Chère Cabrau,
J’ai tellement lutté contre le suicide de ma fille, en vain. J’ai essayé tout ce qui était dans mon pouvoir, toujours dans la crainte de ce que j’allais déclencher.
Quand je reviens aux dernières semaines avant son suicide, j’ai l’impression que nous allions tout droit vers son suicide : Rêves se situant dans un genre de caverne et puis je rêvais que j’avais perdu une jambe et ma première pensée au réveil c’était que non, que ma fille était toujours en vie ! Ma cadette avait choisi le film « Black Swan » que nous avons vu ensemble et je me disais qu’en quelque sorte c’était la vie de mon ainée que j’avais vue. J’étais effondrée. Je le ressentais comme une condamnation. Puis, il y avait des RV médicaux manqués par erreur du service hospitalier ou des personnes qui étaient en vacances. Tout allait de travers et ma fille qui luttait tous les jours pour ne pas faire « une bêtise » et la clinique psychiatrique qui préférait garder des lits pour des « urgences » !!!! Je me demande vraiment si le -destin n’a pas quand-même quelque chose à voir avec le suicide. Pour moi, cette pulsion de mort est très mystérieuse.
Ma fille me disait depuis longtemps qu’elle sentait qu’elle n’allait pas vieillir et mourir avant moi. C’est vrai qu’elle pensait au suicide depuis longtemps. Elle a perdu la bataille.
Maintenant, je suis convaincue que la mort n’est qu’un passage vers une autre forme d’existence et que, si je veux qu’elle puisse être en paix, je dois trouver la mienne.
Ma vie a basculé il y a cinq ans. A présent, je suis en train de me relever et de la reprendre en main. Ce ne sera plus jamais la même. D’autres changements majeurs sont intervenus : mon mari est décédé également, ma cadette a pris son envol et je suis partie à la retraite tout en gardant un jour d’activité par semaine. Tout est à réinventer et j’essaie de retrouver des forces physiques pour redevenir « fonctionnelle » en faisant de la kiné.
Mon ainée ne me quitte pas, mais je peux me réinvestir dans la vie en recherchant mon utilité pour le temps qu'il me reste.
Patience, l’apaisement viendra.