Ma petite, si tu voyais ou j en suis. Confinee toute seule, ca c est pas trop perturbant pour moi, en verite tu le sais bien, ca fait 5 ans que je suis quasi confinee. Ce qui est dur c est la peur de ce virus et de toutes ses consequences. On dit que cela creera des solidarites. Mais mes 2 amies me demandent de ne pas leur parler de ma peur pour ne pas leur transmettre mes craintes, elles preferent s occuper un peu comme si tout allait bien. C est sympa ...
On dit que cela pourra entrainer une remise en question benefique de notre mode de vie. Mieux consommer c est possible, mais comment moins consommer tout en relancant l economie ? Et l entreprise ou travaille ton frere resistera t elle ?
Et quand je me hasarde a dire que, des mi fevrier j avais deja vraiment peur et senti que cette epidemie, avec tous ces avions de Chine, apres l Italie, l Oise, etait grave et venait inevitablement ici, quand j ose dire que j avais a cause du virus renonce a sortir au resto ou au cine et aussi renonce a voter des le debut de mars, on me reproche un manque d humilite ... Tolerance ... Donc je me tais.
Je n expliquerai pas a ces personnes, qu apres avoir vu la sante de ton pere degenerer pendant 10 ans, apres l avoir vu mourir d infection nosocomiale a 56 ans, et apres avoir vu toi, ma gamine de 19 ans morte en quelques heures, je sais qu il y a des choses extremement graves et qui arrivent vraiment, vite, meme si on ne veut pas les voir venir. Comment fait on, ma petite, pour vivre une fois qu on a perdu la legerete, une fois qu on a vraiment approche la lucidite ?
On se tait. On finit par preferer le confinement.
Je ne ressents pas ta presence, tu me sembles etre "quelque part", mais tres loin de moi. Et, en cette periode angoissante, je me dis que je prefere penser qu il est loin d ici ce " quelque part " dans lequel tu te trouves.