Chère Nadège,
Ne t'inquiète pas pour le ton triste, c'est bien normal, et ça fait tellement de bien de pouvoir l'exprimer. C'est important, et tu peux tout demander, tout devient si compliqué.
Je dors aussi dans le lit de mon petit, avec son petit gilet, et la journée aussi j'y vais souvent. J'ai l'impression d'être avec lui.
Pour ton conjoint, je ne te comprends que trop, mon mari est identique, il s'isole beaucoup et ne parle pas beaucoup. Quand je parlais de Nathan, nous finissions toujours par nous disputer, j'ai vite compris que nous n'étions absolument pas sur la même longueur d'ondes. Ce qui fait que je me suis rendue seule à l'association de personnes en deuil. Au début, il sous-entendait que je partais trop loin avec mes histoires d'au-delà, maintenant, il fait un effort pour m'écouter, mais je sens qu'il n'est pas convaincu. Même si je pense qu'il voudrait y croire parfois. Il est resté très terre-à-terre, et ses préoccupations ne sont pas les miennes. Je suis convaincue que Nathan est avec nous, et je ne veux rien penser d'autre.
C'est pour cela que la réponse à ta question : Comment arriver à vivre sans mon petit garçon? ne devrait pas avoir de réponse. Malheureusement, tu ne le vois plus, mais il est toujours là, toujours près de toi. J'ai vu une vidéo d'une canadienne qui a perdu son fils, et il lui a dit de serrer ses doudous quand elle avait de la peine. Je suis convaincue qu'ils nous aident, que ce sont eux qui nous font tenir debout, je ne sais comment. Oui, c'est vrai qu'ils ne veulent pas nous voir comme ça, mais tu sais, chaque fois qu'on me demande combien j'ai d'enfants, je me mets à pleurer. Je sais qu'un jour j'arriverai à en parler sans pleurer, mais en attendant, je me permets de le faire. N'aies pas peur du regard des gens, moi aussi, je me dis que je dois user les gens à pleurer dès qu'ils me demandent comment je vais, j'essaie de me dire que ça suffit maintenant, je ne dois plus pleurer devant les gens, mais bon tant pis, c'est comme ça. Très souvent ils comprennent. Et puis, tu le vois bien, on a du mal à se retenir. En fait, j'ai vu un médium en avril qui m'a dit que Nathan ne comprenait pas pourquoi je pleurais, et cela m'a redonné de la force pendant un moment, chaque fois que j'avais envie de pleurer, je disais à Nathan "non ,non, je ne pleure pas" et ça me donnait du courage, mais je t'avoue que depuis fin aout, je n'y arrive plus. La rentrée, la première année de son départ, puis son anniversaire, et maintenant les fêtes...
Pour la solitude, clairement oui, je ne me suis jamais sentie aussi seule, jamais. Malgré toute la bienveillance. Parfois, même les mots gentils deviennent des couteaux, parce qu'on se demande pourquoi on est encore en colère après nos proches alors qu'ils veulent juste qu'on avance. Je voudrais juste serrer mon petit dans mes bras, et rien de ce qui peut être positif ne compense cette douleur. Tout a un goût amer.... Pourtant, il faut continuer à vivre. J'ai eu une période où j'étais assez euphorique, comme si tout me passait au-dessus, j'étais toujours partie à droite à gauche, avec des amies ou toute seule, tout était bon pour ne pas être dans cette maison...L'ambiance étant de plus devenue totalement insupportable entre mon mari et moi, chaque vacances je partais chez ma mère.
Ca va mieux maintenant. J'ai mis du temps à accepter qu'on ne pouvait pas se comprendre. Pendant les fêtes, l'an dernier, j'attendais beaucoup de soutien de sa part, et absolument rien... Glacial. Donc, reproches sur reproches pendant des mois.
J'ai décidé de penser à moi, nous avons mis de côté nos projets communs. Mais c'est assez fréquent je pense. Je comprends de cela que chacun doit se reconstruire, chacun vit la situation à sa façon, et les relations sont aussi différentes. Et il est vrai que nous le vivons dans notre chair. Le rapport à son corps devient compliqué.
Je pense que ça n'ira jamais bien, mais ça ira mieux, c'est sûr. Parce que la douleur nous relie à notre enfant, donc on ne veut pas s'en défaire. Mais la douleur du début s'apaise, et heureusement. Car elle est vraiment trop violente. 4 mois, c'est si peu. Tout ce que tu ressens est légitime. Tu n'as pas à faire bonne figure, qui le pourrait? Tu feras ce que tu pourras, les émotions arrivent tellement sans prévenir et avec beaucoup de force parfois. Le fait qu'il y ait des personnes proches peuvent apaiser, mais le chagrin doit sortir.
Je ne sais pas pourquoi nous devons vivre une si terrible épreuve, mais je sais que ton enfant sera toujours là, et qu'il t'enverra toute l'aide dont tu as besoin. Et votre amour sera de plus en plus fort.
Je t'envoie toute mon amitié.
Sandrine