Après avoir survécu à l'impensable,
pleuré toutes les larmes de mon corps pour des décennies,
été sonnée Ko debout; anesthésiée, dévastée...
assisté incrédule à ma survie
écrit,parlé, partagé,lu, dessiné
usé et poli un chagrin infernal-innommable
inventé des rituels nécessaires
ouvert un blog, écumé 3 forums,
organisé tant de rituels
participé à un groupe de parents endeuillés;
vu une psy,puis un autre groupe de parents
je vais moins mal
je vais mieux même...
je supporte la douleur, le manque, l'absence
je retrouve une vie vivable
je pleure modérément
je trace ma route avec ce drame sur les épaules
je partage mon expérience,
je retrouve du plaisir à travailler,
je ne souffre plus non-stop
la vie reprend des couleurs
ma garde robe aussi...
mais voilà que je n'ai plus envie de ne côtoyer que des endeuillés.. qui sont pourtant ma nouvelle grande famille
mais voilà que je n'ai plus grand chose non plus à dire aux non-endeuillés, je suis bloquée dans un entre deux mondes peu hospitalier...
je n'ai pas trouvé mais alors pas du tout !de sens à ma vie d'après
je n'ai pas envie et je n'ai pas envie d'avoir envie
je n’adhère pas aux jolies croyances réconfortantes
je ne parviens toujours pas à intérioriser Emmanuelle
je m'en contrefiche de l'idée d'Elle...elle manque radicalement et je ne sais quoi faire de ce manque...
sa mort demeure LE scandale absolu de ma vie...
même si j'ai appris à vivre avec ÇA, parceque c'est possible de vivre avec la mort de son enfant qui ravage-détruit tout aux débuts , c'est possible de vivre amputée, c'est possible de se re-solidifier après la pulvérisation-explosion de toute sa vie...
même si on ne peut ni ne veut pas le croire les premiers temps...
Je rejoins la cohorte des vivants...j’avais écrit des survivants mais non, vivre ce deuil c'est vivre, vivre une autre vie que la mienne...vivre avec une part de mort en moi,vivre avec une ombre morte, vivre avec un trou au coeur... mais vivre...
Je vis sans Elle.
A Emmanuelle avec tout mon amour...