Bonjour Éva Luna,
Bonjour à tous,
C est une très bonne idée de continuer ce dialogue sur ce fil de discussion.
La vie sans ma fille, c est bien ce dont il s agit. Comment vivre sans elle, sans Elle, sans elles.
Les similitudes sont nombreuses. Mon " Elle", s appelle Hélène.
En langage SMS: LN.
Comment vivre sans L?
C est tellement difficile, insurmontable. Mais toute cette douleur, cet Everest à attaquer le matin pour accepter que les secondes passent sans elle, cette absence qui dure, vous en avez si bien parlé.
C est une aide bien précieuse, ces mots déjà déposés afin de mettre un nom sur cet ennemi, qui nous blessé et nous empêcherait presque de ne plus aimer, de ne plus penser, de ne plus y penser.
Début août, cela fera tout juste deux ans.
Mais pour moi, le temps s est arrêté.
Je suis restée en 2020. Tout comme le calendrier de la cuisine dont je ne peux tourner les pages.
Et puisque la vie me déplaît maintenant, j ai décidé d essayer de faire semblant de croire.
Certains croient bien en qqs saints, ou qqs dieux.
Ces croyances entretenues par les rituels et une communauté.
J ai décidé de faire comme eux, d entretenir le le mensonge et de croire en elle.
Je lui ai créé un petit jardin, avec qqs photos d elle et les plantes offertes lors de la cérémonie. Il est très beau et je m y sens bien. Il y a une chaise , une table, et une photo d elle assise à la terrasse d un resto. De quoi trinquer ensemble.
Je lui écris et vais déposer mon courrier sur sa tombe.
Quand son absence est trop longue, je me force à me persuader qu elle est chez tel ami, dans telle ville, qu elle sera là demain, au détour du chemin. Et je repousse tjs plus loin le moment des retrouvailles.
Je ne chemine pas, sur le chemin du deuil. Je reste au même endroit, tourne sur moi même à 360 degrés, en récoltant tout ce que je peux d L. Et, je le resème pour que cette récolte se déploie à son tour. J' écris autour d un film qu elle a vu, ou qu elle voulait voir. Je le partage dans un blog, ou même, sur sa tombe. Je sais que certains passent devant et lisent . Ainsi, ses idées , ses envies, ses goûts, perdurent. De mon point fixe, ancrée en août 2020, je tente de diffuser tout autour de moi son univers.
De tout temps l homme a créé des univers fictifs à la gloire de leurs héros ou de leurs dieux.
Je tente de créer un univers fictif autour de ma fille.
Mon aînée m a offert un médaillon que je porte au poignet, avec une photo d L . Lorsqu un moment est émouvant, je l ouvre et murmure: regarde, c est pour toi.
Je me force à croire qu elle est là, que les efforts pour créer cet univers fictif seront payants. Vais je finir par y croire durablement, par me convaincre moi même.?
La vie sans ma fille, c est vivre au jour le jour, entre deux mondes: un réel, et un fictif, que j entretiens de mon mieux. Comme je m occupais d elle de son vivant, je continue de m occuper d elle, malgré sa disparition.
Pourvu que cette démarche me permette de tenir. Car, L a un frère et une sœur qui, eux aussi, sont dans la douleur. Il me faut rester droite.
Corinne