte, c'est comme ça,ce qui est EST
et je compose avec la réalité de sa mort
j'apprends à composer avec cette vérité qui a  saccagé nos existences...

Tu refuses de toutes les cellules de toi , ce que la vie/le destin  t'impose...la mort de Tom...la mort inacceptable, impensable, in-sensée de ton fils...
Le temps ne passe pas pour toi.

Bonjour Eva,

Merci de ta réponse, merci pour la douceur de tes mots
même au fond de ta douleur, il y a cette douceur
oui je comprends que le manque et la réalité de cette absence feront partie du reste de notre vie et je vois , je vis cette douleur au jour le jour.
Ce qui me fait peur ce sont les lames de fond qui parfois t' emportent,
anniversaire de ce départ
et tous les autres anniversaires
la douleur de ne pas ou plus pouvoir parler de ton deuil
Tu nous dis cet apaisement qui te touche malgré tout au bout de tout ce temps
et c'est un espoir
je suis comme tout le monde, perdue dans cet océan de tristesse avec quelques fois des bouées auxquelles je me raccroche et qui m'apaisent
ça ne dure jamais longtemps
je t'embrasse, je vous embrasse