Auteur Sujet: Gabrielle, notre enfant éternel  (Lu 5861 fois)

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Cri

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Gabrielle, notre enfant éternel
« le: 10 juin 2013 à 19:37:32 »
Bonjour à toutes et tous
C'est la 1ére fois que je trouve le courage d'écrire mais je vous lis très régulièrement et je me reconnais en vous bien souvent malheureusement...Je ne sais pas trop par où commencer. Gabrielle, ma merveilleuse grande fille de 11 ans nous a quitté en juillet dernier, elle avait une tumeur cérébrale "bénigne" suivie depuis ses 9 mois. Il y a 3 ans et demi la tumeur a récidivé, nous attendions notre 2ème enfant, Elliot. Gabrielle a été la plus heureuse des grandes soeurs, elle attendait cela depuis si longtemps! Nous avons déménagé pour nous rapprocher de la famille, pour vivre ce bonheur tous ensemble et soutenir au mieux Gabrielle dans sa chimiothérapie. Nous étions vraiment confiant...ça ne pouvait que bien se passer! Sa joie de vivre, son sourire, son courage, tout, elle avait tout pour nous donner confiance! Seulement voilà, en avril 2012, 10 ans jour pour jour après la découverte de la tumeur, comme si une cloche avait sonné la fin du bonheur, Gabrielle a fait un oedème cérébral...3 mois de coma, avec des espoirs, des doutes, des peurs et ...l'affreux matin... Nous avons été là tout le temps, nous avons vécu ensemble à l'hopital, avons rencontré des personnes formidables, du personnel très dévoué, qui nous a accompagné dans notre chemin vers l'inacceptable... Quelle douleur, quel vide... Que de questions sans réponses; quelle horreur...
Nous sommes rentrés chez nous anesthésié, "groguis" Quelques mois plus tard, surprise, nous attendons un bébé! Bouleversante, renversante nouvelle, vraie surprise, mais surtout vrai cadeau de la vie, de notre petite étoile! A l'image de l'espièglerie, de la générosité de Gabrielle! C'est le sens que nous avons donné à la venue de Juliette, notre adorable petite fille!
Nous avançons doucement, la douleur est si forte... je fais confiance à mes enfants pour nous donner la force; j'ai 3 enfants, c'est vrai, pour toujours...Juliette a une grande soeur même si elle ne l'a pas connu... on a tellement d'interrogations, on ne croit pas au hasard, ces 10 ans, au jour près; Juliette qui arrive comme un cadeau 9 mois seulement après le décés de sa soeur... on a le sentiment d'avoir perdu le contrôle de notre vie, comme si quelqu'un pilotait tout de là-haut! je sais que pour beaucoup de gens ce que je vous dis doit sembler bizarre, ou fou mais j'espère que certains d'entre vous me comprennent! Nous pensons que nous n'aurions jamais été en capacité de prendre la décision d'avoir un autre enfant et là, la question ne s'est pas posée. Je sais que notre grande fille nous connaissait bien et je pense sincèrement qu'elle savait ce dont nous étions capable ou non. C'est toute cette ambivalence de sentiments qui est perturbante! la tristesse, le chagrin, mais aussi la joie, la vie...tout se mélange! mais plus jamais de bonheur complet, entier car il nous manque quelqu'un...à jamais

mars29

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #1 le: 10 juin 2013 à 21:59:39 »
Bonsoir Cri,

Ce soir, je suis triste. Pardonne-moi!
Ton message mérite mieux que ma réponse; mais je ressens tellement ta dernière ligne.
mais plus jamais de bonheur complet, entier car il nous manque quelqu'un... à jamais
Marce

Darwin

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #2 le: 10 juin 2013 à 23:03:31 »
Tu as raison, il nous manquera quelqu'un jusque notre dernier souffle... Mais il faut vivre pour nos enfants, notre famille. Avancer ensemble!

N@t

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #3 le: 11 juin 2013 à 04:58:06 »
Que dire de plus?
Effectivement tu auras toujours 3 enfants et il en manquera toujours un dont le manque ne sera jamais comblé, les instants de bonheur n'auront plus jamais le même goût, la même intensité.
Félicitation pour la petite Juliette, elle connaitra sa grande sœur par les récits que vous lui en ferez, les photos ou les vidéo, les souvenirs que vous partagerez avec elle.

Les cancers chez l'enfant sont tellement rares que l'on ne peut s'empêcher de se demander "pourquoi nous", étrangement lorsque je lis les témoignages de ces "grands enfants" ou ces ado emportés par la maladie, j'ai l'impression que ce sont toujours des enfants exceptionnels qui s'en vont. Jamais les enfants tyrans ou les futurs psychopathes martyrisant les animaux et leurs petits camarades? Pourquoi ce sont donc les meilleurs qui doivent tellement souffrir? Parce que si il y a bien une chose qui me tourmente beaucoup en ce moment, ce sont toutes ces souffrances jour après jour dont j'ai été le témoin pendant toutes ces semaines d'hospitalisation.
« Modifié: 11 juin 2013 à 05:00:02 par N@t »

Cri

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #4 le: 11 juin 2013 à 10:27:19 »
C'est vrai N@t, j'ai le même sentiment que toi, ces enfants qui ont un parcours de lutte contre la maladie, ont souvent en commun ce côté exceptionnel, avec également malheureusement un destin exceptionnel. Ma Gabrielle était d'une sensibilité énorme, généreuse, ouverte au monde...le jour de son accident cérébral, une maman se plaignait de son parcours dans l' hôpital et Gabrielle lui a dit "nous ici on a de la chance, il y a des pays où les enfants sont opérés par terre, ça ressemble même pas à un vrai hôpital" Elle trouvait toujours qu'elle avait de la chance, elle avait tellement confiance dans la vie, les médecins...confiance en nous! Je m'en veux tellement de ne pas avoir su, de ne pas avoir eu assez peur... aujourd'hui je ne sais plus si c'était elle qui nous faisait nous sentir si serein ou si mon mari et moi avions réussi à lui procurer ce sentiment de protection...je me dis que je lui ai menti, je l'ai trahie, ça devait bien se passer...mais voilà où on en est! Parfois ce sentiment me traverse encore...je veux me dire qu'on va y arriver mais c'est tellement douloureux! Elle est là, elle m'aide, tous les jours! je vois son sourire... je sais qu'elle veille sur son petit frère et sa petite soeur! Quand Juliette sourit dans son sommeil, comme tous les bébés, qu'elle sourit aux anges, je sais qui est près d'elle! c'est fou je sais! le réconfort pour moi c'est d'être avec mes petits bouts et mon mari, j'ai besoin d'eux...

N@t

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Re : Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #5 le: 11 juin 2013 à 11:36:42 »
...je me dis que je lui ai menti, je l'ai trahie, ça devait bien se passer...

Je ressens exactement la même chose, toutes les fois où je lui ai dis qu'il allait guérir, que c'était juste un mauvais moment à passer pour aller mieux après, les promesses à propos de sa sortie de l'hôpital, de la chasse aux œufs que l'on ferait parce qu'il avait passer Pâques à l’hôpital, du temps que l'on passerait ensemble durant l'été.
Jamais on ne lui a parler de la possibilité de mourir, nous sommes toujours restés positifs devant lui, et même les médecins y croyaient (un peu moins chaque semaine mais tout de même). A la base, au moment du diagnostic, le lymphome chez l'enfant c'est quand même plus de 90% de guérison avec les protocoles de chimio actuels, alors pourquoi lui aurions nous fait peur avec des pensées négatives? Je lui avais juste dit que sa maladie était mortelle sans traitement parce qu'il se posait des questions sur la nécessité de la chimio. Je repense encore au vendredi, 2 jours avant qu'il parte, lorsque le professeur est passé le voir et lui a promis de lui rapporter une boite de nuggets de chez Mac Do pour l'encourager à passer 30 minutes avec les autres enfants en salle de jeu ...
Maintenant je m'en veux terriblement de tous ces "mensonges" (qui n'en étaient certes pas sur le moment), j'ai aussi l'impression de l'avoir trahi et d'avoir raté quelque chose avec lui. Et j'ai beau me dire que ce n'étaient pas vraiment des mensonges, que cela aurait du bien se passer, qu'il aurait du aller mieux et rentrer à la maison et que normalement il aurait du guérir, cela ne change rien à ce que je ressens. Je n'ai pas tenue mes promesses. Je ne sais même pas si il avait peur de mourir, ou si il avait des questions sur la mort maintenant qu'elle approchait (on se pose toujours des questions différentes quand elle est proche que quand elle est loin), si il avait des volontés particulières ...
Mais on ne pouvait pas savoir ... Et malgré cela, cela ne change strictement rien à notre sentiment de culpabilité.

Cri

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #6 le: 11 juin 2013 à 12:26:09 »
Oui, raisonnablement nous savons que nous ne pouvions pas prévoir ce qui allait se passer mais notre coeur aurait tellement voulu les serrer fort plus longtemps...que nous avons le sentiment d'avoir menti, failli à notre rôle de parents protecteurs...tout comme toi, je ne sais pas si elle a eu peur, si elle a eu conscience qu'elle nous quittait... Gabrielle a sombré dans le comas en qq secondes, tout a basculé! Je lui ai parlé, parlé on a pleuré, pleuré, puis un jour je me suis entendue lui dire qu'elle avait droit de partir, qu'elle ne devait pas rester juste pour nous, qu'elle devait se libérer de ses douleurs...qu'elle avait déjà tant donner, elle s'est battue comme une lionne...elle nous a tellement montré qu'elle avait envie de vivre! mais il y a des combats qu'on ne gagne pas! je déteste, le "quand on veut, on peut", c'est pas vrai! la volonté ne suffit pas toujours! ces derniers instants auprès desquels il ne faut pas passer car on les revit, re-revit, re-revit en permanence, chaque jour. Je me dis souvent que ces 3 mois de comas où elle s'est accrochée sans savoir comment, elle nous les a offert pour que nous cheminions vers l'inacceptable, pour que nous réalisions qu'elle n'était déjà plus tout à fait là...mais j'aurais tellement voulu te garder mon amour, te serrer fort, te "bisouiller" comme on l'a toujours fait! que c'est cruel tout ça

N@t

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Re : Gabrielle, notre enfant éternel
« Réponse #7 le: 11 juin 2013 à 20:04:48 »
Citer
Gabrielle a sombré dans le comas en qq secondes, tout a basculé!
Oui c'est terrible lorsque cela va si vite. Tristan n'a pas vraiment été dans le coma. Le réanimateur m'a appelé a minuit pour me dire que son cœur ne battait plus suffisamment fort pour maintenir la circulation alors qu'il le transférait en réa, à 6h il m'expliquait que toutes les drogues testées avaient échouées, à 8h le  cardiologue m'annonçait que vu l'état de son cœur la dialyse de décharge qui était prévue en dernier recours avait peu de chance de fonctionner mais là encore je gardais espoir, tant qu'il restait une possibilité .... Je suis restée avec lui quand on lui a posé le cathé pour la dialyse, lui disant comme j'étais fière de son courage. La seule "chance" que j'ai eu, c'est que tout à la fin, quand on a décidé de le laisser partir, juste avant qu'ils l'intubent et poussent la morphine à fond, j'ai pu lui expliquer "On va te mettre un tube dans la bouche pour t'aider à respirer et après on te donnera plus de médicaments pour la douleur. Tu ne souffrira plus jamais, cette fois-ci c'est la vérité". Je ne sais pas si il a compris ce que je lui ai dit, ni si cela l'a rassuré mais cette terrible phrase "Tu ne souffrira plus jamais, cette fois-ci c'est la vérité" raisonne en moi comme une demande de pardon auquel je n'aurais jamais de réponse.
Les infirmières m'ont dit que je pourrais toujours lui parler après, qu'il ne serait pas dans le coma, qu'il m'entendrait mais j'ai passé plus d'une heure dans les wc à vomir tout ce que je pouvais. Je n'ai eu la force d'en sortir que pour son dernier souffle, peut être 20 ou 30 minutes maximum à lui tenir la main (je continuais à vomir mais les infirmières m'avaient donné un stock de haricot pour que je puisse rester avec lui au lieu de m'enfermer aux wc). A ce moment là vu sa pression artérielle presque nulle, je pense que son cerveau avait déjà cessé d'être irrigué et qu'il n'était plus vraiment là :(

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puis un jour je me suis entendue lui dire qu'elle avait droit de partir, qu'elle ne devait pas rester juste pour nous, qu'elle devait se libérer de ses douleurs
Cela demande vraiment un grand acte de courage.
Je ne sais pas si avoir 1 journée, 1 semaine, 1 mois ou 3 mois pour s'y préparer change vraiment grand chose à la difficulté de cette décision. Pour moi cela a été la plus terrible de ma vie. Les médecins sont venus à 5 spécialistes différents pour m'expliquer où on en était, les gros risques si on était encore plus invasif, les gros risques d'échec et me demander "voulez-vous vraiment que l'on continue jusqu'au bout?"
La première fois je n'ai même pas compris que ce qu'ils m'expliquaient c'est que quoique l'on fasse il avait peu de chance de s'en sortir, voir aucune. Pour moi "peu de chance" c'était une chance quand même, c'était impossible d'imaginer le laisser s'en aller, je devais me battre jusqu'au bout. C'est quand ils m'ont demandé d'appeler le papa que j'ai réalisé qu'il allait surement nous quitter.
La deuxième fois, il y avait un spécialiste de plus, même si je savais que pour lui c'était la meilleure solution, la plus juste, la plus douce, la plus humaine, j'ai été incapable de leur dire d'arrêter les soins. Je leur ai demandé de partir, de nous laisser mon ex et moi et quand il m'a dit ce qu'il souhaitait, ce qui était le mieux, je lui ai répondu "je le sais mais je ne peux pas leur dire, il faut que ce soit toi qui le dise parce que moi j'en suis incapable"